Ch Com, 10 juill. 2007
Commentaire d'arrêt : Ch Com, 10 juill. 2007. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar lulu1808 • 16 Février 2017 • Commentaire d'arrêt • 2 371 Mots (10 Pages) • 1 260 Vues
L’établissement du principe de bonne foi en matière de droit des contrats constitue, d’un point de vue historique, une question fortement débattue. L’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de Cassation, en date du 10 juillet 2007 traite de la question de la place de la bonne foi dans les conventions, et plus précisément il concerne les notions envisagées dans les alinéas 1er et 3 de l’article 1134 du Code civil.
La société Les Maréchaux exploite une discothèque. M. X… (que l’on appellera l’acheteur ou le cessionnaire), président du conseil d’administration et titulaire de plusieurs titres dans la société, rachète la participation de MM B…, A… et Z… (les vendeurs ou les cédants) par acte du 18 décembre 2000. La convention de cession des titres signée par les parties prévoit notamment deux choses : tout d’abord, que le cessionnaire devra un complément de prix aux cédants sous certaines conditions ; enfin, elle contient une clause de garantie de passif qui oblige les vendeurs à garantir l’acheteur, en proportion de la participation cédée, contre toute augmentation des dettes de l’entreprise résultant d’événements ayant lieu après la cession, mais dont l’origine serait antérieure à celle-ci. Par la suite, l’entreprise est soumise à un redressement fiscal au titre de certaines irrégularités présentes dans ses comptes lors de l’année 2000.
Les cédants assignent le cessionnaire à leur verser le complément de prix en se basant sur l’alinéa 3 de l’article 1134 du Code civil faisant état du fait que les conventions « doivent être exécutées de bonne foi », tandis que ce dernier demande, par la voie reconventionnelle, à obtenir la mise en œuvre de sa créance de garantie de passif au titre de l’alinéa 1er de ce même article, disposant que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».
La cour d’appel de Paris, par un arrêt en date du 14 mars 2006, a débouté le cessionnaire de sa demande au motif qu’il « ne peut se prétendre créancier à l’égard des cédants » au regard de son manque d’attention envers une mise en place d’un contrôle des comptes de la société, exposant délibérément la société aux risques survenus, mettant en évidence le manquement à la bonne foi de celui-ci.
La Cour de cassation, saisie d’un pourvoi, est confrontée à la question suivante : le fait, pour un créancier, d’agir à l’encontre de la bonne foi peut-il permettre au juge d’aliéner son droit de créance ?
Apportant une réponse négative à cette interrogation, la chambre commerciale casse et annule, au visa des alinéas 1er et 3 de l’article 1134 du Code civil, la décision rendue par les juges de fond au motif que « si la règle selon laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi permet au juge de sanctionner l’usage déloyal d’une prérogative contractuelle, elle ne l’autorise pas à porter atteinte à la substance même des droits et obligations légalement convenus entre les parties ».
La solution offerte par la Cour de cassation nous permet donc d’envisager que la mauvaise foi du créancier ne permet pas au juge de réviser la « substance-même » du contrat, son contenu obligationnel : cet arrêt réduit l’importance de l’application de l’alinéa 3 de l’article 1134 du Code civil, limitant par le même biais les pouvoirs du juge en matière d’interprétation de cet article, sans pour autant annihiler son pouvoir de sanction.
Ainsi, il conviendra d’étudier comment cette décision permet de recarder les concepts de bonne foi et de force obligatoire du contrat (I) ; mais aussi comment elle permet une limitation de l’activisme judiciaire en matière de droit contractuel (II).
I. Une décision permettant de recadrer les concepts de bonne foi et de force obligatoire du contrat
La Chambre commerciale de la Cour de cassation, en affirmant un principe éclairant le droit positif (A), fait prévaloir la force obligatoire du contrat sur le principe de la bonne foi (B).
A. L’affirmation d’un principe éclairant le droit positif
La Cour d’appel a statué, en l’espèce, qu’en sa qualité de président du conseil d’administration, le cessionnaire a fait preuve de mauvaise foi car il ne pouvait ignorer les risques qui se sont réalisés et que couvrait la garantie de passif.
C’était une décision plus que courante avant cet arrêt du 10 juillet 2007. En effet, la doctrine étant très divisée sur le sujet, il convenait pour chacune des parties de baser sa demande soit sur la force obligatoire du contrat, soit sur le devoir de bonne foi auquel était soumis le cocontractant. Le problème pour la Cour était alors de hiérarchiser ces doctrines. Deux thèses principales se dégageaient ainsi : la doctrine solidariste, qui en appelait à une application systématique de principe de bonne foi, permettant alors au juge de s’immiscer dans l’équilibre de la substance du contrat , et la doctrine individualiste, bien plus libérale, qui consiste à prôner un respect total de la convention formée, et la soustraction aux pouvoirs du juge de toute modification ou amendement au contrat, même en cas d’extrême déloyauté .
Ces deux conceptions de la place de la bonne foi dans le contrat n’aidaient pas à la stabilité des décisions jurisprudentielles. Si c’était un coup l’alinéa 3 de l’article 1134 qui prévalait dans les jurisprudences antérieures, comme l’arrêt de l’assemblée plénière de la Cour de cassation du 6 octobre 2006 l’a décidé, c’était parfois l’alinéa 1er de cet article qui avait la primauté sur l’autre.
La chambre commerciale de la Cour de cassation, dans son arrêt, permet de calmer le débat en énonçant un principe qui permettra d’éclaircir quelque peu la doctrine et la jurisprudence. Elle affirme ainsi que « si la règle selon laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi permet au juge de sanctionner l’usage déloyal d’une prérogative contractuelle, elle ne l’autorise pas à porter atteinte à la substance même des droits et obligations légalement convenus entre les parties ». Dans cette formule, « nimbée de mystère » , elle effectue une précision essentielle en admettant que le juge ne peut sanctionner le créancier pour non-respect de la bonne foi si, pour ceci, il doit porter atteinte à la substance du contrat.
Cette solution a ainsi tenté de faire s’articuler les alinéas 1 et 3 de l’article 1134 du code civil, en affirmant la primauté de la notion de force obligatoire du contrat sur le principe de bonne foi.
B. Une solution faisant prévaloir
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