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Corneille, Cinna

Commentaire de texte : Corneille, Cinna. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  21 Avril 2023  •  Commentaire de texte  •  2 719 Mots (11 Pages)  •  301 Vues

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INTRODUCTION

Après la mort de Jules César, son fils adoptif Auguste devient le premier empereur romain. L’histoire de cette prise de pouvoir et des réactions qu’elle a provoquées a inspiré de nombreux écrivains européens, parmi lesquels Pierre Corneille, un célèbre dramaturge du XVIIe siècle. Dans sa pièce Cinna représentée pour la première fois en 1641, l’auteur s’intéresse au règne de cet empereur tout-puissant, qui symbolise pour le peuple romain le renouveau de la puissance de Rome. Dans cet extrait de l’acte II scène 1, Cinna et Maxime, qui complotent contre Auguste depuis le premier acte, sont convoqués au palais. Ils sont alors persuadés que l’empereur a découvert leur intention cachée et qu’il souhaite les punir. Mais tout au contraire, épris de doutes et bien las de ce qui se trame derrière lui, celui-ci consulte ses plus proches confidents afin de leur demander conseil sur le choix décisif qui se présente à lui : régner ou abdiquer. Comment Auguste, un grand homme de pouvoir, est-il confronté à un dilemme cornélien remettant en cause le destin de l’Empire romain ? Nous verrons que si cette tirade tragique illustre effectivement la suprématie du premier empereur romain, alors le dramaturge confronte Auguste à un choix qui oppose le désir de gouverner et les sentiments. De tout cela découle une réflexion poétique sur le passé et la nature insatisfaite de l’Homme, révélant une étonnante fragilité chez le personnage. 

  1. UNE TIRADE TRAGIQUE POUR ILLUSTRER LA SUPREMATIE DE L’EMPEREUR

Cet extrait de Corneille présente toutes les caractéristiques d’une tirade tragique, dont la fonction première est d’illustrer la suprématie d’Auguste. 

  1. Un discours qui plonge le spectateur dans une ambiance dramatique

Ainsi, les premiers vers de ce discours plongent le spectateur dans une ambiance dramatique. En effet, il s’agit ici de la première apparition du véritable héro dans la pièce, apparition tardive puisqu’elle survient au deuxième acte et qui a donc créé une attente chez le spectateur. L’emploi de l’impératif « demeurez » (v.2) puis cette lutte contre le destin « L’un m’invite à le suivre, et l’autre me fait peur » (v.33) sont caractéristiques du registre tragique. Le fait qu'il ait demandé de parler à Cinna et Maxime seul à seul « Que chacun se retire, et qu’aucun n’entre ici » (v.1) à travers un parallélisme syntaxique intensifie la tension dramatique. De plus, cette longue suite de vers n’est jamais interrompue par un de ses interlocuteurs, preuve de respect pour l’empereur mais aussi signe d’une certaine appréhension de la part des deux jeunes nobles, craignant d’avoir été démasqués. Cette peur que le spectateur devine rend le discours de l’empereur décisif pour la suite de l’intrigue.

  1. L’empereur fait l’éloge de sa toute-puissance

Par ailleurs, l’empereur profite de l’attention de ses plus proches confidents pour faire l’éloge de ses accomplissements et de l’immensité de son pouvoir. Il leur rappelle tout ce qu’il a apporté à la puissance romaine et tous les sacrifices qu’il a fait pour parvenir à ce titre « cet illustre rang, / Qui m’a jadis coûté tant de peine et de sang » (v.5-6). Il décrit lui-même sa puissance comme un « empire absolu sur la terre et sur l’onde » (v.3), une « grandeur sans borne » (v.5), « un illustre rang » (v.5) une « haute fortune » (v.7) ou encore « ce pouvoir suprême » (v.23). Toutes ces périphrases glorifient le règne d’Auguste au moyen d’adjectifs mélioratifs, de superlatifs ou encore de la négation restrictive « sans », qui suggère que son pouvoir n’a pas de limite, qu’il s’applique sur tous « que j’ai sur tout le monde » (v.4). Il s’auto-déclare invincible et ingénieux « J’ai souhaité l’empire, et j’y suis parvenu ; » (v.17). De même, le locuteur manifeste sa présence par l'emploi récurrent de pronoms de la première personne « je » (v.18), « m’ » (v.6), « me » (v.33) et des déterminants possessifs tels que « mon » (v.24) ou « ma » (v.7). Cet éloge à soi-même que l’empereur formule contraste avec les doutes qui le rongent. 

  1. Une conjuration qui accentue l’ironie tragique

S’ajoute à cet éloge d’Auguste une ironie tragique causée par la conjuration entre Cinna et Maxime, dont le spectateur a connaissance depuis le premier acte. Bien las du complot mis en œuvre par ses interlocuteurs, l’empereur se confie à cœur ouvert sur ses doutes et ses sentiments, révélant un tout autre visage du tyran sanguinaire décrit par les autres personnages depuis le début de la pièce. Le second vers « Vous, Cinna, demeurez, et vous, Maxime, aussi. » suivi de la didascalie le traduisant souligne cette confiance accordée aux deux jeunes nobles : l’empereur est crédule, il se prépare à livrer des informations essentielles sur l’avenir de l’empire à des personnages qui complotent contre lui. En bon souverain, Auguste est franc, sincère et confiant, mais il fait également preuve d’une naïveté étonnante sans le savoir, en s’adressant ainsi à des traîtres. Ce qui souligne l’horreur du complot et plus largement l’ironie de la scène, c’est que le spectateur dispose d'informations essentielles à l’empereur que ce dernier ignore : il en sait plus qu’Auguste alors que ce-dernier est censé être le personnage central de cette scène.

Le recours au tragique et la description de la suprématie d’Auguste permettent également de mettre en évidence le dilemme auquel il est confronté et qui le torture.

  1. LE DILEMME CORNELIEN : REGNER OU ABDIQUER ?

Auguste est confronté à un dilemme cornélien, thème emblématique des pièces de l’auteur du même nom. Comme le veut la tradition, le héros est alors contraint de choisir entre ses devoirs et ses sentiments.

  1. Les côtés positifs de la conservation du pouvoir

Centrale dans cette tirade, la question politique est d’abord abordée d’un regard positif de la part du souverain. En effet, bien que las de son statut d’empereur, il reconnaît avoir accès à de nombreux privilèges et pouvoirs qu’il regretterait de quitter. Avant d’annoncer sa volonté d’abdiquer (v.16), Auguste se rappelle à lui et à ses interlocuteurs ce qui le rattache à poursuivre son règne, à savoir cette dimension illimitée, immense de la puissance. Il lui sera en effet difficile de renoncer à tous ses pouvoirs qu’il a « sur la terre et sur l’onde » (v.3), d’autant plus qu’il a longtemps souhaité atteindre ce rang et a tout fait pour y parvenir, même tué « Qui m’a jadis couté tant de peine et de sang » (v.6). Sa puissance inégalable est donc une partie de ce pourquoi il a souhaité être empereur « j’ai souhaité l’empire » (v.17). Ce statut lui offre aussi une  « haute fortune » (v.7) qu’il adore tout « comme un courtisan flatteur la présence importune » (v.8), il est donc est fier de son statut de souverain. Ces éléments nous permettent à nous spectateur de savoir ce que lui aime de son rang, ce qu’il lui apporte de bénéfique et ainsi de mieux comprendre pourquoi ce choix est si compliqué pour lui. La conjonction adversative « mais » (v.17) indique cependant un changement d’opinion, de point de vue sur son règne.

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