La poésie d'Apollinaire est-elle une célébration de la modernité ?

La poésie d'Apollinaire est-elle une célébration de la modernité ?

Vous répondrez à cette question dans un développement organisé en vous appuyant sur Alcools, sur les textes que vous avez étudiés dans le cadre du parcours associé, et sur votre culture personnelle.

Introduction : Rappeler que le recueil date de 1913, qu'il est le fruit d'une élaboration de plusieurs années, et qu'il annonce une certaine modernité poétique, qu'il faut tenter ici de définir pour discuter de sa célébration que propose le sujet.

I - Dans une première partie, on peut insister sur la modernité du recueil, et l'identifier dans ses diverses occurrences : l'abandon de toute ponctuation déjà, signe la modernité car une place nouvelle est donnée au lecteur, celle de co-créateur du poème (« Sous le Pont Mirabeau coule la Seine Et nos amours Faut-il qu'il m'en souvienne » peut ainsi prendre plusieurs sens suivants l'interprétation qu'on en fait). Autre modernité, celle des éléments délibérés de la modernité, comme la mention de la Tour Eiffel dès le « Zone » inaugural, des « ouvriers et des belles sténo-dactylographes » par exemple. Il joue aussi avec le langage parlé, qui dynamise la langue (le « Julia la mam'zelle » de « Schinderhannes » par exemple), et avec la disposition sur la page des vers (« Le Pont Mirabeau »).

II - Une deuxième partie pourrait cependant s'interroger sur la célébration de cette modernité alors que le recueil Alcools, après l'éclat de « Zone » qui rappelle un peu la « Prose du Transsibérien » de Blaise Cendrars composée à la même époque, et dont Apollinaire s'est inspiré, propose pourtant des formes très classiques : des quatrains (« Crépuscule », « Clothilde », « Salomé », « Saltimbanques »), des alexandrins (« La Porte », « Nuit rhénane »,

« L'Ermite » ...), des rimes régulières. Les thèmes mêmes, comme ceux de l'amour, la tristesse, l'errance, qui parcourent le recueil, ne sont pas modernes non plus. Apollinaire mêle donc, à une célébration de la modernité, une pratique poétique et des thèmes plutôt traditionnels.

III - Et une troisième partie pourrait alors expliquer que, paradoxalement, la modernité poétique d'Apollinaire célèbre pourrait consister finalement dans la proposition d'une alliance entre l'ancien et le moderne. Ainsi, il n'hésite pas à recourir à des légendes celtes (« Merlin et la vieille femme ») ou nordiques (« La Lorelei »), à faire appel à des références millénaires (l'Antiquité des Hébreux, des Egyptiens dans « La Chanson du mal-aimé », Jésus-Christ ou Chanaan et Barrabas dans « Réponse des Cosaques » par exemple); mais son traitement heurté de la rime, ses images inédites, rafraîchissent ces références anciennes.

Pour conclure, si Apollinaire peut célébrer « la grâce » d'une « rue industrielle », ce n'est jamais que parce qu'à cette fraîcheur de la nouveauté fait écho une épaisseur antique des temps antérieurs. Et même si « tu en as assez de vivre dans l'antiquité grecque et romaine », c'est son souvenir persistant qui permet à la modernité d'acquérir une certaine beauté.

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