Comment, dans le chapitre 10 de Candide, Voltaire permet-il la condamnation des horreurs de la guerre ?
Commentaire de texte : Comment, dans le chapitre 10 de Candide, Voltaire permet-il la condamnation des horreurs de la guerre ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar richodr06 • 6 Mars 2024 • Commentaire de texte • 1 855 Mots (8 Pages) • 156 Vues
Au XVIIIe siècle, les philosophes des Lumières mettent au cœur de leurs écrits des réflexions sur la tolérance, le bonheur, l’égalité mais aussi sur la guerre et son pouvoir de destruction. Dans Candide, Voltaire utilise la figure naïve de son personnage éponyme, qui découvre le monde car il est parti à la recherche de sa bien-aimée Cunégonde, pour créer une sorte de connivence avec son lecteur, puisque que tout son récit est construit sur une ironie constante. Dans notre extrait du chapitre 10, Candide est face à un combat entre bulgares et il devient spectateur des horreurs de la guerre.
Comment, dans ce texte aux accents ironiques, Voltaire permet la condamnation des horreurs de la guerre ?
Nous verrons de la ligne 1 à 9, que le regard naïf et admiratif de Candide vient servir une parole ironique de l’auteur qui condamne implicitement la guerre. puis de la ligne 10 à 19, la découverte des atrocités de la guerre, et enfin de la ligne 20 à la fin, la fuite finale de Candide.
Dans les premières lignes de cet extrait nous comprenons que l’émerveillement de Candide révèle en réalité un regard critique sur la guerre présentée comme violente et totale.
Tout d’abord la situation est présentée comme paradoxale puisque Candide décrit avec admiration un évènement horrible : celui de la guerre. Dans les six premières lignes l’emploi des énumérations tend à faire une description élogieuse de la guerre grâce aux adjectifs mélioratifs. Celui-ci est même poussé à l’extrême grâce aux intensifs et à l’emploi de la négation qui présentent un regard neuf et innocent sur les évènements. En effet, les deux négations marquent une rupture temporelle comme si un tel évènement n'avait jamais eu lieu. Le caractère nouveau de cette scène semble justifier l’émerveillement du protagoniste. Cependant l’ironie de l’auteur reste perceptible. L’idée d’harmonie est en réalité contredite par la gradation désordonnée qui mélange les instruments à vent et les percussions et abandonne peu à peu le champ lexical de la musique pour rappeler celui de la guerre. Ainsi « l’harmonie » cède sa place à une cacophonie générale comme le suggère l’antithèse qui renvoie plus justement à « l’enfer », celui de la guerre. La construction en chiasme (négation + énumération → énumération + négation) entretient ce rapport d’inversion et de paradoxe. En créant une inversion sur la syntaxe de la phrase l’auteur vient discréditer le regard faussé de Candide qui crée une inversion entre sa perception de la réalité et la vérité.
De plus, la guerre apparait plus explicitement contre nature même si la critique de l’auteur reste implicite et s’exprime à travers le regard crédule de son protagoniste. En effet, l’auteur entretient ce sentiment de désordre et de chaos en présentant une situation dans laquelle les rôles sont inversés. En effet, dans les lignes 3 à 6 ce sont les armes qui adoptent des caractéristiques humaines et qui deviennent sujet de l’action au détriment des soldats dont le nombre de cadavres est comptabilisé comme l’on ferait l’inventaire d’un stock de marchandises. Les quantités astronomiques sont révélées par l’emploi des déterminants numéraux hyperboliques qui viennent rappeler le caractère meurtrier de la guerre. Pour la rendre d’autant plus horrible, Voltaire insiste sur son caractère universel puisqu’elle touche des « hommes de chaque côté » aux lignes 3-4 et possiblement des hommes bons « du meilleur des mondes » (l4) comme des « coquins qui en infectaient la surface » (l5). L’antithèse rappelle donc que la guerre n’épargne personne et condamne les hommes vertueux comme les coupables.
Ainsi l’auteur reconnait sa lâcheté et celle de son personnage en le comparant à un « philosophe » qui se cache. Ici Voltaire se moque de lui-même dans une comparaison ironique et fait preuve d’autodérision. L’oxymore « boucherie héroïque » rappelle encore ce paradoxe qui vient avertir le lecteur sur les intentions réelles de l’auteur : établir un réquisitoire déguisé contre la guerre.
Dans la suite de l’extrait, le départ de Candide permet à l’auteur d’évoquer plus explicitement les horreurs de la guerre et plus particulièrement ses conséquences. Dès lors la critique devient plus perceptible.
Premièrement, l’auteur s’en prend au pouvoir royal et au pouvoir religieux qui ne participent que de loin à la guerre. L’emploi de la conjonction de subordination « tandis que » à la ligne 9 introduit une proposition circonstancielle de temps associée à un rapport de contradiction. Ici l’auteur rappelle l’inutilité des rois qui ne participent que de loin à la guerre et n’occupent pas leur place sur le champ de bataille. En effet, tout comme la phrase peut fonctionner sans cette proposition, la guerre peut se passer de ses dirigeants pour être menée à bien. L’un et l’autre remercient Dieu de la même façon pour les morts qu’ils ont provoquées. Ici l’ironie de l’auteur est féroce. Finalement, ce qui est vraiment essentielle est la proposition principale. C’est-à-dire la décision de Candide qui décide de fuir le champ de bataille et va permettre de découvrir l’absurdité de la guerre.
En outre, Candide permet de révéler les conséquences néfastes de la guerre. Les polyptotes « morts » et « mourants » et le champ lexical du feu « était en cendres » et « avaient brûlé » entretiennent le thème de la destruction qui semble omniprésent et revient comme un leitmotive tout au long du texte. Encore une fois l’auteur joue sur la syntaxe et la ponctuation pour structurer son propos et rendre d’autant plus efficace la visée argumentative de son propos. Il développe ainsi une argumentation indirecte à travers un discours construit. Dans un premier temps il expose les conséquences de la guerre qu’il met en avant en l’isolant du reste de la phrase grâce à la ponctuation car l’emploi de la virgule vient mettre la proposition « il était en cendres » en apposition et crée un effet de retardement présentant la réalité de cette guerre comme dramatique et décevante. Les « : » permettent d’introduire l’explication créant un lien de cause à effet entre les deux parties de la phrase. Cependant le groupe mis en apposition dans la seconde partie vient contredire toute logique. L’application de la loi apparait comme une justification de l’extermination de ce village et vient alimenter la parole ironique de l’auteur qui critique l’absurdité de la guerre.
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