La confiance à quel prix ?

La confiance à quel prix?

En tant qu’éducateur spécialisé dans une école secondaire, je fais souvent des suivis d’évaluation d’état mental et physique avec les élèves de 13 et 14 ans qui me sont confiés. Précédemment, lors d’une rencontre professionnelle avec un jeune adolescent de 13 ans, Samuel, j’ai eu droit à des aveux pour le moins troublants. Ce dernier m’a avoué que son père, Réjean, lui fait subir des sévices ainsi qu’aux autres membres de sa famille (sa sœur et sa mère en sont aussi victimes). Évidemment, Samuel démontre une grande confiance envers moi et ne veut pas que l’affaire se sache. Malgré tout, je ne suis pas certain de ce que je dois faire pour régler la situation. Dois-je tenir le tout au silence, ou bien faire éclater la vérité au grand jour? La situation dans laquelle je me trouve est complexe et met mes valeurs fondamentales de justice et de confiance en question. Peut-être trouverai-je la réponse à ma question si je me fie au mode de pensée du philosophe Emmanuel Kant?

Tout d’abord, il faut examiner le cas de Samuel. L’adolescent subit de l’abus physique et psychologique de la part de son père, Réjean, sur une base régulière. Chaque jour, Samuel arrive à l’école dans un état pire que l’autre, tant physiquement que psychologiquement. Toutefois, malgré ses aveux, Samuel refuse que cette information sorte au grand jour. En effet, son père le menace, lui, ainsi que le reste de sa famille de leur faire encore plus de mal si quelqu’un était mis au courant de la situation. D’un côté, je pourrais briser le secret professionnel et dénoncer la situation à la police. En effet, de la sorte, la situation pourrait se régler. Par contre, ceci pourrait détruire le lien de confiance que Samuel a envers moi, puisque je ne respecterai pas la personne à qui j’ai fait une promesse. D’un autre côté, je pourrais suivre à la lettre le code de déontologie des éducateurs spécialisés en conservant le secret professionnel. De ce fait, je pourrais préserver le lien de confiance avec l’élève, tout en sachant qu’il est en présence d’un criminel dans sa famille. Évidemment, j’encouragerais Samuel à dénoncer son agresseur ou à me laisser en parler afin qu’une aide supplémentaire soit appelée en renfort. Tout de même, la justice est en étroit conflit avec la confiance.

D’après Kant, nous devrions toujours agir selon un principe ou une maxime dont nous pourrions vouloir qu’elle devienne un principe universel. Par exemple, selon lui, toutes formes de malhonnêteté ou mensonge vont à l’encontre de l’éthique des devoirs. Si une personne ment dans le but d’échapper à une sanction, il faut se demander si l’on voudrait que le principe « mentir pour échapper à une sanction » devienne un principe ou un devoir universel. Selon Kant, la réponse serait négative, car cela voudrait dire que tout le monde pourrait systématiquement mentir pour éviter une conséquence, situation que personne ne souhaite réellement. Par rapport à la situation de Samuel, je dois analyser chacune des deux options possibles qui s’offrent à moi. La première option, qui consiste à briser le secret professionnel et à dénoncer la situation à la police, pourrait être motivée par la maxime d’action suivante : en tant qu’éducateur spécialisé,

...