Baudelaire, Le Vin de l'assassin
Commentaire de texte : Baudelaire, Le Vin de l'assassin. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Robin Tumoine • 25 Avril 2023 • Commentaire de texte • 3 272 Mots (14 Pages) • 981 Vues
Lecture ou explication linéaire
“Le Vin de l'assassin”
Rappel pour l’intro : Baudelaire poète romantique (inspirera les symbolistes notamment, mais a aussi des affinités avec le Parnasse), XIXe s, Les fleurs… oeuvre principale, poèmes qui tracent le voyage d’une âme touchée par le spleen et qui tend vers l’idéal, l’élévation spirituelle par l’art poétique. Oeuvre qui renouvelle le romantisme, et dont quelques pièces seront même censurées. Section “le vin” : paradis artificiel, drogue pour lutter contre le spleen et le désespoir.
Le poème : 13 quatrains : chiffre à connotation superstitieuse : Judas le traitre, 13e participant du repas final du Christ, la Cène, qui le livre aux romains, donc a la mort, puis se suicide (suicide = péché mortel). 13 quatrains d’octosyllabes en rimes embrassées : sorte de confession d’un homme alcoolique qui a assassiné sa femme = réalisme trivial. Il raconte comment le crime s’est déroulé, le mobile, mais aussi les sentiments, moralement choquants, du criminel. Pourtant le sordide est comme sublimé par l’évocation d’une passion amoureuse destructrice et l’expression d’un orgueil religieusement scandaleux. Mais ce lyrisme noir, cette liberté reconquise, ne sont-ils pas des illusions?
Problématiques : Comment l’alcool scelle-t-il le destin de l’assassin? En quoi l’alcool est-il une illusion de paradis? Comment l’illusion du paradis artificiel se métamorphose en véritable enfer?
(pour le commentaire composé : Nous verrons tout d’abord l’évocation du crime, puis nous nous pencherons sur cette illusion de bonheur.)
Titre : 2 approches possibles : le complément du nom évoque la possession = alcoolisme (le vin que possede l'assassin) ou c'est une caractéristique, une qualité particulière du vin : le vin est celui d'un type particulier d'individu, un "assassin" = métaphore = ivresse de l'assassin, ou ce qui le rend ivre = l'assassinat, ou un sentiment (dans le poème est mentionné "l'amour véritable") // penser aussi au Spleen : sentiment negatif qui detruit les aspirations au bonheur
Mouvements :
MVT 1 strophe 1-4 : l’alcoolique avoue son crime
MVT 2 strophe 5-7 : Narration des circonstances du crime
MVT 3 strophe 8-10 : Mobile du crime : une sensibilité romantique
MVT 4 strophes 11-13 : Ultime blasphème, suicide
Remarques générales :
-13 quatrains d'octosyllabes : longueur = narration, ou logorrhée du meurtrier, effet de l'ivresse elle-même + chiffre à connotation superstitieuse (Judas le traitre, 13e participant du repas final du Christ, la Cene, qui le livre aux romains, donc a la mort, puis se suicide // l’assassin trompe, trahit sa femme, et la conduit a la mort, puis evoque le suicide = dimension mystique et noire, personnage maudit, mais essentiel a la realisation de la prophetie divine)
-rimes embrassées : l'amour est un des sentiments centraux du poème, en conflit avec le désir de liberté qui cache la passion du vin
MVT 1 : strophe 1-4 : l’alcoolique avoue son crime
Strophe 1
Ma femme est morte, je suis libre !
Je puis donc boire tout mon saoul.
Lorsque je rentrais sans un sou,
Ses pleurs me déchiraient la fibre.
-v1 : 1er choc, moral : le "je" se réjouit de la mort de celle qu'il a aimée. Evocation sinistre et burlesque des relations conjugales : stéréotype du mari sous la coupe de sa femme, rapport de domination qui ronge les époux, où l'homme est amoindri parce que dominé par l'être socialement considéré comme plus faible = honte : le veuf recouvre sa liberté = joie exprimée par le point d'exclamation. Présent de l'indicatif évoque la soudaineté, l'acte récent : le meurtre semble donc avoir pour motif le désir d'être "libre" du mari + la virgule ici signifie un rapport de cause à conséquence.
-v2 : mobile, raison véritable : "boire". Le motif est trivial et réaliste : l'alcoolisme de l'assassin. On devine déjà la suite : le sens logique s'enchaîne : "je suis libre (de) boire tout mon saoul" : liberté illusoire, puisque le "je" est esclave de l'alcool + alcool a pu être aussi le déclencheur de l'acte, le désinhibiteur qui l'a rendu possible = puissance de l'alcool : horreur morale du drame. "tout mon saoul" : cherche une plus grande ivresse encore = passion destrutrice, evocation du Spleen, ivresse negative
-v3 : explication, cause des tensions domestiques : du présent on passe à l'imparfait "rentrais"/ "déchiraient" ; "sans un sou" rimant avec "saoul" = on suppose que l'argent du ménage est dépensé par l'homme en alcool, provoquant les "pleurs" de la "femme" : misère profonde et banale. Les tensions se matérialisent dans les 2 termes "pleurs" de la femme ", et "déchiraient" chez l'homme : l'alcool les fait tous les deux souffrir, et se faire souffrir l'un l'autre : pathétique, voire tragique / "pleurs" : souffrance exprimée extérieurement, mais "fibre" souffrance intérieure, peut-être contenue, qui explose dans l'acte meurtrier
Strophe 2
Autant qu’un roi je suis heureux ;
L’air est pur, le ciel admirable.
— Nous avions un été semblable
Lorsque j’en devins amoureux !
-v1 : lyrisme choquant : retour présent : idem vers 1 strophe 1 : rappel de sa joie/ parallélisme "je suis libre/ je suis heureux" : le passé et le présent se mêlent dans la confusion des sentiments, l'explosion de la libération/ "roi" maître de lui-même, non plus "sujet" (assujetti) aux reproches de sa femme = évoque la liberté, plus que la puissance
-v2 : atmosphère reflète son bonheur : air/ciel adjectifs épithètes mélioratifs "pur" et "admirable" : retour à la vie, à la respiration, sous-entend le poids et l'étouffement de la relation passée
-v3 : parallélisme avec strophe 1 : v3 et 4 = récit (imparfait "avions" et passé simple "devins") : époque "été", saison exubérante, joie/ "semblable" : même saison pour le meurtre = déclencheur du souvenir : nostaglie? Confusion entre la naissance du sentiment amoureux et l'acte meurtrier : ambiguïté ou paradoxe (voir plus loin dans le poème) / Retour en arrière plus positif : ce qui semble avoir disparu, et ce qui était présent à l'époque : le sentiment "amoureux" avec le pronom personnel "nous" = union
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