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SCUM Valérie Solanas

Fiche de lecture : SCUM Valérie Solanas. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  1 Novembre 2023  •  Fiche de lecture  •  2 969 Mots (12 Pages)  •  200 Vues

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Scum de Valérie Solanas 1967

« Souvenez-vous que je suis la seule femme ici qui ne soit pas folle »

Mettons-nous d'accord sur un point : éliminer les hommes réglerait nos problèmes. À peu près tous. Le viol, la pédocriminalité, les violences familiales, le détournement de fonds, l'évasion fiscale, l'abus de biens sociaux, l'appropriation culturelle, les brevets, le cyberharcèlement, l'industrie de l'armement, le nucléaire, le chômage, les morts sur les routes, le trafic de drogue, la guerre des gangs, la corruption, la délocalisation, le réchauffement climatique, l'extinction de l'espèce, le pétrole, le charbon, la chasse, la drague lourde, le racisme, le néocolonialisme, l'homicide, le féminicide, la police, le mariage, la virginité, l'impuissance, l'IVG, les MST, la contraception, les banques, Amazon, Facebook, Pfizer, Tesla, l'intégrisme, le socialisme, le terrorisme, le capitalisme, le patriotisme, Eric Zemmour, la dictature, et le Burn out.

Oui, éliminer les hommes est de toute évidence une solution valable.

C’est ce que pensais Valérie Solanas et ce dont elle nous a fait part dans son livre qui divise car personne n'a jamais vraiment su comment aborder le texte de Solanas.  

Mais la plupart des gens qui déblatèrent sur elle passent à côté d'un fait : Valérie Solanas était une travailleuse du sexe. Valérie Solanas était une pute, précaire et sans domicile fixe. Et cette situation prend racine dans une vie marquée du sceau de la violence masculine.

Pour être capable d'aller jusqu'au cœur de la pourriture de la masculinité toxique, pour l'avoir vue en première ligne, il faut avoir été une travailleuse du sexe. Elles sont les seules à saisir à quel point cette adoration du sexe masculin qu'on nous impose depuis deux mille ans est impotente, immorale et stupide.[pic 1]

La preuve : elle fait partie des très rares femmes à l'avoir fait, la tentative de meurtre sur homme. Le 3 juin 1968, elle tire trois balles sur Andy Warhol, le touchant au foie, à la rate et au poumon. Elle a presque réussi son coup, l'artiste est déclaré cliniquement mort pendant deux minutes. Quelques heures après les tirs, Solanas se rend à la police et déclare sobrement : « Il avait trop de contrôle sur ma vie. » Son acte est mis sur le compte de sa schizophrénie, qui sera diagnostiquée quelques mois plus tard et lui vaut de basculer du système pénal au système psychiatrique, dans lequel elle restera embourbée pendant plusieurs années.

Pour prendre Valérie Solanas au sérieux, il faut entendre son histoire et comprendre d'où elle écrit ce texte, et d'où elle tire ces balles.

Solanas était une enfant précoce, qui sut lire très tôt, se mit à écrire dès l'adolescence et s'illustra par son éloquence et ses textes politiques féministes. Elle croyait en elle alors qu'elle fut violée par son père dans l'enfance, puis par son beau-père à l'adolescence, puis violentée par son grand-père chez qui elle avait été placée. Elle croyait en elle alors qu'elle fut SDF à 13 ans. Elle croyait en elle alors qu'elle fut deux fois mère avant 15 ans, des grossesses cachées, son premier enfant fut élevé comme sa sœur et son second confié à une famille d'accueil. Elle croyait en elle alors qu'elle était lesbienne et out dans les années 50. Elle croyait en elle parce qu'elle était convaincue que son talent serait plus fort que les hommes.

Lorsqu'elle rencontre Andy Warhol, en 1965, elle fait la manche et quelques passes à New York. Elle écrit ce manifeste misandre qu'elle vendra bientôt dans les rues de Manhattan. Elle rêve que l'artiste devienne son producteur et monte sa pièce, dont elle lui confie, pleine d'espoir, l'unique manuscrit. Pour toute réponse, Andy Warhol fait jouer Solanas dans un mauvais porno pour 24 $ et « égare » le précieux texte. Un peu encombré par cette fille pas si jolie et trop grande gueule, il la laisse entre les griffes de leur ami commun, l'éditeur français Maurice Girodias (déjà connu pour avoir publié Lolita de Nabokov, le roman qui glamourisa la pédocriminalité.) Celui-ci profite de sa grande précarité pour lui proposer un marché foireux : elle lui cède la totalité des droits de ses œuvres, y compris le SCUM Manifesto, pour la somme de 500 $. Il surfera sur la hype qui suivit la tentative d'assassinat de Warhol pour publier le texte et lui donner un retentissement mondial, alors que Solanas est internée. Tout ce temps qu'elle a passé à sucer des bites, à faire des sourires, à laisser ces hommes jouir de leur domination sociale et économique sur elle, elle gardait chevillée au corps la certitude que Warhol allait finir par voir qu'il se trompait, qu'elle n'était pas sa chose, mais son égale. Alors elle a tiré.

