LaDissertation.com - Dissertations, fiches de lectures, exemples du BAC
Recherche

La Peste, Robert Desnos

Fiche de lecture : La Peste, Robert Desnos. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  19 Mai 2024  •  Fiche de lecture  •  1 776 Mots (8 Pages)  •  92 Vues

Page 1 sur 8

Corrigé de La Peste de Robert Desnos

I Rappels de méthode : l’esprit du commentaire.

Un commentaire est d’abord un compte-rendu de lecture. Il part des remarques les plus simples et évidentes pour élaborer ensuite, progressivement, des hypothèses plus complexes.

A/  UNE ETAPE INDISPENSABLE : L’OBSERVATION

D’abord, on s’attache toujours à dégager nettement le type de texte auquel on a affaire, par l’étude des formes et procédés qui permettent de reconnaître :

  • un genre (la poésie, l’essai, le roman…)
  •  des registres (dramatique, épique, polémique…),
  • une esthétique (codes et ruptures culturelles),
  •  une progression spécifique obéissant à un enjeu déterminant ou à un objet d’étude ( l’exposition pour une scène de théâtre, l’incipit d’une autobiographie, le plaidoyer dans le texte argumentatif… )  

Ensuite, il faut réunir les composantes thématiques : les contenus littéraux du texte, les réalités auxquelles il renvoie explicitement, doivent être nettement identifiés : le cadre spatio-temporel dans une narration, la nature d’un conflit dans une scène dramatique, les éléments contextuels d’une description romantique, le statut d’un énonciateur,  de destinataires et leurs thèses respectives dans une polémique …  

B/  VOUS POUVEZ ALORS ELABORER UN PLAN.

C’est le moment où vous allez réunir les remarques précédentes en deux ou trois orientations qui allient toujours remarques formelles et perspectives de sens, et  toujours du plus simple au plus complexe, du plus explicite au plus implicite. Les relevés et analyses sont ordonnés et classés en fonction d’une démonstration : chaque partie ou étape du développement repose sur une thèse dont vous devez prouver la validité par le recours aux preuves. Une preuve est constituée de plusieurs exemples et procédés analysés soigneusement.

A noter :

  • Vous devez « servir » le texte et non « vous en servir ». Autrement dit, vous êtes tenu sinon à l’exhaustivité du moins à la fidélité. Impossible d’ignorer délibérément tout un pan de votre texte, impossible de le dénaturer pour les besoins de votre démonstration. Risque de commentaire partiel et partial.
  • Tous les textes ne présentent pas les mêmes difficultés d’interprétation mais le cas échéant, il faut en effet se hasarder sur ce terrain. Sûrement pas sur un postulat initial mais après avoir épuisé les données objectives du problème ! Il faut alors présenter avec prudence vos hypothèses, ne pas prétendre rendre raison de ce qui reste malgré tout obscur ou « résistant » à l’explication. Risque d’extrapolation et de faux-sens ou contresens.  
  • De manière générale, il y a suffisamment de données objectives à exploiter dans n’importe quel texte pour s’éviter le risque de subjectivité et d’erreur de jugement. « Ne vous hâtez pas d’accéder au sens » (Paul Valéry). Prenez le temps de décrire et de démonter le fonctionnement d’un texte : cela représente les 2/3 de votre mission.

II Eléments de corrigé pour le poème à l’étude :

L’objet d’étude « Poésie » doit largement conditionner le parcours de lecture critique. A quel type de poésie avons-nous affaire ? Nous devons également rendre compte d’une énigme sur le plan du sens à accorder à cette double évocation (une scène réelle/ une vision surnaturelle). Pour la déchiffrer, il faut s’interroger sur la nature du texte et ses ambiguïtés formelles, avant de s’essayer à un déchiffrage des images.

