Scène de la dispute entre Manon Lescaut et le chevalier Des Grieux suite à la lettre de Mano

Analyse linéaire : Scène de la dispute entre Manon Lescaut et le chevalier Des Grieux suite à la lettre de Manon.

Introduction :

Présentation de l’auteur et de l’œuvre : En 1731, l’Abbé Prévost, homme d’église à la vie sulfureuse, publie le dernier tome des Mémoires et aventures d’un homme de qualité qui s’est retiré du monde dans lequel un « homme de qualité », Monsieur de Renoncour, relate l’Histoire du Chevalier des Grieux et de Manon Lescaut. Communément appelé Manon Lescaut, ce roman fera scandale et sera condamné par deux fois en 1733 et 1735. Pourtant, selon son auteur, ce roman devait constituer pour les lecteurs, « un traité de morale, réduit agréablement en exercice ». En montrant les ravages de la passion sur ces personnages, l’Abbé Prévost souhaitait encourager le lecteur à résister à la passion et à se préserver du péché.

Présentation de l’extrait : Notre extrait se situe dans la seconde partie du roman. Il s’agit d’une confrontation entre ML et CDG, désespéré par la nouvelle trahison de ML, qui s’en est allée rejoindre le jeune M. de G.M. Le chevalier adresse moult reproches à sa maîtresse qu’elle ne comprend pas.

Lecture du texte :

Problématique : Nous verrons comment cette scène est révélatrice de l’opposition qui existe entre les deux personnages.

Annonce du plan : Nous distinguons trois mouvements dans ce texte :

•  Les 12 premières lignes se résument aux reproches de Des Grieux qui se considère comme trahi par Manon.
• Les lignes 12 à 14 retranscrivent la réponse de cette dernière face à tant d’accusations.
• Le texte s’achève sur la colère de Des Grieux qui prend la décision d’oublier Manon et de s’en aller.

Développement : Analyse du mouvement 1.

Commençons par l’analyse du mouvement 1 qui retranscrit les reproches que Des Grieux fait à Manon Lescaut.

Ces reproches sont transposés au discours direct comme nous le voyons avec l’utilisation des guillemets aux lignes 1 à 5 et grâce à la proposition incise « repris-je avec un soupir, ». Ce discours direct du chevalier Des Grieux est de registre pathétique : l’interjection « Ah ! » tout comme la répétition de l’apostrophe « Manon, Manon », rappelle un cri de douleur. Le chevalier Des Grieux est au désespoir par la faute de la jeune femme et semble l’implorer « avec un soupir ».

C’est à partir de la locution verbale « il est bien tard » que débutent les reproches de Des Grieux, et l’adverbe d’intensité « bien » souligne l’impossibilité d’un pardon. Les expressions péjoratives « donner des larmes » à la ligne 1, « affecter », « que vous ne sauriez sentir » à la ligne 2, participe d’un portrait à charge de Manon Lescaut tout comme la récurrence extrême des marques de la deuxième personne, sur les trois premières lignes. Le chevalier Des Grieux pointe Manon du doigt et l’incrimine pour son hypocrisie : Manon est une actrice qui donne des larmes, qui affecte…

À la fin de la ligne 2, le superlatif « le plus grand de vos maux » permet encore d’amplifier la condamnation et la ligne 3 montre l’écart insurmontable qui s’est creusé entre les deux personnages. Nous retrouvons une sorte d’antithèse entre « ma présence » et « vos plaisirs » : Des Grieux se voir désormais en obstacle face au bonheur de Manon Lescaut.

L’utilisation des impératifs « Ouvrez les yeux, voyez qui je suis », participe au champ lexical de la lucidité : Des Grieux veut contraindre Manon à sortir de sa dissimulation et à affronter la vérité et ses contradictions.

Il est intéressant de noter l’utilisation répétée à trois reprises du pronom personnel « on » aux lignes 4 et 5 : le chevalier Des Grieux généralise son propos et montre que l’attitude de Manon n’est pas une attitude ordinaire au moyen de la négation totale « on ne verse pas des pleurs » et des subordonnées relatives « qu’on a trahi et qu’on abandonne cruellement ». Des Grieux souligne l’attitude contradictoire et paradoxale de Manon tout en se posant en victime et en « malheureux ».

À la ligne 6, on a une brève pause du discours direct du chevalier Des Grieux qui commente l’attitude de Manon Lescaut. Si cette attitude semble affectueuse « elle baisait mes mains », la fin de la phrase semble contredire l’attitude de Manon et trahit encore une fois son indifférence « sans changer de posture ». Des Grieux reprend donc de plus belle ses accusations.

S’en suit donc, dans le discours direct de Des Grieux qui reprend de la ligne 6 à la ligne 11, une longue liste de termes péjoratifs et d’insultes à l’encontre de Manon Lescaut. Nous pouvons relever les adjectifs qualificatifs « inconstante », « ingrate », « volage », « cruelle » renforcés par l’hyperbole « mille fois » ainsi que par les noms et expressions « sans foi », « infidèle », « parjure », « désespoir », « abandon ». Le portrait est à charge.

La multiplicité de questions rhétoriques « où sont vos promesses et vos serments » à la ligne 7, « qu’as-tu fait de cet amour » à la ligne 8, « est-ce ainsi qu’une infidèle se rit de vous » à la ligne 9 résonne aussi comme un reproche puisque le lecteur sait pertinemment la réponse à apporter à ses questions. Chaque réponse souligne l’inconstance et l’infidélité de Manon grâce notamment aux antithèses entre « volage », « cruelle » et « tu me jurais encore aujourd’hui », entre « une infidèle » et « après avoir attesté si saintement », et entre « parjure » et « récompensé ». L’utilisation du champ lexical de la religion avec « saintement », « parjure », « sans foi », renforce encore la condamnation morale de Manon Lescaut.

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