Cinna de Corneille
Dissertation : Cinna de Corneille. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Elia Dahmani • 1 Décembre 2023 • Dissertation • 1 333 Mots (6 Pages) • 182 Vues
Dans la préface de Cinna de Corneille, Georges Forestier écrit "Cette quête de la reconnaissance littéraire, permet de comprendre que Cinna puisse représenter l’ultime effort de Corneille vers la perfection formelle.” (Éd. Gallimard, 2005). Dans cette déclaration, nous touchons au cœur de la force de Cinna. En effet Corneille ne respectait pas les règles de bienséance. Suite à sa crise personnelle et littéraire bercée de remises en question subit après le Cid, Corneille va progresser vers un certain classicisme avec un souci certain de l'héroïsme. Rappelons que Cinna apparaît dans le premier acte comme gardien des valeurs républicaines contre le tyran sanguinaire Auguste mais peu à peu le visage de Cinna change avec sa prise de position hypocrite motivée par des fins privées alors qu’Auguste se transforme en un personnage de plus en plus généreux vers le pardon final. Notre scène est donc essentielle puisqu’elle prépare à ce pardon au travers de l’argumentation de Livie qui incite à la clémence d’Auguste, à noter que « La clémence d’Auguste » reste le sous-titre de la pièce. La citation de Georges Forestier nous conforte dans l’idée que Cinna s’inscrit dans une volonté de l’auteur d’appliquer, cette fois, un respect des règles. Avec pour objectif une “perfection formelle”.
Dans cette optique, nous allons analyser la scène III de l’acte IV. Cette scène fait suite au monologue d’Auguste qui se retrouve déchiré entre plusieurs décisions qui mènent vers des chemins opposés : abandonner le pouvoir ou condamner ses amis. Alors que le monologue de la scène précédente sous-entendait une idée de clémence, celle-ci se retrouve au centre de notre extrait par le biais du personnage de Livie. En effet, Auguste nous apparaissait comme un personnage pathétique épris d’un dilemme cornélien et c’est bien les conseils de Livie qui l'amènent vers cette prise de décision difficile.
Il s’agira ainsi de déterminer dans quelle mesure Corneille parvient à donner au personnage d’Auguste, pris dans le dilemme tragique, la grandeur de sa stature sans pour autant qu'en pâtisse la force de ce dilemme. Après avoir exploré la construction de ce dilemme selon les schémas classiques, le renoncement de la violence concernant les solutions proposées sera abordé. Enfin, le retour de la grandeur historique des personnages de la scène, conservateur de leurs forces tragiques.
Avant toute chose, nous pouvons observer que le dilemme d’Auguste se construit selon des schémas classiques. Ces schémas sont installés notamment grâce à une mise en place minutieuse de la rhétorique. En effet, Livie cherche à convaincre au travers d’une forme de persuasion. Elle fait effectivement appel à la peur et à l'amour d’Auguste, donc à ses sentiments. En plus d’utiliser l’amour du père envers son fils pour le persuader, ses paroles mettent en avant un champ lexical du pardon (“ sa peine ” “ son pardon ” “ clémence ”) qui expose indirectement le but de cette dernière et révèle l’empathie du personnage. Par ces termes, Livie tente d’atteindre Auguste comme le souligne l’emploi de déterminants possessifs (“sa” “son”) qui cherche à jouer avec les sentiments d'Auguste et à, indéniablement, l’impliquer dans leur mécanismes. Sa douceur semble propre au conseil féminin. La dimension argumentative dans cette scène est également importante. On retrouve en partie le champ lexical du conseil avec la question rhétorique “Mais écouteriez-vous les conseils d'une femme ?” ainsi que l’usage de l’impératif dans “Faites son châtiment de sa confusion” et “Cherchez le plus utile en cette occasion” qui semble toutefois mettre en avant les intérêts d’Auguste.
Cette persuasion nous amène à une issue nécessairement tragique, de par l’approche de l’argumentation en effet au fil des vers nous nous rapprochons de la “sentence” finale. Mais également par les enjeux de cette scène, c'est-à- dire défendre le sort de Cinna. L’ambiance de la scène est lourde et pesante, on peut sentir une véritable tension comme le laisse supposer le rythme rapide engendré par l’utilisation répétitive des virgules, une aération volontaire du discours.
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