Les Pâtre et le Lion, Jean de la Fontaine
Dissertation : Les Pâtre et le Lion, Jean de la Fontaine. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Chevre Volante • 8 Avril 2024 • Dissertation • 2 481 Mots (10 Pages) • 102 Vues
JE12LT Bertaut Estelle
Dans "Le Pâtre et le Lion", à travers les vers 1 à 20, La Fontaine présente sa vision de la fable, tout en initiant une réflexion sur un genre autrefois perçu comme secondaire.
Dans les deux premiers vers, « Les fables ne sont pas ce qu’elles semblent être : Le plus simple animal nous y tient lieu de maître. », nous pouvons nous apercevoir que le genre de la fable est de prêter aux animaux les qualités et les défauts des hommes, La Fontaine donne ainsi souvent aux animaux le caractère qu’ils avaient traditionnellement chez ses prédecesseurs antiques, Ésope et Phèdre notamment. « Les propriétés des animaux et leurs divers caractères y sont exprimés ; par conséquent les nôtres aussi » L127-128 « Préface ».
Vers 3 et 4 « Une morale nue apporte de l’ennui : Le conte fait passer le précepte avec lui. » Il semble évident qu'une morale présentée seule n'attirerait guère l'intérêt du lecteur. Présenter une morale telle quelle serait équivalent à une simple "maxime", une sentence sans élément attractif pour inciter à sa lecture. Le terme "maxime" a des racines latines, maxima (sententia), signifiant littéralement "la sentence la plus grande". La Fontaine aurait manqué d'innovation s'il s'était limité à condamner des comportements sans explications approfondies, ou s'il avait exposé des morales de manière brute, comme dans le cas de « La raison du plus fort est toujours la meilleure », « Le Loup et l’Agneau » livre I, fable 10, sans en dévoiler toute l'ironie et les nuances. C'est précisément pourquoi ces morales peuvent être déplacées, afin d'en saisir pleinement le sens. Ainsi, la morale représente l'essence de la fable, mais, comme on le sait, une essence demeure invisible si elle n'est pas incarnée dans un récit.
« Du temps d’Ésope la fable était contée simplement ; la moralité séparée, et toujours en suite. Phèdre est venu, qui ne s'est pas assujetti à cet ordre : il embellit la narration, et transporte quelquefois la moralité de la fin au commencement ». « Préface » L156-159
La Fontaine soutient que la morale ou le précepte est plus efficacement transmis lorsque présenté sous la forme d'un récit, d'un conte. En utilisant le terme « fait passer », il suggère que la morale, si elle est directement exposée, peut être difficile à accepter. Ainsi, l'auteur opte pour une approche plus subtile, laissant le lecteur déduire la leçon morale en se divertissant avec le récit. Cette méthode permet à La Fontaine d'éviter une explication claire et directe de ses morales, qui peuvent parfois être controversées les fables ne servent pas uniquement à faire passer une morale : « Elles ne sont pas seulement morales, elles donnent encore d’autres connaissances » N’oublions pas que le conte est un genre à la mode au XVIIe siècle. Il est crucial de noter que La Fontaine adopte la division conventionnelle du genre en deux parties distinctes : une narratif qui relate une histoire spécifique, une anecdote particulière, et une partie plus abstraite ou générale qui tire la moralité de ce récit. « L’apologue est composé de deux parties, dont on peut appeler l’une le corps, l’autre l’âme » (Préface, L144-146). La métaphore du duo "corps" et "âme" est empruntée à un genre très répandu à l'époque de La Fontaine, l'emblème. Ce dernier est composé d'une image représentant une scène picturale, considérée comme son « corps », accompagnée d'un court texte sous forme de devise, considéré comme son « âme ». Ce texte a pour rôle de dévoiler le sens de l'image ou du moins d'orienter son interprétation. On peut assimiler la fable à l'emblème dans la mesure où la partie narrative constitue l'illustration particulière d'un enseignement moral plus général. Ainsi, la fable, à l'instar de l'emblème, se présente comme un genre allégorique qui nécessite une interprétation, un décryptage : le récit n'a de valeur que dans la mesure où il signifie quelque chose de plus universel.
Dans les vers 5 à 7, La Fontaine expose clairement l'objectif de la fable, « Instruire et plaire », en évoquant les Anciens tels qu'Horace, qui considérait que la poésie « éduque, instruit et divertit », ainsi que Boileau dans son Art Poétique. La Fontaine perpétue cette tradition de la fable, mais Olivier Patru ne correspond pas à sa vision. Convaincu que le public recherche la gaieté et la nouveauté, La Fontaine déclare dans sa « Préface » L74-76 : « J'ai pourtant considéré que ces fables étaient sues de tout le monde, je ne ferais rien si je ne les rendais pas nouvelles par quelques traits qui en relevassent le goût. C'est ce qu'on demande aujourd’hui : on veut de la nouveauté et de la gaieté. ». Olivier Patru, membre de l’Académie Française, fondée par Richelieu en 1635 estimait que les strictes exigences de la prosodie et le caractère loquace du français seraient incompatibles avec la concision exigée par l'apologue. La Fontaine affirme : « On ne trouvera pas ici l'élégance ni l'extrême brièveté qui rendent Phèdre recommandable : ce sont des qualités au-dessus de ma portée. Comme il m'était impossible de l'imiter en cela, j'ai cru qu'il fallait en récompense égayer l'ouvrage plus qu'il n'a fait. ». « Préface » L61-65. Selon La Fontaine, la fable relève de l'apologue, offrant le récit d'une aventure assortie d'une morale explicite ou implicite, qui l'illustre, l'éclaire, et en propose le contrepoint. Ainsi, le lecteur est conduit à produire des représentations, à transposer les allégories de la fiction dans le monde des humains afin d'en saisir les mécanismes et les travers. L’attrait de la présentation, favorisé par la mise en vers, et de manière plus générale la transition poétique d’un genre qui était jusque là didactique et prosaïque, joue un rôle crucial pour assurer la réception positive du message moral de la narration.
Abordant la question des fabulistes, La Fontaine déclare avec élégance : « Tous ont fui l'ornement et le trop d'étendue. On ne voit point chez eux de parole perdue. »Vers 9-10 « Le Pâtre et le Lion ». Dans sa préface, L2-7, il aborde le cas d'Olivier Patru, soulignant que les fables se distinguent par leur concision, évitant ainsi les détails inutiles et potentiellement ennuyeux. La brièveté de l'apologue est mise en valeur. La Fontaine poursuit en expliquant : « Ce n’est pas qu’un des maîtres de notre éloquence n’ait désapprouvé le dessein de les mettre en vers : il a cru que leur principal ornement est de n’en avoir aucun ; que d’ailleurs la contrainte de la poésie, jointe à la sévérité de notre langue, m’embarrasserait en beaucoup d’endroits, et bannirait de la plupart de ces récits la brièveté. »
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