Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, 1791
Commentaire de texte : Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, 1791. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Anaïs Métayer • 13 Mars 2024 • Commentaire de texte • 2 242 Mots (9 Pages) • 144 Vues
Explication linéaire – Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, 1791
Extrait : Préambule
Introduction
(à compléter avec une présentation succincte de l’œuvre et votre biographie d’Olympe de Gouges)
- La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, texte fondamental de la Révolution française qui énonce un ensemble de droits naturels individuels et communs, ainsi que les conditions de leur mise en œuvre, n’évoque jamais explicitement les femmes et les citoyennes, est-ce à dire qu’elles en seraient exclues ?
- Olympe de Gouges décide donc d’écrire sa propre Déclaration, en reprenant quasi mot pour mot celui de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, (il s’agit d’un pastiche) afin de mieux mettre en exergue ses manques et ses paradoxes.
Problématique
Comment ce préambule, en réécrivant celui de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, met-il en évidence ses lacunes pour mieux défendre l’égalité des sexes ?
Mouvements
Mouvement 1 : Lignes 1 et 2. Il est formé de la première phrase qui propose l’entrée en matière et précise qui sont les demandeurs et les énonciateurs de la déclaration.
Mouvement 2 : Lignes 2 à 10. Il est constitué de la longue phrase suivante et présente l’objectif de la demande.
Mouvement 3 : Lignes 11 à 13. Il correspond à la dernière phrase qui forme une transition conclusive afin d’introduire le premier article.
Mouvement 4 : Lignes 14 à 21. Les trois premiers articles.
Étude linéaire
Mouvement 1 : L’entrée en matière des demanderesses (Lignes 1 et 2)
- « Les mères, les filles, les sœurs » : Gradation descendante renvoyant aux liens familiaux qui apparentes toutes les femmes dans un esprit universel d’union communautaire. Par l’utilisation du pluriel les femmes sont appelées au rassemblement dans un rapport de filiation. Elle souligne en effet les liens naturels, du sang (à l’exclusion du mariage qui constitue selon l’autrice un lien social imposé et contestable) qui les unissent aux concepteurs de la DDHC et en font leurs égales selon la nature. Par cette énumération Olympe de Gouges fait appel aux liens émotionnels que les femmes entretiennent avec leurs proches.
- « représentantes de la Nation » : groupe nominal hyperonymique* et périphrastique qui fait basculer les femmes de la sphère familiale à la sphère publique. De même, l’autrice fait appel ici à la conviction (raison) et non plus à l’émotion comme c’était le cas précédemment. Elle confère ici aux femmes un rôle politique et national pour les placer d’emblée comme les égales de l’homme en tant que membre de la Nation. Cette périphrase reprend en écho la DDHC (« Les Représentants du Peuple Français, constitués en Assemblée Nationale ») afin de tendre un miroir inversé au lecteur. Ainsi, en mettant au féminin la DDHC, elle réduit implicitement le substantif générique « Homme » au substantif masculin « homme » ce qui constitue en soi une démarche polémique.
- Le verbe de requête « demandent » met l’accent sur l’objet de la déclaration et sur son véritable objectif : exiger que les droits des femmes soient respectés. Le verbe a ainsi une résonnance performative*. Le présent de l’indicatif inscrit la demande dans un « ici et maintenant » omnitemporel, universel et solennel.
- « d’être constituées en assemblée nationale » : ce COI du verbe demander revendique le droit des femmes à elles aussi gouverner la France et faire partie de la vie politique française.
Mouvement 2 : Objectifs de la demande (Lignes 2 à 10)
- dans toute cette longue phrase, « de la femme » remplace « de l’Homme » et « citoyennes » remplace « citoyens ». Cette inversion genrée rappelle ainsi que la femme fait partie intégrante du corps social et qu’à ce titre, elle doit avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs que l’homme. Le statut de citoyenne leur a d’abord été refusé par les révolutionnaires masculins, qui leur ont toutefois ensuite accordé une citoyenneté « passive » (sans droit de vote) dans la Constitution de 1791.
