Les fabliaux médiévaux
Fiche de lecture : Les fabliaux médiévaux. Recherche parmi 301 000+ dissertationsPar Gaelle Burg • 1 Mars 2025 • Fiche de lecture • 5 077 Mots (21 Pages) • 13 Vues
FABLIAUX DU MOYEN AGE
Édition bilingue de Jean Dufournet, Paris, GF, 2014
Nous étudions les Fabliaux du Moyen Age issus de l’édition de Jean Dufournet (1933-2012), qui était un historien médiéviste et romaniste français. Ancien élève de l’École Normale Supérieure (promotion 1954), il obtint son agrégation avec pour spécialité la grammaire, en 1957. Passionné de médiévistique française, il a été commentateur, éditeur et traducteur des textes médiévaux, spécialiste de la poésie, du théâtre et de l'histoire du Moyen Age, il est l'auteur d'une cinquantaine d'ouvrages.
A/ Étymologie et caractéristiques des fabliaux
Le terme « fabliau » dérive du mot médiéval français fable, lui-même issu du latin fabula, qui signifie « petit récit ». En picard, un dialecte régional, le mot prend la forme fabliau, ce qui témoigne de son utilisation et de sa popularité dans le nord de la France. Les fabliaux sont des récits courts en vers octosyllabiques plats, généralement écrits en français vernaculaire, qui se sont développés entre le XIIᵉ et le XIVᵉ siècle. Ces textes, souvent humoristiques et satiriques, se distinguent par leur ton léger et leur approche critique des mœurs de la société médiévale.
* Sujets traités
Les fabliaux abordent une variété de thèmes liés à la vie quotidienne, souvent centrés sur les relations entre les sexes, les conflits sociaux, la ruse et l'hypocrisie. Les sujets les plus courants incluent l’adultère, la tromperie, la cupidité, ainsi que les abus du clergé et de la noblesse. Ces récits mettent souvent en scène des personnages de toutes les classes sociales, allant des paysans aux nobles, ce qui permet de représenter un éventail des réalités médiévales. Par leur réalisme et leur humour, les fabliaux offrent une critique sociale incisive tout en divertissant le lecteur ou l’auditeur.
* Caractéristiques principales
Les fabliaux se caractérisent par plusieurs éléments distinctifs. Tout d'abord, leur structure est généralement simple, avec une intrigue linéaire qui s’achève souvent par une chute surprenante. L'utilisation d'un langage accessible et de dialogues vivants contribue à leur aspect populaire. De plus, les personnages sont souvent des archétypes, tels que le paysan rusé, le noble (ou bourgeois) avare ou la femme infidèle, permettant une identification facile et une portée universelle. Les fabliaux utilisent également des éléments de la tradition orale, ce qui leur confère un rythme et une musicalité propres, favorisant leur transmission.
* Formes de comique
Le comique dans les fabliaux se manifeste de différentes manières. Tout d'abord, le comique de situation repose sur des malentendus et des retournements de situation qui provoquent le rire. Par exemple, des personnages naïfs se laissent berner par des ruses, ce qui met en lumière leur crédulité. Ensuite, le comique de caractère se manifeste à travers la caricature des défauts humains, comme la cupidité ou la jalousie. Les personnages sont souvent présentés de manière exagérée, ce qui accentue l'effet comique. Enfin, le comique verbal, qui fait appel à des jeux de mots, des quiproquos ou des dialogues humoristiques, contribue également à créer une atmosphère ludique.
En somme, les fabliaux se révèlent être un miroir de la société médiévale, utilisant l'humour pour aborder des sujets sérieux tout en divertissant le lecteur. Grâce à leur richesse thématique et stylistique, ils demeurent une source essentielle d'étude pour comprendre les mentalités et les dynamiques sociales de l'époque.
B. Contexte historique et politique des fabliaux
Les fabliaux s’inscrivent dans le contexte historique et politique de l’Europe médiévale, particulièrement entre les XIIᵉ et XIVᵉ siècles, une période marquée par des évolutions sociales, économiques et politiques profondes. Au cours de cette époque, la montée en puissance des villes, liée à l’essor du commerce et de l’artisanat, favorise l’émergence de nouvelles classes sociales, notamment la bourgeoisie urbaine. La prospérité croissante des cités entraîne un changement dans les valeurs et les intérêts des citadins, souvent en opposition aux idéaux chevaleresques de la noblesse rurale. Les fabliaux, centrés sur des personnages issus du peuple, reflètent cette évolution en mettant en avant les préoccupations et le quotidien de la petite bourgeoisie, des paysans et des artisans.
Politiquement, les fabliaux apparaissent également dans un contexte de renforcement de la monarchie et de l’autorité royale, en particulier sous le règne de Philippe Auguste (1180-1223). Ce premier roi de France (et non plus des francs) joue un rôle crucial dans l'affermissement du pouvoir monarchique face aux seigneurs féodaux et aux puissances religieuses, favorisant une centralisation des institutions (il installe le pouvoir à Paris) et une plus grande cohésion du royaume en mettant en place des Baillis (au Nord) et des Sénéchaux (au Sud) en charge de le représenter dans le royaume. Les fabliaux, en raillant les figures d’autorité — souvent des représentants du clergé ou de la noblesse — semblent résonner avec cette contestation croissante des pouvoirs traditionnels, incarnant un esprit de liberté et de critique sociale. Les institutions ecclésiastiques, autrefois incontestées, sont souvent mises à l'épreuve par des critiques indirectes à travers des récits satiriques où prêtres et moines apparaissent corrompus ou hypocrites. Cela correspond aux tensions croissantes entre la société laïque et l’Église, surtout dans un contexte où la foi chrétienne est remise en question par les réalités sociales du temps. En parallèle, cette période voit une demande croissante de divertissement et de satire, alors que la littérature se diversifie pour toucher un public de plus en plus large et lettré. Les fabliaux, ancrés dans le quotidien et éloignés des récits épiques et chevaleresques, répondent à ce besoin. Ils permettent d’aborder des thèmes de la vie quotidienne, tout en conservant un esprit critique face aux inégalités sociales. Cette œuvre, plus proche des préoccupations concrètes du peuple, marque ainsi un tournant vers une littérature accessible qui engage un dialogue entre différentes strates de la société médiévale.
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