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Vigny, La Bouteille à la mer

Commentaire de texte : Vigny, La Bouteille à la mer. Recherche parmi 301 000+ dissertations

Par   •  4 Janvier 2025  •  Commentaire de texte  •  1 416 Mots (6 Pages)  •  10 Vues

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Introduction

        [Éléments de présentation]

1/ « La Bouteille à la mer » d’Alfred de Vigny est un poème publié en revue en 1853, puis dans le recueil posthume Les Destinées en 1864.

2/ « La Bouteille à la mer » raconte le voyage d’une bouteille, depuis le naufrage d’un navire jusqu’à son arrivée à bon port. Le passage qu’on va lire retrace le moment où le capitaine du bateau lance la bouteille avec un message à l’intérieur. C’est le 9e poème du recueil (sur 11): il en annonce donc la conclusion optimiste.

3/ Il est composé de septains d’alexandrins (en rimes croisées / embrassées)

[Il est possible de faire la lecture à ce moment-là, si vous ne la faites pas à la fin. À cet endroit, elle permet de faire connaître le texte aux examinateurs avant d’en détailler les mouvements]

[Mouvements du texte et problématique]

1/ Les deux premières strophes : le dernier geste du capitaine et ses réflexions sur l’immortalité.

2/ Les deux strophes suivantes : le début du voyage de la Bouteille.

Nous verrons en quoi le voyage de la bouteille est une métaphore de la création poétique.


XIV

Le Capitaine encor jette un regard au pôle

Dont il vient d’explorer les détroits inconnus.

L’eau monte à ses genoux et frappe son épaule ;

Il peut lever au ciel l’un de ses deux bras nus.

Son navire est coulé, sa vie est révolue :

Il lance la Bouteille à la mer, et salue

Les jours de l’Avenir qui pour lui sont venus.

XV

Il sourit en songeant que ce fragile verre

Portera sa pensée et son nom jusqu’au port ;

Que d’une île inconnue il agrandit la terre ;

Qu’il marque un nouvel astre et le confie au sort ;

Que Dieu peut bien permettre à des eaux insensées

De perdre des vaisseaux, mais non pas des pensées,

Et qu’avec un flacon il a vaincu la Mort.

XVI

Tout est dit. À présent, que Dieu lui soit en aide !

Sur le Brick englouti l’onde a pris son niveau.

Au large flot de l’est le flot de l’ouest succède,

Et la Bouteille y roule en son vaste berceau.

Seule dans l’Océan, la frêle passagère

N’a pas pour se guider une brise légère ;

Mais elle vient de l’arche et porte le rameau.

XVII

Les courants l’emportaient, les glaçons la retiennent

Et la couvrent des plis d’un épais manteau blanc.

Les noirs chevaux de mer la heurtent, puis reviennent

La flairer avec crainte, et passent en soufflant.

Elle attend que l’été, changeant ses destinées,

Vienne ouvrir le rempart des glaces obstinées,

Et vers la ligne ardente elle monte en roulant.

I- Le dernier geste du capitaine et ses réflexions sur l’immortalité

Première strophe : les dernières minutes du naufrage.

Actions au présent de narration de manière à rendre l’action plus vivante.

- le naufrage a l’air plus saisissant, comme s’il se déroulait devant nos yeux : « L’eau monte à ses genoux et frappe son épaule ».

- on remarque que Vigny accélère la scène et que l’eau monte très rapidement (elle passe en un seul vers des genoux aux épaules).

- la mort est certaine et ne présente pas d’alternative (parallélisme verbe passif / ou au passé composé : « son navire est coulé, sa vie est révolue »).

Le Capitaine est le sujet de plusieurs verbes d’action : « jette, peut lever, lance, salue ».

  • Éléments de la tonalité épique : le Capitaine apparaît comme un héros ou comme un saint laïque, mort pour ses découvertes (« détroits inconnus »).

Le Capitaine a confiance dans le futur : le verbe « salue » mis en avant par le contre-rejet (tout son COD est au vers suivant) donne au capitaine l’aspect  d’un héros mourant debout, le bras levé.

Le Capitaine ne meurt pas, il passe à la postérité : sa mort n’est pas une fin mais le début de son Avenir : « Les jours de l’Avenir qui pour lui sont venus ». Il meurt en souriant (début de la 2e strophe). Mort glorieuse, sereine car elle a servi à quelque chose.

