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Commentaire de l'arrêt Perruche (Cass. AP. 17 novembre 2000)

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Par   •  17 Octobre 2018  •  Commentaire d'arrêt  •  1 761 Mots (8 Pages)  •  1 472 Vues

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Au début des années 2000, le droit de la responsabilité civil a traversé une période de crise. La question de savoir si le corps médical, qui avait échoué à détecter une anomalie au cours du diagnostic médical, devait indemniser l’enfant handicapé a actualisé avec force l’adage de Loysel : « qui peut et n’empêche pêche ».

Au terme de l’affaire Perruche, dans un arrêt rendu en assemblée plénière le 17 novembre 2000, la Cour de cassation a tranché en faveur de la réparation du préjudice par le corps médical.

En l’espèce le médecin et le laboratoire médical avaient commis une faute contractuelle en ne détectant pas la rubéole dont souffrait une femme enceinte, ce qui avait eu pour effet de la priver du recours à l’IVG. Par suite, l’enfant était né handicapé.

Les parents ont agi en leur nom propre et en celui de l’enfant pour obtenir réparation du préjudice causé par le handicap, qui aurait eu pour origine la faute contractuelle. Après une première cassation, la juridiction de renvoi avait déclaré que le handicap n’ayant pas été causé par la faute contractuelle, le médecin et le laboratoire n’avaient pas engagé leur responsabilité. Les demandeurs se sont de nouveau pourvus en cassation.

L’enfant né handicapé suite à une erreur dans le diagnostic médical est-il fondé à obtenir réparation ?

Sur le fondement de l’article 1382 qui permet d’établir la responsabilité à l’égard d’un tiers sur la base d’une faute contractuelle, la Cour de cassation a déclaré que l’enfant né handicapé était bel et bien fondé à demander réparation, dès lors que l’erreur de diagnostic avait eu pour conséquence de priver la mère de son choix d’effectuer une IVG.

Nous allons identifier la portée de l’arrêt Perruche au sein du droit de la responsabilité civile.

L’ouverture de l’indemnisation pour l’enfant né handicapé a remis en cause les fondements de la responsabilité civile (I). Cependant les suites de l’affaire Perruche (II).  

  1. L’ouverture de l’indemnisation pour l’enfant né handicapé : une remise en cause des fondements de la responsabilité civile

Les éléments fondateurs de l’engagement de la responsabilité civile sont l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les deux. Si la première notion n’a pas posé de difficultés, la Cour de cassation s’est attaqué au problème de l’intervention de la liberté d’avorter de la mère dans la chaine causale a posé problème pour la détermination du lien de causalité (A). De plus, l’arrêt Perruche a consacré la reconnaissance d’un préjudice nouveau qui se détache de la définition classique de cette notion (B).

  1. Le problème de la liberté d’avorter de la mère dans la chaîne causale

Le problème que la Cour de cassation a attaqué de front est celui du lien de causalité entre la faute médicale et le préjudice causé par le handicap. Le lien de causalité repose essentiellement sur le fait qu’en ayant privé la mère d’une information capitale, le corps médical a empêché le libre-jeu de la décision d’avorter ou non. Le droit de l’enfant à ne pas naître handicapé découle directement de la liberté d’avortement. L’intérêt lésé n’existerait pas sans celle-ci : entre 1975 et 2000, cette liberté a donc pris une place capitale au sein du droit positif.

En l’espèce, la mère avait exprimé son souhait d’avorter au cas où l'examen rubéolique aurait été positif. Dès lors la Cour de cassation considère que cela suffit à établir le lien de causalité. Elle choisit de ne pas prendre en compte l’éventuel changement d’avis de la mère, en tenant sa décision d’avorter en cas d’examen positif comme certaine. La jurisprudence postérieure confirme cette interprétation. Dans trois arrêts rendus le 13 juillet 2001, la première chambre civile va encore plus loin, en considérant que cette volonté d’avorter devait faire l’objet d’une présomption, alors même que la mère ne s’était pas exprimée. Dès lors l’avortement est considéré comme la norme pour la société, là où la décision de garder l’enfant serait l’exception. Si elle est vérifiable dans l’opinion commune, cette conception marque cependant le passage d’une liberté d’avortement qui serait le choix entre deux alternatives à une liberté d’avortement qui serait le choix par défaut dans ce type de situations. Cela ne peut s’expliquer que par l’ampleur du préjudice risqué par l’enfant à naître.

  1. La reconnaissance d’un préjudice nouveau au-delà de ses éléments de définition classiques

La Cour de cassation se borne à reconnaître infra petita l’existence d’un préjudice nouveau dont pourrait se prévaloir l’enfant né handicapé, sans rien développer sur ce point. Les précédents arrêts rendus par la première chambre civile avaient fait de même. Or, la reconnaissance d’un tel préjudice ne va pas de soi, car il ne comporte pas les éléments classiques de définition.

Le préjudice serait l’altération d’une situation préexistante. Or, il n’y a pas de situation antérieure : l’enfant est directement né handicapé. De plus, la juridiction de renvoi arguait que le médecin n’était pas à l’origine du handicap en lui-même, lequel serait patent. Dès lors, il n’y a pas de statu quo ante qui puisse être restauré. L’impératif de Jean Carbonnier selon lequel « il faut réparer le mal, faire qu’il semble n’avoir été qu’un rêve » prend une connotation cruelle pour l’enfant handicapé. Comment réparer un tel préjudice ?

Quant à la nature du préjudice réparable, il est identique à celui-ci subi par les parents. D’abord d’ordre moral : il faut vivre avec le handicap, et les conséquences qu’il peut avoir sur la vie familiale et sociale de l’enfant. Ensuite d’ordre matériel : il faut réparer non seulement les conséquences financières pour l’enfant handicapé, qui ne sera pas capable de se prendre en charge, mais aussi devra supporter les frais directement liés à son handicap. C’est pourquoi dans un arrêt du 14 février 1997, Quarez, le Conseil d’Etat avait condamné un établissement public de santé à verser une rente aux parents prenant en compte les charges particulières qui découleront pour les parents tout au long de la vie de l’enfant. La réparation devra être similaire dans le cas de l’enfant Perruche.

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