I A LA SOURCE DE L’ENIGME ET DE NOS QUESTIONNEMENTS : UNE ECRITURE POETIQUE  AU SERVICE DE LA DECONSTRUCTION 

  • Nous remarquons d’emblée que la forme adoptée s’apparente à celle du sonnet : 2 quatrains suivis de deux tercets/ Dernier tercet présentant une chute, une « solution », conformément à la logique conventionnelle/ Mais d’un même mouvement, il faut rendre compte de toutes les entorses aux attentes formelles : en fin de vers, non seulement on ne constate aucun effet de rime mais on observe des appariements grammaticaux anormaux : str 1 un adjectif/ un verbe/ une préposition/ un substantif se répondent. Plus insolite, des mots-outils en finale : les/la/si/. De plus, la fin des vers ne coïncide pas avec la fin des groupes : pratique quasi-continue de l’enjambement à l’exception de 4 vers (4/8/11/14), avec rejets et contre-rejets qui disloquent la syntaxe et sont autant d’obstacles à la constitution du sens.  Ces ruptures qui rompent avec le modèle s’accompagnent d’une métrique irrégulière sans continuité : v1 14syll/ v5 11syll/ v9 15 syll.
  •  Ainsi, il devient impossible de parler d’unité du vers en dépit du choix de l’alinéa : une allure poétique parait maintenue mais les effets de déconstruction révèlent plutôt du genre mixte de la prose poétique.  Il s’agirait d’une mise en vers artificielle d’un morceau de prose narrative et descriptive. Dans quel but ? L’allure de la prose tend à banaliser tout discours, privilégiant la chaîne sémantique et syntaxique. Une disposition en simili-sonnet redonne vigueur aux propriétés des mots sur le plan de la dénotation (ce qu’ils désignent) comme de la connotation (ce qu’ils suggèrent) : un relief insolite est donné aux énoncés, les chargeant d’un surplus de signification, leur conférant également un poids singulier, par l’alinéa et l’usage du blanc. Par ailleurs, cette poétisation déréalise les énoncés et invite à une lecture symbolique.
  • Cette première thèse se trouve corroborée par la présence nette d’un récit  et d’un schéma narratif : un narrateur personnage assume nettement la relation d’une action en focalisation interne (j’entends, je vois, je pèse, je déchiffre). Une réalité quotidienne et prosaïque est dépeinte : avec son espace et ses déictiques (dans la rue, devant la maison, la porte, des toits, le mur) avec sa durée narrative au présent d’actualité lié à l’instant de l’énonciation, propre à une dramatisation. Il y a également une situation initiale/ des péripéties/ un dénouement (un pas retentit/ le pas s’éloigne). On dégage bien le récit d’une attente angoissante causée par l’irruption d’un personnage inquiétant et s’achevant sur une découverte accablante.
  •  Cependant, cette trame est suspendue  sur 7 vers de nature entièrement descriptive ouvrant sur un autre espace-temps. Rupture chronologique et logique dont une des fonctions est d’accentuer l’étrangeté du contexte en le déréalisant par le passage sans transition du réel au surnaturel, de la notation physique à la métamorphose mythologique des éléments célestes. Présence d’un registre fantastique nourri par la dimension de fantasmagorie d’une scène qui pourrait bien n’être qu’un cauchemar, soutenu par l’allégorie fantasmatique de la Peste.  

     

II UN TISSU SERRE DE SYMBOLES : rôle et significations des métaphores et allégories.

Le quatrain 2 et les tercets 3 et 4  doivent être « écrémés » sur le plan des significations par un relevé détaillé et minutieux.

  • Dans l’ordre, le roulement des astres (2 occurrences) : verbe de déplacement connotant une puissance aveugle et écrasante, renvoyant aussi aux anciennes représentations du ciel avant Copernic (géocentrisme et ballet des « luminaires »), préparant les allusions à la mythologie antique. La Grande Ourse (appelée aussi Grand Chariot, myth :  nymphe Callisto transformée en animal par Artémis) participe de cette figure du roulement d’un ciel en grand équipage. Bételgeuse, « l’épaule du Géant » de la constellation d’Orion (myth : chasseur géant éconduit et frappé mortellement par Diane), est peut-être retenue pour son éclat mais aussi  pour ses sonorités suggestives. On remarque que c’est un ciel boréal qu’il nous est donné d’observer, celui de la nuit hivernale.    
  • De Vénus et de Diane personnifiées, on souligne d’abord les attributs féminins : beauté érotisée du ventre et pose intime et sensuelle. On peut aussi identifier en Vénus l’étoile du berger, ou en Diane la Lune, ou encore une chasseresse, et suggérer que nombre de légendes s’attachent à ces deux figures. Il faut surtout s’attacher à la luminosité (Vénus, astre le plus brillant après le Soleil et la Lune dans le système solaire),au contraste de lumière ainsi obtenu par opposition au caractère « opaque et lourd » de « l’air de nuit » terrestre. Aussi souligner l’atemporalité de la description : valeur de permanence des présents (roulent/ c’est/ qui dégrafe) pour un temps mythique.  Mais il est impossible de penser à une notation d’espoir ou de  « libération » entrevue dans ce ciel en raison du tercet suivant : « lunes et soleils » renvoient à des galaxies infiniment distantes et infiniment indifférentes au sort du Monde. La Beauté surnaturelle des corps astronomiques / créatures mythologiques est impassible et suprêmement éloignée des malheurs humains : plus que jamais (emploi intensif d’un passé simple qui brise le pont jeté entre terre et ciel au vers 9)  aucun secours ni recours ne « tombe du ciel », conformément à la tradition antique où destins des mortels et des immortels restent séparés. D’où la sensation d’abandon et de poids accablant le locuteur au retour à la réalité (je pèse sur ma porte qui résiste). La « magie blanche » dépeinte dans la vision céleste est inopérante à l’échelle humaine et historique.
  • Enfin, puisqu’il faut rendre compte de l’allégorie de la peste  placée aux endroits stratégiques du titre et de la chute : on peut alors se hasarder à plusieurs interprétations : fléau ancien ou allusion cryptée à la peste brune du fascisme ou bien de l’antisémitisme puisque le symbole est relayé par une référence (déconstruite) à l’étoile juive (noire sur fond jaune). Cela dit ces interprétations historiques propres au contexte de persécution de 1944 n’épuisent pas la signification : après tout le poète n’a pas souhaité l’explicite, alors qu’il lui est arrivé d’y recourir très clairement  ( cf  « Mort à Hitler et à ses partisans » dans Ce cœur qui haïssait la guerre.)

Il faut donc  laisser de côté le jeu des rapprochements plaqués : vous avez écrit qu’un soldat allemand ou milicien français  serait le promeneur, le locuteur un résistant ou juif traqué, etc…A la rigueur vous pouvez glisser sous le mode de la suggestion ces hypothèses subjectives, avec prudence.  

...

Télécharger au format  txt (11.4 Kb)   pdf (108.2 Kb)   docx (196.1 Kb)  
Voir 7 pages de plus »
Uniquement disponible sur LaDissertation.com