Commentaire d’arrêt : CE, 22 septembre 1997, Mlle Cinar
Commentaire d'arrêt : Commentaire d’arrêt : CE, 22 septembre 1997, Mlle Cinar. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar clemclem 95 • 19 Octobre 2018 • Commentaire d'arrêt • 2 092 Mots (9 Pages) • 2 857 Vues
Commentaire d’arrêt : CE, 22 septembre 1997, Mlle Cinar
L’arrêt du CE de 1978, GISTI, consacre le principe général du droit disposant que les étrangers résidant régulièrement en France ont le droit de mener une vie familiale normale ce qui revient à faire venir auprès d’eux leur conjoint et leurs enfants mineurs. Or cela n’a pas été toujours le cas notamment dans l’arrêt du CE du 22 septembre 1997, Mlle Cinar.
En l’espèce, la requérante titulaire d’une carte de résidence en France, qui lui a été délivré à la suite d’un regroupement familial, fait venir son enfant de Turquie de manière irrégulière. Cette dernière demande au préfet d’admettre le séjour de l’enfant, ce qu’il refusa dans une décision du 25 novembre 1993 au motif du caractère irrégulier de son entrée en France. Ainsi, il lui enjoint de faire quitter le territoire à son enfant dans un délai d’1 mois, sous peine de poursuites pénales.
Le tribunal administratif est donc saisi, mais il rejette la demande d’annulation de la décision du préfet dans un jugement du 19 juillet 1994.
La requérante forme alors un recours devant la cour administrative d’appel qui se déclare incompétente en application de l’article R.81 du code des TA et CAA et renvoie devant le CE qui prendra en considération la convention internationale des droits de l’enfant.
- En quoi est-ce l’application directe de la convention internationale dans l’ordre interne permet de sauvegarder l’intérêt de l’enfant ?
Le CE dans son arrêt du 22 septembre 1997 annule le jugement du tribunal administratif et la décision du préfet en considérant que l’application direct de la convention internationale des droits de l’enfant de 1990 fait primer l’intérêt supérieur de l’enfant.
Il est donc intéressant d’aborder la reconnaissance du caractère obligatoire de la convention (I) permettant d’assurer la primauté des droits de l’enfant (II) par rapport à la régularité de l’entrée sur le territoire.
- La reconnaissance du caractère obligatoire de l’art 3-1 de la convention des droits de l’enfant
L’invocation par la requérante de la convention internationale des droits de l’enfant devant les juridictions administratives (A) a permis la consécration de l’art 3-1 de cette convention par le Conseil d’Etat (B).
A) L’invocabilité de la convention internationale des droits de l’enfant
En l’espèce, la convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) est invoquée en appui du recours pour excès de pouvoir. Ainsi, la requérante considère que cette convention créée des droits directement sur les particuliers. En effet, une convention internationale n’a d’effet dans l’ordre interne que si elle a un effet direct sur les particuliers selon CE, 1990, Confédération Nationale des associations familiales catholiques (il s’agissait de l’application de la CEDH pour annuler un décret concernant la pilule du lendemain).
CE, 18 avril 1951, Elections de Nolay estime que la DUDH (déclaration universelle des droits de l’Homme) n’est pas invocable directement devant le juge interne, dû au fait que ce n’est qu’une déclaration et non une convention ou traité. Une déclaration traite en effet d’une obligation morale mais n’a aucune force juridique.
Ainsi, même si cette DUDH n’a pas d’effet contraignant, elle voit ses valeurs protégées par des conventions qui elles, ont une valeur contraignante : c’est ainsi l’objectif de la CIDE de 1990.
En l’espèce, même si l’art 12 de la DUDH exprime le respect de la vie familiale (« Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa réputation »), le CE s’appuiera plutôt sur la CIDE, qui en étant une convention a une valeur contraignante pour les Etats.
Ainsi, le fait que le Conseil d’Etat prenne en référence cette convention entraine de nombreuses conséquences, dont la consécration de l’effet direct de l’art 3-1 de la CIDE invoqué par ce dernier.
B) La consécration de l’effet direct de l’art 3-1 de la convention internationale des droits de l’enfant
Le fait qu’une convention internationale ait un effet direct signifie qu’elle doit créer des droits et obligations précis à l’égard des individus, ne nécessitant donc pas la création de norme interne pour l’effectivité de son application.
En l’espèce, le Conseil d’Etat considère alors que l’art 3-1 CIDE est assez explicite et ne nécessite pas de normes internes pour préciser son application. Cela est aussi dû au fait que nous pouvons rapprocher cet article de l’article 8 de la convention européenne des droits de l’Homme qui prône le respect de la vie privée et familiale, et qui est lui aussi d’application directe.
La convention internationale des droits de l’enfant n’a donc jamais été considérée d’effet direct (sauf dans CE, 29 janvier 1997 qui n’a pas été publié) c’est-à-dire qu’elle n’était pas applicable directement par les juridictions françaises, et que donc les requérants ne pouvaient pas directement l’invoquer devant ces dernières. C’est par son arrêt Mlle Cinar que le Conseil d’Etat franchira le pas et considère que la convention peut être directement invoquée par les requérants devant les juridictions françaises. En effet, le CE considère que la décision du préfet et le jugement du TA refusant le séjour de l’enfant sont illégaux, malgré le fait que le préfet avait pris sa décision en conformité de la loi, puisqu’ils sont contraires à l’art 3-1 de la CIDE qui protège l’intérêt supérieur de l’enfant.
Dans CE, 7 juin 2006, Associations Aides, le Conseil d’Etat confirmera sa position concernant l’effet direct de l’art 3-1 de la CIDE.
De plus, le Conseil d’Etat ne considère pas que toute la convention est dotée d’un effet direct. En effet, par exemple dans CE, 29 juillet 1994, Abdelmoula, le Conseil d’Etat considère que l’article 9 de la CIDE ne produit de liens qu’entre les Etats et donc des effets qu’entre eux. Un requérant ne peut donc pas l’invoquer directement devant les juridictions nationales, sachant que cet article n’a pas d’effet direct sur les individus.
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