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Lecture analytique du chapitre 19 de Candide, Voltaire (1759)

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Par   •  4 Juin 2015  •  1 826 Mots (8 Pages)  •  2 906 Vues

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Lecture analytique du chapitre 19 de Candide, Voltaire (1759)

Extrait « En approchant de la ville (…) et en pleurant, il entra dans Surinam »

Objectif (problématique) : Montrer que cette page de Candide est un violent réquisitoire contre l’esclavage.

Eléments d’introduction :

Candide et Cacambo quittent le pays d’Eldorado avec le projet de retrouver Cunégonde et d’acheter un royaume grâce aux cents moutons chargés d’or et de pierreries qu’ils amènent.

Mais en faisant route vers Surinam, colonie hollandaise, ils perdent leur richesse.

Ils conservent cependant leur rêve de bonheur. Cacambo déclare alors : « Nous sommes au bout de nos peines et au commencement de notre félicité ». C’est alors qu’ils rencontrent un esclave noir dont l’état pitoyable les ramène brutalement à la réalité.

Cette page est un violent réquisitoire contre l’esclavage. Elle s’inscrit à l’époque dans un vaste mouvement d’opinion qui le dénonce et demande son abolition. Montesquieu, dans L’Esprit des lois, en fait une satire célèbre au chapitre intitulé « De l’esclavage des nègres ».

En France, il faudra attendre 1848 pour que l’esclavage soit définitivement aboli dans nos colonies.

Le mouvement (= structure) du texte :

Le texte comprend 3 parties. Dans la première, les héros découvrent un nègre mutilé et Candide s’interroge sur les raisons de son état. Dans la seconde, l’esclave fait un discours, sur son origine, puis sur l’illusion sur laquelle a reposé sa vie. Dans la troisième partie du texte, Candide reprend la parole et se révolte contre Pangloss et son optimisme. Le discours du nègre est donc entouré par deux interventions de Candide. Cette structure est celle d’une prise de conscience du héros, plus nette qu’au début du roman. Cette révolte permet à Candide de prendre peu à peu possession de lui-même.

Annonce du plan (qui va suivre ici le mouvement linéaire du texte) :

Partie 1 : La rencontre du nègre.

Partie 2 : Le discours du nègre

Partie 3 : La révolte de Candide.

I. La rencontre du nègre

• Contraste et changement de ton

Le paragraphe précédent s’achevait sur le mot « félicité ». Les héros rêvaient de bonheur. Ils ne s’attendent pas à trouver sur leur chemin un homme dans un état aussi déplorable. Pathétique, sensibilité + émotion et indignation.

• La description du nègre est sobre  pathétique.

Situation d’humiliation : il est « étendu par terre ». Son dénuement est traduit par l’adverbe négatif « ne…que ». L’auteur ne s’apitoie pas mais constate les infirmités : « il manquait à ce pauvre homme la jambe gauche et la main droite ». Présentation réduite où ne sont retenus que les détails marquants. L’expression « pauvre homme » possède un sens à la fois matériel et affectif.

• Réaction émue de Candide : « Eh ! mon Dieu ! [...] où je te vois ? ».

- Spontanéité de Candide, toujours sensible à la souffrance d’autrui. Tournures interrogatives et exclamatives  intensité de l’émotion.

- Adjectif « horrible  omniprésence (dans tout le roman) des malheurs qui frappent l’Homme.

• Ton de soumission de l’esclave

- « J’attends mon maître, monsieur Vanderdendur, le fameux négociant ». L’adjectif « fameux » peut aussi être pris en un sens ironique : le négociant est certes connu, mais plus pour sa cruauté que pour ses vertus.

- Fantaisie verbale sur le nom « Vanderdendur » : il s’agit d’un nom-portrait qui contient dans sa forme la fonction et le caractère du personnage. L’allitération en « d » fait d’emblée de lui un être ridicule et antipathique. La première partie du nom nous apprend qu’il s’agit d’un négociant hollandais : « vander » est la transcription sous une forme hollandaise de l’homonyme « vendeur » ; l’autre partie du nom : « -dendur » nous révèle la méchanceté du personnage : « il a la dent dure ». La suite du roman confirmera ce trait. Chez Voltaire, on voit que la fantaisie verbale se met au service de la fiction et de l’argumentation indirecte.

II. Le discours du nègre

• Le nègre explique la raison de son état

Voltaire concentre l’effet du pathétique en ne retenant que les détails frappants : caleçon, main, jambe.

« C’est l’usage »  désigne le traitement dont le nègre a été victime ; sous-entend une logique de l’habitude à laquelle le nègre semble se soumettre ; ses malheurs obéissent à une loi supérieure qui n’a d’autre justification que la tradition.

• Une résignation neutre et objective

L’esclave se contente de juxtaposer sobrement les informations : « On nous donne un caleçon […] je me suis trouvé dans les deux cas. » Le constat objectif du nègre s’articule autour de trois expressions parallèles formant une sorte de rengaine tragique : « On nous donne… on nous coupe… on nous coupe… ». Cette juxtaposition de faits produit une accumulation qui fait mieux ressortir la cruauté des esclavagistes.

• Mais le nègre s'autorise un commentaire critique :

C’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe ». Ici Voltaire prend la parole par la bouche de son personnage pour dénoncer le scandale. Par cette phrase incisive, le conte devient pamphlet (= court récit satirique attaquant avec violence un gouvernement, une institution ou un personnage connu). Ce que Voltaire met en évidence, c’est le décalage monstrueux entre l’insouciance des Européens et les souffrances de ceux qui sont à leur service aux colonies.

• Le nègre raconte alors sa vie

- Il dénonce d’une autre façon l’absurdité

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