Olympe de Gouges et la Déclaration des Droits de la femme et de la citoyenne
Dissertation : Olympe de Gouges et la Déclaration des Droits de la femme et de la citoyenne. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Cogitamus • 16 Juin 2023 • Dissertation • 2 618 Mots (11 Pages) • 258 Vues
Le 3 Novembre 1793 meurt guillotinée Marie Gouze, dite Marie-Olympe de Gouges, pour avoir été l’une des premières à formuler la question féminine de son siècle. La période révolutionnaire, et particulièrement l’année 1790, marque une date importante de la pensée féministe moderne : Condorcet trace en 1788 un Plan de réforme politique et sociale dans lequel il demande publiquement que les femmes puissent participer à l’élection des représentants de la Nation aux États généraux, Théodore Von Hippel publie un ouvrage Sur l’amélioration du sort de la femme au point de vue du droit de cité, Mary Woolstonecraft, en Angleterre, Vindication of the Rights of Women, ouvrage traduit en France dès 1792. Mais Olympe de Gouges incarne sans doute, plus que toute autre femme de la Révolution française, l’aspiration des femmes à l’égalité universelle et des droits civils.
Elle signera en 1791 l’un des documents littéraires les plus exceptionnels, les plus inattendus et qui, à défaut de faire date dans l’histoire politique, fera incontestablement date dans l’histoire des idées : une Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. Ce texte, qu’elle rédigea en 1791 et proposé en vain à l'adoption des législateurs français, est un manifeste d’apparence juridique écrit en miroir de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (articles adoptés en Août 1789). Ce texte prône et réclame l’égalité la plus naturelle et parfaite entre les deux sexes, jusqu'à partager avec ce dernier ses châtiments réservés, comme le droit de monter à l’échafaud. En plus de cette équité en toute circonstance, elle formule le souhait de collaborer avec l’homme et de former une union tenace entre la femme et l’homme.
Notre passage s’étend du préambule, en passant par l’article 1 à 11 de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne au postambule.
Afin de susciter l’adhésion du champ public révolutionnaire, nous verrons si les choix d’écriture d’Olympe de Gouges dans la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne sont efficaces pour combattre les inégalités.
Pour répondre positivement à la question nous verrons dans un premier temps que oui, d’une certaine manière les choix d’écriture d’Olympes de Gouges sont efficaces pour lutter contre les inégalités. Toutefois, ils ne permettent pas d’ancrer entièrement ses idées dans la réalité.
Les choix d’écritures d’Olympes de Gouges sont d’une certaine manière efficaces pour lutter contre les inégalités. D’une part, sa réécriture de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne est hautement symbolique : elle montre que la révolution est incomplète et n’incarne pas l’égalité qu’elle est censée prôner, et qu’il faut ipso facto faire une Révolution dans la Révolution. La division formelle en articles juridiques, ainsi que la rédaction d’un préambule et d’un postambule forcent ici le désir de rendre hiératique cette déclaration afin de lui donner un caractère vraisemblablement juridique et solennel. D’autre part, Olympe de Gouges usite aussi le champ lexical juridique pour appuyer ses propos. Ainsi, dans son préambule : “déclaration” (l.4, 5) ; “droits” (l.2, 6) ; “devoirs” (l.6) ; “institution” (l.8); “constitution” (l.10) ; "Droits” (l. 13). Dans sa Déclaration : “Article” (∞ lignes) ; “droits” (l. 1) ; “réformées” (l.10) ; “droits imprescriptibles” (l.4) ; “souveraineté” (l.6) ; “lois” (l.11, 21) ; “délit” (l.22). De plus, conformément à la volonté d’un texte juridique, Olympe de Gouges en profite pour y édicter sa politique d’égalité sous forme de : normes : “En conséquence, le sexe (...) reconnaît et déclare (...) les Droits suivant de la femme et de la Citoyenne” (l.11 à 13 du Préambule) ; et de règles générales et impersonnelles : “Considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de la femme sont les seules causes des malheurs public et de la corruption du gouvernement, ont résolu d’exposer dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de la femme” (l.2 à 4 du Préambule). Ainsi, Olympe de Gouges use d’une écriture normative créant des effets de droit, légitimant et donnant force de loi à son combat contre les inégalités.