Si, au moment de sa parution, Solanas était aux yeux du monde une fille perdue, on sait aujourd'hui que ce qu'elle a vécu ; le viol dans l'enfance, les violences sexuelles adultes, la domination économique qui n'est pas une exception, mais un système. Accueillie sous le ton de l’humour en France en 1971, aujourd’hui nous sommes à une époque où Alice Coffin écrit : « Je ne lis plus les livres des hommes, je ne regarde plus leurs films, je n'écoute plus leurs musiques. [...] L'art est une extension de l'imaginaire masculin. Ils ont déjà infesté mon esprit. Je me préserve en les évitant », où l’écrivaine Pauline Harmange écrit : « Moi, les hommes, je les déteste. » Force est de constater que ces textes-là, pourtant beaucoup moins violents que le manifeste de Solanas, ne font pas rire du tout. Ils déclenchent au contraire le harcèlement. La société commence à prendre la misandrie au sérieux. On sent bien que l'époque n'est plus à rire du SCUM.

Extraits de Scum :

  1. Remarques intéressantes sur la société mais pas forcément lié aux hommes

  • « Il faut renverser le gouvernement, en finir avec l'argent, instaurer l'automation à tous les niveaux et supprimer le sexe masculin car grâce au progrès technique, on peut aujourd'hui reproduire la race humaine sans l'aide des hommes »
  • « Rien, humainement, ne justifie l'argent, ni le travail pour quiconque au-delà de deux ou trois heures par semaine au maximum. Tous les travaux non créatifs (à peu près tous les travaux exercés à ce jour) auraient pu être automatisés depuis longtemps. Et dans un système sans argent, tout le monde aurait tout ce qu'il veut, et du meilleur. »
  • « L'homme doit trouver un but à poursuivre et l'argent est la carotte après laquelle il peut courir éternellement »
  • « Notre société n'est pas une communauté, c'est un entassement de cellules familiales. »
  • « Ne trouvant en lui que vide, l'homme doit se tourner vers l'extérieur, non seulement pour trouver une direction et un contrôle, mais aussi le salut et un sens à sa vie. Le bonheur étant pour lui impossible sur cette terre, il a inventé le Ciel. » « Quant à la Religion, elle procure un but à l'homme (le Paradis), elle renforce par son code « moral » l'assujettissement des femmes aux hommes, et de plus fournit à l'homme des rituels lui permettant d'exorciser la honte et la culpabilité qu'il éprouve de ne pas se défendre assez contre ses pulsions sexuelles : finalement la honte et la culpabilité qu'il éprouve d'être un homme. »
  • « L'homme a besoin de boucs émissaires sur lesquels il peut projeter ses lacunes et ses imperfections et sur lesquels il peut défouler sa frustration c’est pour cela qu’il existe les préjugés raciaux, ethniques, religieux etc. »
  • « L'homme fabrique une société complètement artificielle qui lui attribue un semblant de valeur à travers l'argent, le prestige, la « supériorité » de classe, les diplômes, la profession et le savoir, tout en reléguant au bas de l'échelle sociale, professionnelle, économique et culturelle, le plus grand nombre d'hommes possible. »
  • « Aucune véritable révolution sociale ne peut être réalisée par les hommes, car ceux qui sont en haut de l'échelle veulent y rester et ceux qui sont en bas n'ont qu'une idée, c'est d'être en haut » 
  • « De même que la vie des humains prime celle des animaux pour la seule raison qu'ils sont plus évolués et doués d'une conscience supérieure, de même la vie des femmes doit primer celle des hommes. »
  • « Et si une grande majorité de femmes étaient Scum, elles parviendraient en quelques semaines aux commandes du pays en refusant de travailler, c'est-à-dire en paralysant la nation entière. La police et l'armée ne pourrait réprimer la rébellion de plus de la moitié de la population, ce surtout s'il s'agit des femmes sans lesquelles ils se retrouveraient complètement désemparés. Si toutes les femmes laissaient tomber les hommes tout simplement le gouvernement et l'économie nationale s'effondrerait »
  •  Que se passera-t-il quand chaque femme, dès l'âge de douze ans, prendra régulièrement la pilule, et avortera en cas d’accident ? Combien de femmes accepteront-elles délibérément d'être enceintes (ou, en cas d'accident, de le rester) ? Non, Virginia¹, les femmes n'adorent pas couver des bambelles d'enfants, malgré ce qu'en disent les braves épouses hébétées. Quand toutes les femmes seront conscientes, la réponse sera : aucune. Qu'est-ce que cela peut bien nous faire ce qui arrivera quand nous serons morts ? Qu'est-ce que cela peut bien nous faire qu'il y ait ou non une nouvelle génération pour nous succéder ? »
