Le rôle du juge administratif en matière de police
Dissertation : Le rôle du juge administratif en matière de police. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar SalaheddineMab • 31 Mai 2020 • Dissertation • 2 204 Mots (9 Pages) • 629 Vues
Le rôle du juge administratif en matière de police
Salaheddine MABROUKI
Il n’y a point encore de liberté si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance législative et de l’exécutrice”.
Tel était le propos de Montesquieu dans “L’esprit des lois” de 1748, qui préconisait une séparation des pouvoirs afin de garantir le principe de liberté.
La séparation des pouvoirs est le fruit de la Révolution Française. De celle-ci découle la dualité des autorités administratives et judiciaires, cela afin d’empêcher que les juges judiciaires ne puissent interférer dans les affaires de l’Administration.
En ce sens, le juge administratif, a très vite développé un droit administratif distinct et autonome résidant dans la recherche de satisfaction de l’intérêt général. C’est en ce sens que l’on opère aujourd’hui une distinction des ordres juridictionnels en matière de police. En effet, cette distinction se matérialise dans un critère finaliste d’ordre public. En ce sens, la police judiciaire se concrétise par un caractère répressif relevant de l’autorité judiciaire tandis que la police administrative a pour vocation de prévenir, relevant ainsi des autorités administratives. En ce cas, il s’agit ici de ne parler que du rôle du juge administratif, et donc seulement de son champ de compétence qui relève de la police administrative. Cette police administrative peut être générale lorsqu’elle vise à protéger l’ordre public dans toutes ses composantes, ou spéciale lorsqu’elle ne se focalise que sur l’une de celles-ci. Le juge administratif doit être apprécié comme la pierre angulaire de l’État de Droit. De manière globale, il est le dernier rempart du respect des droits et des libertés des administrés en matière de police administrative. Par ailleurs, il se doit aussi de sauvegarder l’ordre public qui relève de l’intérêt supérieur de la société française. Or, respect des libertés et maintien de l’ordre public s’opposent parfois, dans la juste mesure où il est nécessaire de limiter certaines libertés des administrés dans une optique de préservation de l’ordre public, comme c’est actuellement le cas avec l’État d’Urgence sanitaire.
Alors que demeurait une méfiance envers le juge administratif du fait de sa proximité historique avec la sphère politique, il convient de savoir si cette-dernière est toujours d’actualité dès lors que l’on fait face à une instrumentalisation de l’ordre public, ce qui pourrait porter atteinte à notre État de Droit.
D’autant plus que le juge a admis un ordre public ”immatériel” basé sur des notions insaisissables, laissées à sa large appréciation.
Dans cette mesure, cela nous amène à nous demander si le rôle du juge administratif se limite seulement au respect du droit ?
En préliminaire, nous verrons que le juge administratif est définitivement un rempart en faveur de l’État de Droit (I) avant de démontrer qu’il est un acteur central de la vie politique (II).
Un juge administratif, rempart de l’État de Droit
L’une des missions du juge administratif réside dans l’assurance du maintien de l’ordre public (A), tout en protégeant les droits et libertés fondamentales des administrés (B).
Le juge administratif, assurance de l’ordre public
Le code général des collectivités territoriales en son article L-2212-2 définit le triptyque de l’ordre public en ses trois composantes principales, notamment la sécurité, la tranquillité ainsi que la salubrité publique. D’ailleurs, Maurice Hauriou définissait l’ordre public comme étant matériel et extérieur, ce qui suppose son accessibilité et in fine, son contrôle. C’est ici que réside le devoir du juge administratif qui se doit de sauvegarder cet ordre public comme a su le lui rappeler le juge constitutionnel dans une décision du 12-13 août 1993 “Maîtrise de l’Ordre Public”, rappelant que “l’ordre public est un objectif à valeur constitutionnelle”, et de facto constitue un droit des citoyens que l’administration se doit de mettre en oeuvre.
Cela d’autant plus que l’ordre public demeure un “intérêt supérieur de la société française”, et qu’il doit donc être homogène sur l’ensemble du territoire français afin de concéder à l’ensemble des administrés les mêmes droits, ce qui constitue l’un des fondements de notre État de droit. C’est en ce sens qu’il doit s’assurer que les mesures de police administrative sont “nécessaires à la sauvegarde de l’ordre public et strictement proportionnées pour atteindre les objectifs de maintien de l’ordre public qu’elles se sont fixées”. Dès lors, le juge administratif doit préserver l’ordre public de toute forme d’instrumentalisation, ce qui a pu se matérialiser dans une décision CE, 2011, Commune de Saint-Denis où il a assuré le stricte respect du champ de compétence entre police spéciale et police générale. Par ailleurs, le juge administratif est un véritable “régulateur” de l’ordre public dans la mesure où il s’assure que cette notion puisse garder tout son sens en empêchant que celle-ci ne soit dépossédée de valeur par une extension trop large, comme ce fut le cas avec “l’intérêt de l’esthétique” où il a dû réduire le champ des pouvoirs de police. (CE, 1972, Chambre syndicale des entreprises artisanales de Haute-Garonne)
Il est impératif de souligner le fait que l’ordre public est une notion dynamique, évoluant avec la société. L’importance du rôle du juge administratif dans ce contexte est particulièrement centrale dès lors qu’il doit adapter l’ordre public aux enjeux contemporains de nos sociétés en constante évolution. La notion d’ordre public s’adapte aux évolutions sociétales, le juge aussi. Il a pu le démontrer en admettant la “protection contre soi-même” dans une décision Bouvet de la Maisonneuve ou en conceptualisant un ordre public immatériel constitué des notions de dignité (CE, 1995, Morsang-sur-Orge) ou de moralité publique.
La préservation de l’ordre public impliquant la nécessaire restriction de certaines libertés, cela ne doit pas se faire au détriment des administrés, sur lesquels le juge veille.
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