D'autre part, elle n’hésite pas à sortir du cadre juridique en devenant plus rhétorique et polémique, tout en mettant en valeur le rôle des femmes, leurs libertés politiques ou encore pour exposer ses principes égalitaristes ; procédant à l’incitation de la femme à la conquête de leurs droits grâce à de nombreux procédés. Par exemple, dans son Préambule Olympe de Gouges à recours à une figure de rhétorique efficace pour marquer la faiblesse de son ennemi et ainsi canaliser la lutte féminine vers cet ennemi commun : La stratégie redoutable de l’épouvantail, c’est-à-dire prêter d’avance à un adversaire des arguments ou des intentions qu’il tiendrait de manière hypothétique ou vraisemblable, ainsi : “Es-tu capable d’être juste ?” (l.1) ; “tu ne lui ôteras pas moins ce droit” (l.2) ; “opprimer mon sexe” (l.2) ; “il veut commander en despote sur un sexe” (l.13). Et à un portrait péjoratif de l’homme : « Bizarre, aveugle, boursouflé de sciences et dégénéré, dans ce siècle de lumières et de sagacité, dans l’ignorance la plus crasse, il veut commander en despote ». Ces stratégies pas moins pamphlétaires poussent les lecteurs à adopter une attitude active, complice et insurrectionnelle. Dans ces conditions, Olympe de Gouges ne peut qu’appeler les femmes à reprendre la lutte. Par ailleurs, le ton de ce postambule est, en effet, injonctif, déjà à travers l’interpellation initiale de la destinatrice, d’abord au singulier et familièrement avec le tutoiement : « Femme, réveille-toi ». Mais très vite l’appel s’élargit, avec le pluriel, et devient enflammé : « Ô femmes, femmes… » Ajoutons à cela le rôle de l’impératif, qui parcourt le texte : « réveille-toi », « reconnais tes droits », « opposez courageusement », « réunissez-vous », « déployez toute l’énergie de votre caractère ». L’appel gagne donc en énergie, et, dès le début, nous comprenons qu’il s’agit d’une véritable guerre à mener, dont sonne l’alarme : « le tocsin de la raison sonne dans tout l’univers ». De plus, il est à noter une chose très intéressante dans le discours d’Olympe de Gouges dans son Préambule, toujours dans cette volonté frondeuse. En effet, ce que fait Olympe de Gouges est à la fois subtile et percutant : elle opère un détournement du champ symbolique de son époque, en jouant sur l’ambiguïté, les connotations de certains mots ou expressions, permettant de renverser la réalité. Par exemple : “Qui t’as donné le souverain empire ?” (l.2). Ici, Olympe de Gouges fait référence à la fois au sens symbolique général, c’est-à-dire régner en maître, mais dans un sens plus subtile à l’empire du Roi et sa personne, se reportant donc à l’homme, comme le nouvel ennemi à abattre, donc nouvel objet de “Révolution dans la Révolution”. En d’autres termes, se battre pour l’émancipation féminine, c’est continuer la Révolution française. Mais encore : “empire tyrannique” (l.5) ; “despote” (l.13) ; “commander” (l.13) ; “décrets de la nature” (l.10, Postambule), “tyrannie perpétuelle que l’homme lui oppose” (l. 10 à 11, art. 4). De manière implicite ou explicite, puisque nous avons vu qu’il pouvait y avoir deux clés de lecture, Olympe de Gouges parvient à tirer un bilan de la Révolution, très critique, en soulignant une contradiction fondamentale entre les « principes » affichés par les révolutionnaires, et leur application concrète. Mais est-ce malgré tout suffisant pour ancrer ce bilan, acerbe mais véridique, dans la réalité de son époque ? Pourquoi ce texte n’a pas eu l’écho suffisant pour légiférer sur la condition nouvelle qu’Olympe de Gouges souhaitait pour les femmes ?
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