  • « Nous savons que le « Grand Art » est grand parce que les hommes, des spécialistes, nous l'ont dit, et nous ne pouvons pas dire le contraire vu que seules des sensibilités bien supérieures à la nôtre sont à même de percevoir et d'apprécier ce qui est grand, preuve de leur sensibilité supérieure étant qu'ils apprécient les saloperies. Elle permet aux hommes de se glorifier de leur faculté d'apprécier « les belles choses, ce qu'ils veulent, c'est qu'on admire leur admiration. Permettre à l' « Artiste » d'affirmer comme supérieurs ses sentiments, ses perceptions, ses jugements et sa vision du monde, renforce le sentiment d'insécurité des femmes et les empêche de croire à la validité de leurs propres sentiments, perceptions, jugements et vision du monde. »
  • « Scum les femmes dominatrices, à l'aise, sûres d'elles, méchantes, violentes, égoïstes, indépendantes, fières, aventureuses, sans gêne, arrogantes, qui se considèrent aptes à gouverner l'univers et les Filles à son Papa, gentilles, passives, consentantes, «cultivées », dépendantes, angoissées, avides d'approbation, déconcertées par l'inconnu, qui préfèrent croupir dans le purin (là au moins le paysage est familier), sentir Papa derrière et se reposer sur ses gros biceps, qui ont besoin de voir une grosse face poilue à la Maison Blanche, trop lâches pour regarder en face l'hideuse réalité de l'homme, de Papa, se sont adaptées à l'animalité qu'on attend d'elles, y trouvent un confort superficiel et ne connaissent pas d'autre mode de vie, ont rabaissé leur esprit, leurs pensées et leurs perceptions au niveau du mâle. On frôle le moment où les filles à Papa réalisent qu'elles aussi, même elles, se font profondément avoir et qu'à force de tendre la croupe au pouvoir, à force de frayer avec le capitalisme et le racisme elles vont la voir leur dictature fasciste et elles vont le perdre le droit de prendre la pilule de briser le plafond de verre et de sortir seul le soir. »
  • « Scum n'a rien à faire de banderole, de défilé ou de grève pour attirer l'attention sur l'injustice. Cette tactique suppose l'acceptation globale du système et n'est utilisée que pour le modifier légèrement, pour changer certaines lois précises. Scum se dresse contre le système tout entier, contre l'idée même de lois et de gouvernement. Ce que Scum veut, c'est démolir le système et non obtenir certains droits à l'intérieur du système. »
  • « Laisser tout tomber et vivre en marge n'est plus la solution. Baiser le système, oui. La plupart des femmes vivent déjà en marge, elles n'ont jamais été intégrées. Vivre en marge, c'est laisser le champ libre à ceux qui restent. »
  1. Remarques sur les hommes
  1. Relations avec les femmes
  • « Le mâle est un accident biologique ; le gène Y (mâle) n'est qu'un gène X (femelle) incomplet. En d'autres termes, l'homme est une femme manquée. Être homme c'est avoir quelque chose en moins, c'est avoir une sensibilité limitée. La virilité est une déficience organique, et les hommes sont des êtres affectivement infirmes. »
  • « Submergé par une immense solitude lorsqu'il se retrouve dans sa seule affligeante compagnie. Il s'accroche alors à n'importe quelle femme dans le vague espoir de remplir son vide intérieur. Mais pour parvenir à ses fins, il est obligé d'employer la force ou la corruption, à moins de tomber sur des femmes très jeunes ou très atteintes. »
  • « L'homme, inapte qu'il est à donner de l'amour ou de l'affection, donne de l'argent. Il se sent maternel. »
  • « Son plus grand besoin est d'être guidé, abrité, protégé et admiré par sa Mamma (les hommes s'attendent à ce que les femmes adorent ce qui, eux, les pétrifie d'horreur : eux-mêmes.) »
  • « Il n'a pas d'individualité profonde, l'individualité de la femme s'impose aux yeux de l'homme mais il est incapable de la saisir, aussi la nie-t-il. Il s’attribue les fonctions les plus importantes, docteur, président, savant, ce qui l'aide à revêtir une identité sinon à atteindre à l'individualité, et il cherche à se convaincre comme à convaincre les femmes (il a mieux réussi de ce côté) que la fonction de la femme est de porter et d'élever les enfants, d'apaiser, de réconforter et de stimuler l'ego masculin ; que sa fonction fait d'elle un être interchangeable avec les autres femmes. »
