La thèse de Levi-Strauss " Les structures élémentaires de la parenté "
Thèse : La thèse de Levi-Strauss " Les structures élémentaires de la parenté ". Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Moimoimama • 17 Février 2014 • Thèse • 1 791 Mots (8 Pages) • 2 026 Vues
La thèse de Lévi-Strauss sur Les Structures élémentaires de la parenté, parue en 1948, n’avait éveillé que l’attention des spécialistes. En revanche, depuis le prodi-gieux succès de Tristes Tropiques, en 1955, chacun de ses livres – Anthropologie structurale, en 1958, Le Totémisme aujourd’hui et La Pensée sauvage en 1962, Les Mythologiques I, II, III, IV, parus respectivement en 1964, 1967, 1968, et 1971, Anthropologie structurale deux, en 1973, Le regard éloigné, en 1983, pour ne citer que ceux-là – chacun de ses livres a été reçu comme un événement.
L’événement, c’était d’abord l’introduction de l’anthropologie dans le domaine des sciences humaines, plus précisément dans le champ d’étude de la culture, car avant Lévi-Strauss, en France, n’existait que l’anthropologie physique. Pour Lévi-Strauss l’ethnographie, l’ethnologie et l’anthropologie se présentent comme trois moments progressifs d’une même recherche : l’ethnographie consiste dans le travail sur le terrain, dans l’observation et la description des données. L’ethnologie représente une première synthèse au niveau de l’ethnie, ou de l’aire culturelle. L’anthropologie, elle, « vise à une connaissance globale de l’homme, embrassant son sujet dans toute son extension historique et géographique ; aspirant à une connaissance applicable à l’ensemble du développement humain depuis, disons les hominidés jusqu’aux races modernes ; et tendant à des conclusions, positives ou négatives, mais valables pour toutes les sociétés humaines depuis la grande ville moderne jusqu’à la plus petite tribu mélanésienne.» (A.S.388)
Pourquoi Anthropologie structurale ? Les Anglo-Saxons, à qui Lévi-Strauss a em-prunté le terme d’anthropologie, parlent d’anthropologie culturelle ou sociale. Cette substitution de qualificatifs indique un changement de méthode. Les Anglo-Saxons prétendaient expliquer la genèse et le développement de la culture, soit par la diffu-sion d’éléments essentiels à partir de « centres de civilisation », et leur extension à des « aires » culturelles ; soit par l’évolution des cultures selon un schéma hérité de l’évolutionnisme biologique. Étant donné l’extrême indigence, voire l’absence de do-cuments écrits relatifs aux sociétés primitives, diffusionnistes et évolutionnistes ne pouvaient aboutir qu’à une histoire « conjecturale et idéologique », parfois même totalement fantaisiste. « Les cycles ou les complexes culturels du diffusionniste, constate Lévi Strauss, sont, au même titre que les stades de l’évolutionniste, le fruit d’une abstraction à laquelle il manquera toujours la corroboration de témoins ». (A.S.8) Boas d’abord, Malinowski ensuite dénoncèrent les illusions de cette anthropo-logie génétique. Mais ils ne surent pas sortir de l’impasse.
Lévi-Strauss, lui, tire la leçon de cet échec. Puisqu’on ne peut atteindre directe-ment l’histoire du développement des cultures, on peut pour le moins en chercher les conditions de possibilité à partir d’une étude systématique comparative des cultures. Renonçant à chercher la genèse historique -impossible à reconstituer- de la culture, Lévi-Strauss s’attache à découvrir les structures inconscientes sous-jacentes à ses diverses institutions et y reconnaît les structures mêmes de l’esprit.
Lévi-Strauss se défend de faire de la philosophie : son Anthropologie structura-le- non seulement le livre qui porte ce nom, mais toute l’œuvre qui en illustre préci-sément les principes – se veut rigoureusement scientifique, appuyée sur les métho-des les plus éprouvées des sciences humaines. Et cependant, à qui lui demande si son œuvre est philosophiquement neutre, il répond : « Ce serait hypocrite de ma part de le prétendre » (Esprit, 652). Qu’est-ce à dire, sinon que l’Anthropologie structurale, selon les termes mêmes de Lévi-Strauss, « contient en germe une philosophie de la société et de l’esprit », ou plus exactement qu’elle se présente elle-même comme une connaissance scientifique de l’homme total, destinée à rendre caduque « toute méta-physique future ».
Nous verrons ce qu’il convient d’en penser. En attendant il importe de définir la méthode structurale, avant de développer la thèse de l’auteur sur la relativité des cultures, puis d’examiner ses conclusions sur l’universalité de l’esprit.
I - Méthode structurale
1- En linguistique
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À vrai dire, dans le domaine des sciences humaines, ce sont les linguistes qui, les premiers, ont inauguré la méthode structurale et l’ambition de Lévi-Strauss est précisément d’introduire dans l’étude des cultures le modèle linguistique. Inaugurée par Saussure, représentée essentiellement par Troubetzkoy, Jakobson et Hjelmslev, la linguistique structurale apparaît comme une réaction contre la linguistique historique. Avant de faire l'histoire d'une langue, c'est-à-dire de se poser à son sujet des questions d'origine, d'évolution et de diffusion, il faut l'étudier en elle-même. La linguistique structurale prône un retour au niveau le plus élémentaire de l'investigation scientifique: l'étude immanente de l'objet — ici du langage — destinée à en dévoiler les structures et à établir ainsi les condi-tions de possibilité de son évolution.
À tout procès donné par l'expérience correspond un système qui lui est sous-jacent, c'est la structure qu'il convient de trouver. Cette dualité entre procès et système, on la retrouve chez tous les linguistes sous des noms différents : parole/langue, chez Saussure ; message/code, chez Jakobson ; usage/schéma, chez Hjelmslev. Elle correspond à l'opposition du vécu et du conçu. Retenons-en le prin-cipe, parce que nous la retrouverons, transposée, chez Lévi-Strauss.
Dire que la langue est un système, c'est postuler que chacun de ses éléments (qu'il s'agisse de phonèmes, de morphèmes ou de sémantèmes) ne vaut, ne signifie que par rapport aux autres. En soi tout signe linguistique est arbitraire. Il signifie un objet déterminé, par son écart différentiel d'avec un autre signe, par son opposition relative à un autre signe. Prenons les choses au niveau de la phonolo-gie où l'analyse structurale est la plus simple. Ce niveau est celui du rapport entre le son et le sens. De soi, en tant que rapport isolé d'un son et d'un sens, il est arbitraire par exemple que le mot allemand Rose signifie rose, et que le mot Riese signifie géant; et toute explication par l'affinité
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