- Le participe présent « Considérant que » introduit le contexte d’écriture, élabore un constat.
- L.2 : la gradation ascendante « l’ignorance, l’oubli ou le mépris » très dépréciative était déjà présente dans la DDHC mais le complément du nom « de la femme » modifie en profondeur l’hypotexte en explicitant les inégalités entre les sexes et la façon dont les femmes sont maltraitées.
- L.3 : « sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements ». L’autrice affirme ici que les désordres publics ont comme cause unique le mépris des hommes envers les femmes. La réécriture se veut ainsi accusatrice voire menaçante et transforme considérablement le sens de l’hypotexte*. L’emploi de l’adjectif exclusif « seules » épithète du substantif « causes » fait de l’inégalité homme/femme l’unique origine de tous les dérèglements sociaux et politiques.
- Utilisation d’un lexique hyperbolique dysphorique (« malheurs » (l.3), « corruption » (l.3)) qui fait apparaître l’inégalité des sexes comme un fléau contre-nature (corruption signifie à l’origine : action de changer l’état naturel d’une chose en la rendant mauvaise).
- Ces premières modifications mettent en valeur la volonté d’Olympe de Gouges de dénoncer la domination des hommes sur les femmes. Le champ lexical du malheur et de l’altération pointe du doigt le despotisme masculin dont la tyrannie gangrène le corps social.
- L.4 : l’énumération d’adjectifs dans l’expression « les droits naturels, inaliénables et sacrés de la femme » permet de caractériser les droits des femmes et d’insister sur leur caractère fondamental. « Les droits naturels, inaliénables et sacrés de la femme » sont d’abord les mêmes que ceux des hommes (voir en ce sens les articles de la DDHC), mais les femmes doivent auparavant gagner le droit d’être considérées comme les égales des hommes pour accéder aux mêmes droits qu’eux.
- L.4 : l’adjectif « sacré » renvoie à l’argument de la création divine et au « chef d’œuvre immortel » évoqué dans l’adresse aux hommes.
- L.5, 6 et 8 : l’anaphore de « afin que » dans un rythme ternaire introduit les différents buts de cette déclaration :
- Tout d’abord, cette déclaration doit rappeler sans cesse les droits et les devoirs des femmes aux « membres du corps social » (l.5), c’est-à-dire à toute la société comme le souligne la périphrase.
- En outre, elle doit permettre aux « actes du pouvoir des femmes et [à] ceux du pouvoir des hommes » (l.6 et 7) d’être plus « respectés ». Par le parallélisme (« les actes du pouvoir des femmes, et ceux du pouvoir des hommes »), elle donne bien une portée universelle à sa déclaration (et non pas strictement féministe). Cette expression remplace « du pouvoir législatif, et ceux du pouvoir exécutif » dans la DDHC, entraînant une nouvelle perspective plus polémique : la mise en parallèle de « pouvoir des femmes » et « pouvoir des hommes » révélant en vérité que ces pouvoirs ne sont pas égaux dans les faits.
- Enfin, le troisième but de cette déclaration est que les réclamations des citoyennes soient « fondées désormais sur des principes simples et incontestables » (l.9) et donc contribuent « au maintien de la Constitution, des bonnes mœurs et au bonheur de tous » (l.10), principes énoncés avec un vocabulaire mélioratif. La défense des « bonnes mœurs », qui ne figure pas dans l’hypotexte, suggère que les mœurs (la morale) ont tout à gagner au respect des droits de la femme puisqu’ils garantiront que la situation de l’Ancien Régime où régnaient l’adultère et le libertinage ne pourra plus se reproduire. Selon Olympe de Gouges, une des causes de la dissolution des mœurs réside en l’institution du mariage religieux qu’elle proposera de remplacer par un « contrat social de l’homme et de la femme » rédigé à la suite du postambule de la DDFC.
Mouvement 3 : Une conclusion – transition (Lignes 11 à 13)
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