  • « En fait, la fonction de la femme est d'explorer, découvrir, inventer, résoudre des problèmes, dire des joyeusetés, faire de la musique, le tout, avec amour. En d'autres termes, de créer un monde magique. La fonction de l'homme est de produire du sperme. Nous avons maintenant des banques de sperme. »
  • « Les femmes, elles, prennent pour acquises leur identité et leur individualité, elles savent instinctivement que le seul mal est de nuire aux autres et que le sens de la vie est l'amour. »
  • « L'homme tient beaucoup à garder secret tous les aspects de sa vie mais n'a aucun respect pour la vie privée des autres. Il n'aura aucun mal à s'immiscer dans les pensées d'une inconnue et se sentira insulté lorsqu'il se fera rembarrer, cela le dépassera complètement que quelqu'un puisse préférer une seule minute de solitude à la compagnie de n'importe quel taré. »
  • « La femme saine, la femme suffisante, recherche la compagnie d'égaux qu'elle peut respecter et avec lesquels elle peut prendre son pied. Mais l'homme (souffrant d'un sentiment d'insécurité) n'aspirent, eux, qu'à la compagnie de larves rampantes qu'ils pourront facilement regarder de haut. »
  • « La « conversation intellectuelle » du mâle, lorsqu'elle n'est pas une simple fuite de lui-même, n'est qu'une tentative labo- rieuse et grotesque d'impressionner les femmes. »
  • « L'amour n'est ni la dépendance ni la sexualité, c'est l'amitié. L'amour ne peut donc exister entre deux hommes, entre un homme et une femme »
  • « Le sexe est le refuge des pauvres d'esprit. Et plus une femme est pauvre d'esprit, plus elle est embourbée dans la « culture » masculine, plus elle est charmante et plus elle est portée sur le sexe. »
  • « Lâche comme il l'est, ayant constamment besoin de faire la pute avec les femmes pour gagner leur approbation sans laquelle il n'est rien »
  1. Leur comportement
  • « L'homme est complètement égocentrique, prisonnier de lui-même, incapable de partager, ou de s'identifier à d'autres ; inapte à l'amour, à l'amitié, à l'affection, la tendresse. »
  • « Son incapacité fondamentale à communiquer et à compatir, a permis à l'homme de faire du monde un gigantesque tas de merde. Il porte l'entière responsabilité de la guerre. »
  • « Il n'hésitera ni à nager dans un océan de merde ni à s'enfoncer dans des kilomètres de vomi, s'il a le moindre espoir de trouver sur l'autre rive une chatte bien chaude. Il baisera n'importe quelle vieille sorcière édentée, n'importe quelle femme même s'il la méprise, et il ira jusqu'à payer pour ça. Et pourquoi toute cette agitation ? Si c'était pour soulager une tension physique, il lui suffirait de se masturber, et puis s'il va jusqu'à violer des cadavres et des bébés ce n'est sûrement pas pour combler son ego »
  • « L'homme, incapable d'entrer en relation avec les autres (voir plus haut), et contraint de se donner l'illusion de servir à quelque chose, s'active, pour justifier son existence, donc l’homme travaille. »
  • « Maman veut le bien de ses enfants, Papa ne veut que le bien de Papa, il veut qu'on lui fiche la paix, Maman aime ses enfants. Papa n'aime pas ses enfants ; il les approuve s’ils ne sont pas sujets à des sautes d'humeur qui pourraient bouleverser le système nerveux mâle et fragile de Papa. »
  • « Il se contente donc de désapprouver, attitude qui, contrairement à la colère, persiste, et exprime un rejet fondamental, le résultat pour l'enfant est qu’il se sent dévalorisé et recherchera toute sa vie l'approbation des autres. »
  • « En se montrant distant, le Père reste inconnu, mystérieux, il inspire donc la peur « le respect ». 
  • « L'homme, qui n'a aucun sens du bien et du mal, aucune conscience morale (elle ne peut naître qu'avec la faculté de se mettre à la place des autres, qui ne croit pas en lui-même (pour la bonne raison qu'il n'a pas de réalité), compétitif par nécessité est donc inapte à la vie communautaire par nature »
  • « Il n'y a aucune raison pour qu'une société composée d'individus rationnels et capables de se comprendre les uns les autres, complets en eux-mêmes et n'étant pas enclins naturellement à entrer en compétition les uns avec les autres, ait besoin d'un gouvernement, de lois ou de chefs. »

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