Contrée (1944) - « LA PESTE », Desnos
Commentaire de texte : Contrée (1944) - « LA PESTE », Desnos. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Stéphanie Saxe • 6 Mai 2020 • Commentaire de texte • 1 437 Mots (6 Pages) • 1 838 Vues
Contrée (1944) - « LA PESTE », Desnos
- LA PESTE
Dans la rue un pas retentit. La cloche n’a qu’un seul battant. Où va -t- il le promeneur qui se rapproche lentement et s’arrête par instant ? Le voici devant la maison. J’entends son souffle derrière la porte.
Je vois le ciel à travers la vitre. Je vois le ciel où les astres roulent sur l’arête des toits. C’est la grande Ourse ou Bételgeuse, c’est Vénus au ventre blanc, c’est Diane (1) qui dégrafe sa tunique près d’une fontaine de lumière.
Jamais lunes ni soleils ne roulèrent si loin de la terre, jamais l’air de nuit ne fut si opaque et si lourd. Je pèse sur ma porte qui résiste…
Elle s’ouvre enfin, son battant claque contre le mur. Et tandis que le pas s’éloigne je déchiffre sur une affiche jaune les lettres noires du mot « Peste ».
Robert Desnos , Contrée (1944)
- Bételgeuse, Vénus, Diane évoquent des astres et constellations.
Robert Desnos est l’un des plus doués des Surréalistes. Ses capacités médiumniques ont été très appréciés lors des séances d’hypnose et d’écriture automatique. Il a rompu en 1927 avec ses amis surréalistes, mais ensuite, son écriture en porte la marque.
Pendant la seconde guerre, Desnos participe à la Résistance en s’occupant de renseignement. Il est arrêté en février 1944 alors qu’il prépare la sortie d’un journal clandestin satirique et déporté dans le camp de concentration de Terezin où il meurt du typhus le 8 juin 1945, jour de la libération du camp. Comment Desnos arrive-t-il à recréer l’atmosphère qui règne pendant la seconde guerre mondiale dans son poème ?
- Une structure narrative
Le narrateur : « je »
Le temps : récit au présent
Trame narrative :
Arrivée d’un inconnu / peur du narrateur, désir de fuir / impuissance du narrateur / départ de l’inconnu et découverte d’une affiche.
Structure d’un cauchemar qui serait raconté au moment où il se déroule. On se rappelle que Desnos était l’un des Surréalistes les plus doués pour les rêves éveillés.
Une progression spatiale
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Porte
Extérieur intérieur intérieur extérieur [pic 5][pic 6][pic 7][pic 8]
Rue rue [pic 9][pic 10]
Donc des thématiques contradictoires : un enfermement et une évasion
Des thématiques fortement antithétiques
La première strophe
- Une tension insoutenable
Comme dans un cauchemar, un individu non identifié se rapproche sans qu’on sache où il va ni ce qu’il fait
⇒ Angoisse de l’occupation, peur de la dénonciation, des arrestations
Importance de la cloche qui n’a qu’un seul battant (c’est normal pour une cloche) : faut-il comprendre qu’elle ne sonne qu’une fois comme le glas qui annonce les morts.
- Importance des bruits la nuit et dans les périodes d’occupation :
Pas, cloche et souffle : atmosphère angoissante
- Caractère implacable du pas qui s’approche
Pas de point d’interrogation : ce n’est pas une vraie question, il est certain qu’il s’approche
Rythmes brefs et très accentués par les rimes intérieures
- « battant/lentement/instant/devant/j’entends »
- rythme : en 8/8/57+8+7°/8/10 : régularité comme si le destin était en marche
- Avec des moyens poétiques qui rappellent ses expériences médiumniques, Desnos suggère de manière très impressionnante quelle pouvait être l’atmosphère en France en 1944 (France occupée par un ennemi qui voit la défaite se profiler)
La tentative d’évasion poétique (deuxième strophe)
- Prise de hauteur
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- Un monde qui s’élargit à la mythologie : vénus déesse de la beauté et Diane déesse de la lune et de la chasse.
- Un monde sensuel
- vue : lumière – « je vois » - « blanc »
- toucher « ventre », « dégrafe sa tunique », « fontaine »
- Desnos retrouve ici les vielles images poétiques de la femme et de la mythologie comme pour mieux rappeler ce qu’on a perdu en ces temps de guerre et d’occupation : le bonheur et l’insouciance de la sensualité et de l’amour.
Mais échec de la tentation d’évasion par la poésie qui se heurte à la réalité du temps :
Retour à l’oppression dans la dernière strophe
- Anaphore des négations jamais
- Répétition des adverbes intensifs « si »
- Retour à la thématique initiale
- Le poids : « lourd » - « je pèse ma porte ». ce poids s’oppose à la légèreté des astres qui roulent
- L’enfermement : la porte est fermée de l’extérieur : sa maison dans son cauchemar est assimilée à une prison
Cet enfermement se retrouve dans la structure du poème
Structure en Chiasme
Peste pas battant porte roulent roulèrent porte battant pas Peste[pic 20][pic 21][pic 22][pic 23][pic 24][pic 25][pic 26][pic 27][pic 28][pic 29][pic 30][pic 31][pic 32][pic 33][pic 34]
- L’atmosphère pesante de la terreur emprisonne la tentative d’évasion poétique du centre du texte.
Ambiguïté du dénouement
- Thématique de l’exécution :
- « son battant claque/contre le mur » : mur des fusillés
- l’affiche jaune ( cf poème « La rose et le Réséda) : annonce l’exécution de quelqu’un : a-t-elle eu lieu ou va-t-elle avoir lieu ?
- Thématique de la Peste :
La peste en 1944 : le nazisme, le Mal absolu qui décime des populations entières
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