L'Etat unitaire décentralisé
Dissertation : L'Etat unitaire décentralisé. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar victor.varouchas • 30 Mars 2017 • Dissertation • 2 464 Mots (10 Pages) • 1 590 Vues
Dissertation : L’Etat unitaire décentralisé
L’usage du mot Etat se développe au XVIe siècle. Mais quel est le sens de ce mot ? Nicholas Machiavel ouvre son livre Le Prince (1513) en prétendant que tous les Etats, toutes les dominations qui ont eu et ont empire sur les hommes, ont été et sont des républiques ou des principautés. L’Etat serait donc l’expression de la domination de certains hommes, les gouvernants, sur d’autres hommes, les gouvernés, et s’incarnerait sous deux formes majeures : républiques et principautés. « Le plus froid des monstres froids » disait Nietzsche, « l’organisation de la classe possédante, pour la protéger contre la classe possédante, pour la protéger contre la classe non possédante » selon Engels : il semble que, depuis sa création, cette distinction binaire entre gouvernants et gouvernés soit l’objet de controverses. Pour qu’Etat il y ait, il faut qu’il y ait un territoire clairement défini, des frontières, un contrôle des frontières, une population soumise à ce pouvoir, la citoyenneté (selon Aristote, la capacité d’exercer le droit de suffrage et de participer à l’exercice de la puissance publique), et surtout une autorité politique clairement investie et légitime qui gère son pouvoir de manière légitime. Pour encadrer ce pouvoir d’Etat et l’empêcher de déborder, un outil juridique est nécessaire : la Constitution. Elle prend en compte l’ensemble des règles, quelques soient leurs formes, relatives au fonctionnement des pouvoirs publics. Ainsi, un Etat est dit unitaire si une volonté politique unique s’applique à l’ensemble des citoyens (mêmes lois, mêmes règles, mêmes juges, mêmes droits) et met donc en place le principe d’égalité, régi par une Constitution unique. Ce type d’Etat (France, Italie, Espagne, …) se distingue de l’Etat fédéral dont les territoires qui le composent sont dotés d’autonomie, et d’indépendance absolue en matière constitutionnelle, législative, juridictionnelle et administrative (par exemple les Etats-Unis sont un Etat fédéral et le Texas, le Kansas et la Virginie des Etats fédérés). L’Etat unitaire est le modèle d’Etat napoléonien, celui dans lequel toutes les décisions sont prises par un centre unique. Les Rois de France comme Louis XIV poursuivaient cette idée de centralisation du pouvoir (ce dernier disait même « L’Etat, c’est moi »).
Or, en France, la loi du 2 mars 1982, relative aux droits et libertés des communes, départements et régions fait entrer l’Etat dans un système décentralisé : L’Etat confie aux collectivités territoriales un certain nombre de pouvoirs administratifs (depuis la révision constitutionnelle de 2003, l’article premier de la Constitution française dispose même que « L’organisation de la France est décentralisée »). La France est donc un Etat unitaire décentralisé. Mais le concept d’Etat unitaire ne correspond-il pas à une centralisation du pouvoir ? La notion d’Etat unitaire centralisé renverrait donc à un oxymore. La décentralisation est-elle alors une contrainte pour l’Etat ? En quoi permet-elle à l’Etat unitaire de tendre vers le fédéralisme sans jamais l’atteindre ?
Nous nous attarderons donc sur l’utilité de la décentralisation pour un Etat unitaire, en étudiant successivement les difficultés que rencontre un Etat unitaire centralisé et les caractéristiques d’un Etat unitaire décentralisé. Nous établirons ensuite une étude comparée entre l’Etat unitaire décentralisé et l’Etat fédéral, entre ressemblances et divergences.
I – L’utilité de la décentralisation pour un Etat unitaire
Si la centralisation permet à l’Etat unitaire d’avoir un centre unique de commandement qui décide de toutes les actions, ce modèle peut rencontrer des obstacles qui l’amèneront à décentraliser.
A – Les difficultés que rencontrent un Etat unitaire centralisé
Thomas Hobbes, dans Le Léviathan, estime que les hommes sont liés entre eux par un contrat social mais que le Roi était à l’écart de ce contrat : il justifie le totalitarisme (soumission complète des individus à un ordre collectif qui fait régner un pouvoir dictatorial). Cette approche extrême pose la première pierre à l’édifice de la centralisation : l’Etat est responsable de toutes les activités administratives. En France, la capitale Paris est le centre de toutes les décisions (par exemples toutes les autoroutes convergent vers Paris). Ce procédé de gestion administrative a pour but de consolider l’unité de la Nation, d’asseoir l’autorité de l’Etat et d’assurer l’égalité de traitement entre les administrés (premiers mots de la Constitution française : « La France est une République une et indivisible qui repose sur le principe d’égalité »).
La centralisation prend forme sous l’Ancien Régime. Louis XIII, assisté du cardinal de Richelieu, initie ce mouvement pour asseoir son autorité sur tout le royaume dans les années 1620. Louis XIV va perfectionner ce système. C’est ce système centralisateur qui a provoqué la chute de l’Ancien Régime ; il a contribué à mettre en place un régime totalement sourd aux doléances des sujets. Les Révolutionnaires ont été sensibles aux méfaits de la centralisation ; c’est l’époque d’affrontement entre les jacobins (républicains intransigeants, partisans d’un Etat centralisé) et les girondins (pour le renforcement des collectivités territoriales). Les lois du 14 et 22 décembre 1789 sont l’œuvre d’un compromis entre ces différentes tensions et en particulier au niveau d’une division géométrique du territoire : il va être divisé en départements, eux-mêmes divisés en districts, en cantons et en villes. On redonne donc du pouvoir au niveau local. Les IIIe et IVe Républiques marquent le début de la libre administration territoriale.
La Constitution française de 1946 consacre la libre administration des collectivités territoriales, qui sera réaffirmée sous la Constitution de 1958 (article 72 : « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon »). Toutes les affaires publiques n’ont pas la même importance, certaines intéressent l’ensemble du territoire et de la population d’autres n’ont qu’une dimension locale. Dès lors, n’est-il pas pertinent que ces affaires locales soient traitées et décidées à cet échelon-là, par des institutions élues par les habitants-mêmes de la collectivité territoriale ? Le système d’Etat unitaire centralisé est donc lourd et difficile à gérer. C’est pourquoi la mise en place d’un correctif est nécessaire, la décentralisation.
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