Exercice d'écriture - lettre procés Baudelaire

Mon cher Jules,

Je vous écris cette lettre, aujourd’hui, sous la plus grande des colères et avec le dépit le plus profond. Ces injustices commises ce 20 août resteront, à jamais, gravées dans ma mémoire. Comme vous le saviez, cette date est déterminante pour mon incompris, Les Fleurs du Mal. L’histoire a été réglée en quelques tumultueuses heures. Maître Pinard, pleins de revendications, n’a fait que m’accabler de toutes les pires choses qui puissent subsister sur terre. Et devant lui, Maître Chaix, sans fougue, a essayé malaisément de faire valoir mon ouvrage.

Ils ne comprennent pas. Je les soupçonne, d’ailleurs de ne point pouvoir. Prenons leur premier argument, Maitre Pinard nous a fièrement prôné ses bons principes et ses valeurs chrétiennes : il s’est effaré et a crié au blasphème en ayant sorti hors contexte, quelques citations dites outrageuses. Mais justement, si j’ai essayé d’apprivoiser ces sujets, si tabou soient-ils, que sont la perversion, le lesbos, Satan ou plus globalement les pêchés, c’est pour mettre le lecteur face à ses vices, pour qu’il en prenne conscience et qu’il sorte instruit de sa lecture. Ce n’est ni un appel au reniement de Jesus, ni une invocation de Satan. Je veux créer une impression, une sensation, exagérer ou grossir la laideur, en aucun cas je ne veux respecter leurs règles de bienséance. Non, Jules, ils n’ont rien compris.

Aussi on me reproche une offense à la pudeur, dans mes écrits, une sensualité excessive, pour la « défense » des bonnes mœurs et de la morale publique. Comment peuvent-ils, comment osent-ils ? Leurs pensées comprennent peu être une plus grande vulgarité que mes dires dans Les Fleurs du Mal. Pour appuyer leurs propos, ils évoquent par exemple « Les Bijoux » ou encore « Femme Damnés », qui en effet je l’admets choque, dérange et attise le questionnement. Mais c’est ici précisément mon intention. Je veux que mon lecteur ait un œil nouveau sur ces questions, qu’il apprenne à réfléchir, à penser par lui-même. Comment peut-on avancer que c’est en sachant qu’on pèche et qu’un ignorant vit dans la vertu ? Comment ?

  Je m’indigne également sur un fait : dans leurs grands discours, bien construits, je n’ai pas trouvé une once de parole sur l’esthétisme ainsi que sur l’art de l’écriture. La seule intervention à ce propos fut que le sujet ne serais justement pas pris en compte. Pourtant c’est l’axe même des Fleurs du Mal. Ça encore, ils ne l’ont pas compris. J’espère de tout cœur que l’on revienne sur cette décision bien que j’en doute fort.

Je vous salue, mon ami et j’espère vous revoir bientôt.

Charles Baudelaire  

...