La strophe XV = une seule phrase : chaque vers apporte une nouvelle proposition subordonnée complétive, COI du gérondif « en songeant » = les dernières pensées du Capitaine avant de mourir.

L’accent est mis sur le contraste / l’antithèse entre l’insignifiance des moyens (périphrase « fragile verre », article indéfini « un flacon ») et la majesté des ambitions (« il a vaincu la Mort » = allégorie, duel du poète et de la mort). Cela signifie qu’un écrivain n’a rien d’autre que son texte pour faire parvenir « sa pensée et son nom » « au port », c’est-à-dire à la postérité.

L’ensemble de la strophe peut donc être lu de façon métaphorique :

  • Le vocabulaire géographique et spatial (« île inconnue », « nouvel astre ») indique qu’une nouvelle idée agrandit la connaissance humaine. L’écrivain est un explorateur, à la recherche d’idées inconnues.

  • En évoquant « Dieu », « le sort » et les « eaux insensées », le poète affirme la grandeur de la pensée humaine face à la fatalité divine et à l’indifférence de la nature. Le « vaisseau » est une métaphore du corps du poète. Si le corps du poète est mortel, ses « pensées » , énoncées dans son livre, sont immortelles. Pour cette raison, la rime riche en [ãse] « insensées » / « pensées » fonctionne comme une antithèse.

II- Le début du voyage de la Bouteille

À partir de ce moment, la Bouteille devient le personnage principal du poème. Bien noter que la transition a lieu avec le premier vers qui sert de béquille, qui conclut la première partie (« Tout est dit ») et annonce la suivante (« À présent… »).

La formule « Tout est dit » est mise en avant au début du vers avec le point, qui crée une interruption brutale du premier hémistiche. La référence implicite à la formule « Tout est consommé » de Jésus sur la Croix permet de faire du capitaine une sorte de Christ laïque se sacrifiant pour l’humanité.

Contraste entre l’insignifiance de la bouteille et l’immensité de l’océan.

  • Les mots qui réfèrent à l’océan : les métonymies « l’onde » ou « les flots » (désignent les vagues et les courants, c’est-à-dire une partie de l’océan), la métaphore « vaste berceau » avec l’adjectif « vaste » ou encore l’allitération en [l] qui reproduit le roulement des flots.

  • Les mots qui se réfèrent à la Bouteille : « seule », « frêle passagère »  + ceux qui renforcent sa petitesse : rimes  avec « brise légère » + négation. On remarque que la Bouteille devient le sujet des verbes d’actions : « y roule », « n’a pour se guider ». Dotée d’une volonté et d’une autonomie propres, elle est personnifiée.

(Lettre de Vigny à l’éditeur Eugène Crépet : « Tâchez que l’imprimerie se résigne à mes majuscules. La pauvre petite Bouteille qui porte une science de plus à notre pauvre espèce humaine est l’héroïne du poème autant que le brave Capitaine ».)

« Mais elle vient de l’arche et porte le rameau » : Le septain s’achève sur une métaphore religieuse qui compare la Bouteille à la colombe envoyée depuis l’arche de Noé pour reconnaître la terre et revenue avec une branche d’olivier. La métaphore contribue à sacraliser la Bouteille et donc l’écriture.

Quatrième strophe: le voyage continue

Le poète insiste sur deux éléments du voyage :

  • Le temps long : verbes à l’imparfait (action de longue durée) ou au présent de répétition (« la heurtent, reviennent et passent »).

  • La passivité de la Bouteille : La Bouteille n’est jamais sujet mais toujours COD (« l’emportaient, la retiennent, la heurtent »). Elle semble aux prises avec une nature effrayante et fantastique capable de la détruire à tout moment (métaphore « les noirs chevaux de mer » pour désigner la vague).

Le poète nous montre donc une sorte d’itinéraire initiatique de la Bouteille et de l’œuvre d’art : longtemps bloquée dans le froid de l’anonymat (« épais manteau blanc », « glaces obstinées »), elle affronte les dangers du monde pour atteindre la chaleur et le public qui la reconnaîtra (« ligne ardente » = périphrase pour l’équateur).

Note optimiste : À la fin du septain, la Bouteille redevient sujet : « elle monte en roulant ». Le mot « destinées », qui est le titre du recueil, implique un destin favorable à la bouteille (un destin anti-tragique).

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