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«Tableaux parisiens» de Baudelaire

Résumé : «Tableaux parisiens» de Baudelaire. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  13 Mars 2022  •  Résumé  •  1 811 Mots (8 Pages)  •  1 942 Vues

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De 1853 à 1870, la ville de Paris connaît d’immenses bouleversements : le paysage urbain est en effet profondément modifié par des grands travaux initiés par Haussmann. Paris se métamorphose : les ruelles insalubres cèdent la place à de grands boulevards dessinant une géographie nouvelle. C’est dans ce contexte que paraît, en 1861, la deuxième édition des Fleurs du Mal de Charles Baudelaire. La première version parue en 1857 s’est enrichie d’une nouvelle section intitulée «Tableaux parisiens» qui répond aux nouvelles aspirations poétiques de l’auteur. Charles Baudelaire trouve ainsi dans la ville et les citadins une nouvelle source d’inspiration. Parmi la foule hétéroclite et marginale qui capte l’attention du poète : aveugles, vieillards, petites vieilles, saltimbanques, il s’attache «A une passante» comme l’indique le titre du poème étudié. Ce sonnet raconte une rencontre forcément fugitive avec une inconnue croisée dans la rue. Mais en quoi ce sonnet constitue-t-il une scène de rencontre originale ? Nous montrerons le cadre hors du commun de la rencontre; puis que le poète évoque un idéal féminin. Enfin, nous mesurerons les effets de cette apparition sur le poète.

Dans les deux  quatrains, le poète relate une scène de rencontre amoureuse

Premier quatrain Le cadre de la rencontre : la ville.

La rencontre se déroule dans un univers urbain comme le précise le titre «A une passante» qui désigne une inconnue croisée dans la rue.

vers 1 : «la rue assourdissante autour de moi hurlait». Le décor est celui des «tableaux parisiens». Il apparaît ici comme agressif et source de spleen. Le cadre urbain est en effet hostile et bruyant

le suggère la personnification de la rue avec le verbe «hurlait» à l’imparfait.

Le vacarme et la frénésie sont encore rendus sensibles par les assonances en Ou et An, l’ allitération en [R] et l’adjectif «assourdissante». L’effet est amplifié par le double hiatus symétrique du début et de la fin du vers : « rue-assourdissante » (hiatus /u-a/) et « autour de moi-hurlait » (hiatus /a-u/).

(Rappel Le hiatus désigne en prosodie la rencontre de deux voyelles, sans élision. Dans le corps d’un vers, il y a hiatus chaque fois qu’un mot terminé par une voyelle sonore est immédiatement suivi par un mot commençant par une voyelle ou par un H muet).

Le groupe prépositionnel « autour de moi » laisse penser que le poète se sent cerné par l’agitation du lieu. Dans ce contexte, l’apparition de l’inconnue est inespérée..La construction de la phrase suppose aussi que le poète est au centre d'un tumulte qui crée une prison.

 


Dans ce cadre urbain, le poète est attiré par une silhouette ..


 Le regard du poète est effectivement irrémédiablement attiré par cet être dont il suit le mouvement.

Les vers 2 à 5 présentent la passante en suggérant la progression de sa vision : simple silhouette au départ, elle semble se rapprocher. Le regard s’immobilise alors sur des détails, « la main » au vers 3, « la jambe » vers 5. L’apparition de l’être admiré est d’ailleurs retardée .

Si le poète est saisi par l’apparition de l’inconnue, c’est avant tout parce qu’elle incarne à ses yeux un idéal de Beauté. Le narrateur insiste d’abord sur l’élégance aristocratique et la beauté altière de la jeune femme.

V2  Le vers deux se compose en effet d’une série d’adjectifs et de noms communs apposés mélioratifs dont la distribution dans le vers crée un rythme particulier. La multiplication de coupes crée un effet de cadence majeure (groupes de mots de plus en plus longs : 2-2-3-5) qui mime la démarche dansante de l’inconnue.

La description suggère surtout la perfection physique : la silhouette est élancée (« longue, mince »), loin des codes de beauté de l’époque qui célèbrent les courbes généreuses et maternelles

elle est « en grand deuil », c’est à dire tout habillée de noir, mais l’expression connote aussi l’idée d’un vêtement noble, classieux, élégant qui souligne la beauté des corps.

La situation initaile est posée, le portrait de la femme est achévé.

V. 3

Le déterminant indéfini au vers 3 «une femme passa» joue ici bien son rôle : il désigne un être animé inconnu; il peut aussi retrouver sa valeur numérale : la jeune femme est unique dans la beauté qu’elle incarne. Le verbe passa au passé simple insiste lui sur la fugacité de la vision.

V 4 L’allitération en [L] associée aux gérondifs au vers suivant « soulevant, balançant, le feston et l’ourlet» renforce l’idée de vivacité et de la grâce. Le raffinement de la passante se trouve encore renforcée par l’association à la rime des deux adjectifs « majestueuse » et « fastueuse».

La multiplication de coupes crée un effet de cadence majeure (groupes de mots de plus en plus longs : 2-2-3-5) qui mime la démarche dansante de l’inconnue.

La tenue vestimentaire enfin est celle d’une femme aisée, moderne, elle est la Parisienne : elle porte une robe longue, qu’il faut soulever pour éviter que l’ « ourlet », c’est à dire le bas de la robe, traîne par terre ; un « feston », c’est à dire une pièce de broderie qui orne cet ourlet ; elle est « en grand deuil », c’est à dire tout habillée de noir

V. 5 Le corps est sculptural comme l’indique la métaphore «sa jambe de statue ». Elle incarne la perfectionesthétique,comme celle que recherchait les sculpteurs antiques.

  1. 6     La rencontre aussi soudaine qu’inattendue bouleverse complètement le poète. Le poète est  ébloui par cette apparition. Le vers 6 note la paralysie du narrateur « crispé comme un extravagant» sous l’effet de la fascination. La comparaison «comme un extravagant» c’est-à-dire comme un aliéné (du latin vagari, errer» ) ajoute à l’idée de stupéfaction. L’admiration est évoquée également par les verbes « boire », synonyme de regarder avec avidité, ou encore le verbe « fasciner » : l’homme dévisage la femme dont il admire la beauté avec intensité.

Il est à la fois sidéré par cette beauté mais aussi par son angoisse chronique.

Vers 7 et 8  Portrait moral de la  passante .

Le portrait moral confirme ce que le portrait physique faisait pressentir: la jeune femme intimide par ce qu’elle peut dégager. La métaphore «Dans son oeil livide où germe l’ouragan» , c’est-à-dire un ciel d’orage, annonce une violence contenue. L’ambivalence transparaît à partir de la symétrie (2 fois : nom + proposition relative) du vers 6 : « La douceur / qui fascine // et le plaisir / qui tue » dominée par l’antithèse ; la douceur et le plaisir s’opposent au verbe tuer. La jeune femme incarne à la fois Eros, le désir, l’amour charnel, et Thanatos, la mort, idée annoncée grâce à la rime riche des vers 2 et 3 «majestueuse», «fastueuse». On retrouve un paradoxe assez commun dans les représentions de la femme chez Baudelaire : une femme qui séduit et qui fait souffrir.Comme une araignée, elle prend au piège le poète  pour lui faire du mal.( Le manger)

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