Molière, Le Malade Imaginaire, acte 1, scène 5

INTRODUCTION DE L’ŒUVRE

La comédie classique née dans l’Antiquité, voit son apogée au XVIIe siècle. S’inspirant de l’âge grec, sous les codes de la commedia dell’arte italienne, le genre comique cherche principalement à distraire et à faire sourire le spectateur, permettant ainsi d’aborder les travers de la société contemporaine. Pour Molière, il s’agit de « corriger les hommes en les divertissant », grand dramaturge et maître du genre comique, il utilisait ces célèbres pièces pour dénoncer les travers de son temps. Molière était un excellent comédien et ses entrées en scène déclenchaient d’emblée le rire du public. Pourtant chez Molière, il ne s’agit pas seulement de s’amuser. Dans Le Malade Imaginaire, comédie-ballet et dernière écrite, mise en scène et jouée par Molière avant sa mort, en 1673. Ainsi, les éclats de rire des spectateurs face au jeu des comédiens sont l’occasion d’une réflexion. Molière est au faîte de sa gloire, dramaturge reconnu par la haute société de la Cour, familier de Louis XIV, célèbre pour ses comédiens de mœurs qui dénoncent les vices et les travers humains. Il s’attaque ici à un sujet des plus polémiques de son temps, tels que l’incompétence des médecins. Molière l’a conçue comme un projet plus ambitieux de comédie-ballet, incluant entre chaque acte des intermèdes mis en musique pas Marc Antoine Charpentier et chorégraphiés par Pierre Beauchamp. La pièce a été d’abord jouée en février 1673 au théâtre du Palais Royal, mais elle était destinée à être représentée devant la Cour à l’occasion de fêtes somptueuses données en l’honneur du roi et de ses victoires militaires. La mort subite de Molière a suspendu les représentations et la pièce ne sera finalement jouée à Versailles qu’après sa mort. Mais il est important d’étudier le projet global et festif que Molière avait mis au point dans le but d’éblouir le roi et son entourage.

LA CRÉATION DE LA COMÉDIE BALLET

Au XVIIe siècle, Louis XIV organise de grandes fêtes et spectacles pour impressionner les courtisans dans son château de Versailles. Molière est ainsi amené à organiser pour le roi, amateur de danse et de chant, des fêtes grandioses. Pour le roi Louis XIV, les fêtes sont autant d’occasions de se divertir mais aussi d’affirmer sa puissance ; il exerce son autorité sur l’art puisque les productions artistiques sont soumises à sa censure. De plus, le roi soutient le classicisme venant en opposition au Baroque puisqu’il apporte la stabilité et l’ordre. Pour satisfaire à son goût, Molière invente donc la comédie ballet qui contient de la danse, du chant et de la musique ; Molière intègre le divertissement de cour à la création littéraire, par une mise en abyme du spectacle. Les intermèdes sont utilisés pour illustrer ou contraster le jeu.

COMIQUE DE LA PIÈCE

Au XIVe siècle, en Italie, la commedia dell’arte revient aux personnages similaires que les acteurs mettent en scène en improvisant à partir d’un canevas, la gestuelle étant primordiale. Molière s’inspire de ce modèle. En France, au XVIIe siècle, période pendant laquelle Molière écrit, le classicisme codifie la comédie et l’impose en tant que genre. Le Malade Imaginaire renvoie au schéma type de la comédie classique : deux amoureux sont empêchés de se marier par un personnage qui a autorité sur eux. Ils finissent par triompher de tous les obstacles grâce à la créativité de quelques personnages et se marient à la fin. Ici, la décision d’Argan de marier, pour son propre intérêt, sa fille à un médecin, contrarie les amours passionnées d’Angélique et Cléante. A cette intrigue simple, vient se combiner une deuxième intrigue, typique d’un scénario de commedia dell’arte, celle de la seconde épouse lorgnant sur l’argent d’un vieux mari prêt à déshériter ses enfants sous la houlette d’un notaire complaisant.

Comique de geste : nombreux comique de gestes sont présents dans Le Malade Imaginaire. Ce type de comique provient des expressions, de la gestuelle, et des mouvements des personnages. L’auteur se sert souvent des didascalies pour indiquer la façon dont les acteurs doivent jouer la scène : querelles, coups de battons propres à la farce.

Comique de mots : reposant sur des jeux de mots, le mélange de plusieurs registres de langue, un défaut de prononciation, l’utilisation de vocabulaire trop savant, des jeux de mots, ou un accent d’un personnage. Aussi les noms dégradant des différents médecins.

PREMIÈRE PARTIE : Quiproquo comique entre Argan et Angélique

Le quiproquo se révèle par la formule d’Argan : « Quel Cléante ? »  formule impropre qui manifeste son incompréhension face à sa fille ( Angélique croit que Cléante veut l’épouser). Champ lexical de la médecine : à travers les 3 noms de médecins et apothicaire. Champ lexical de la famille « neveu »/ beau-fère/ « gendre » pléonasme qui manifeste l’admiration d’Argan pour le monde médical, les médecins forment des familles. Champ lexical du mariage : thème du mariage arrangé. Champ lexical des affaires : « on t’a demandé » Angélique est placé en tant qu’objet (COD du verbe demander) « nous avons conclu ce mariage » le mariage devient une transaction commerciale. La rapidité de l’affaire grâce à des indices de temps comme « ce matin/ demain. » La passivité de Thomas : il apparaît en tant qu’objet « ce gendre prétendu doit m’être amené par son père » il devient l’objet de son père. M. Purgon= médecin d’Argan, nom ridicule (purge), M. Diafoirus= beau-frère de Purgon (diarrhée), M. Fleurant= apothicaire (pharmacien) (analyse des urines)= comique scatologique. le gendre n’est perçu que dans sa relation au monde médicale « fils de M. Diafoirus » révélation du nœud dramatique. Angélique ne pensait pas au même homme que son père (2 volontés s’opposent : celle d’Angélique : épouser Cléante/ celle d’Argan : que sa fille se marie avec Thomas). Cette tension fait naître des émotions, didascalie « vous voilà tout ébaubie » Angélique est déçue, exclamation d’Argan, montre la gêne d’Argan à l’annonce de l’identité du gendre. Réplique d’Angélique qui sont marquée par le respect hiérarchique, elle vouvoie son père « vous » tandis qu’il la tutoie « t’a demandé », « mon père ». Apostrophe, marquée par la déception, registre pathétique, Parallélisme ;[que je connais que vous avez parlé d’une personne] et [que j’ai entendu une autre] » soit une opposition entre « une personne »= Thomas et « une autre »=Cléante. Le dévoilement du quiproquo a une dimension pathétique pour Angélique. Naïveté d’Angélique qui ne voit que par son amour, autorité et folie d’Argan qui ne pense qu’à lui.

...