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Toute vérité est-elle bonne à dire ?

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Par   •  24 Octobre 2024  •  Dissertation  •  2 350 Mots (10 Pages)  •  43 Vues

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Toute vérité est-elle bonne à dire ?

« On peut tout dire en plaisantant, même la vérité » (Freud, Considérations actuelles sur la guerre et sur la mort). Cette phrase illustre le malaise que lon peut ressentir à l’écoute dune vérité souvent perçue comme blessante, dérangeante voire nuisible, aussi bien pour celui qui la reçoit que pour celui qui la dit.

La vérité renvoie tout dabord à la notion de correspondance avec la réalité ; est vrai ce qui est conforme à ce qui est. Elle peut aussi désigner la véracité ou de lhonnêteté. Ce second sens de vérité renvoie à ce quil faut dire si lon veut respecter son devoir (moral, civique, etc), tandis que la première se rapporte au champ épistémologique (qui comprend les notions de science, nature et vérité). Enfin, on peut entendre par « vérité » un certain absolu, le principe premier du monde et lhorizon ultime de toute connaissance, que chaque homme aspire à connaître. Cette vérité est celle des religions monothéistes (quelles appellent « Dieu ») aussi bien que la vérité des philosophes (le soleil platonicien de la Caverne). On appellera cette dernière la vérité métaphysique. Le « tout » renvoie quant à lui à un caractère de totalité, qui peut être soit quantitatif (toutes les vérités) ; soit qualitatif (la vérité dans son intégralité, entièrement). Enfin, on entend par « bonne » ce qui est agréable ; toute vérité nest pas toujours agréable à dire. Cet adjectif revêt surtout une dimension morale : il est moralement bon de dire la vérité, quelles quen soient les conséquences, même si (et dautant plus), quelle nest pas agréable à entendre. Enfin, on pourrait considérer que la vérité libère dun poids psychologique ; dans ce cas, dire ou entendre la vérité procurerait un soulagement ; elle débarrasserait du sentiment de la culpabilité que lon ressent si on la garde pour soi (ou, dans des cas plus rares, de ne pas lentendre).

Dun côté, dire la vérité suppose que lon apprenne quelque chose à autrui. Dans ce cas, on se demande sil est légitime (moralement, pour son bien-être, etc) quil lapprenne. Cela dit sommes-nous nous-mêmes habilités à dire cette vérité ? La connaissons-nous vraiment nous-mêmes ? Sommes-nous nécessairement plus « malins » que les autres ? En disant la vérité à quelquun qui lignore totalement, ne risquons-nous pas de faire « pire que mieux » (cela peut le choquer et provoquer des conséquences irréversibles) ? Dun autre côté, on sait que certaines vérités sont immédiatement connues par lesprit humain, de manière immédiate. Ainsi, je sais intuitivement que jexiste (cogito), et je nai besoin daucune aide extérieure pour réaliser des opérations mathématiques simples. Enfin, lorsquon fait une action moralement répréhensible, ne peut-on pas se sentir coupable, car on sait quon a fait le mal ? On connaît immédiatement la vérité sur la nature de nos actions, même si on se la cache à nous-même par mauvaise foi. Dans les deux cas, il semble que nous soyons dans une impasse. Si la vérité nest pas assez connue, et que la personne nest pas prête à être entendue (ou être dite), à quoi bon dire la vérité ? Mais si la vérité est au contraire trop connue, à quoi bon la dire également (à part renforcer le malaise de celui qui lentend) ? Il semble donc que dire la vérité nait de pertinence que dans un « entre-deux » de lignorance et de la connaissance chez celui qui la reçoit.

La question se pose donc : la vérité doit-elle être révélée, ou se manifeste-t-elle delle-même ?

Nous verrons dans un premier temps que dire la vérité simpose à nous comme un devoir, et revêt ainsi un caractère inconditionnel ; avant de nuancer cette idée en soulignant le caractère potentiellement destructeur et nuisible de ce souci de transparence. Enfin, nous

montrerons que dire la vérité, pour conserver son caractère édifiant, constructif, doit se faire en tenant compte des circonstances dans lesquelles on la dit, et surtout dans le respect de ce que la vérité dit delle-même.

I. Il faut toujours chercher à dire la vérité, car celle-ci est toujours pour autrui

A) Le caractère potentiellement dérangeant de la vérité ne doit pas nous empêcher de la

dire

Sil est fréquent de constater des attitudes de gêne voire même de rejet face à une vérité souvent perçue comme dérangeante, il ne faut pas néanmoins que ces attitudes nous empêchent de dire la vérité. Au contraire, il semblerait même que plus elle est dérangeante, plus il faut la dire, car elle est susceptible de faire progresser ceux qui lentendent, même sils ne veulent pas ladmettre. Lexemple historique de Galilée, qui martèle la vérité scientifique de lhéliocentrisme contre les Jésuites de la sainte Inquisition, est sur ce point éloquent : sa persévérance a permis à la science (et donc aussi à lhumanité) de progresser. Or ceci mérite quon se batte pour elle. Comme va jusqu’à le dire Freud, la vérité doit être intolérante : « Du point de vue de la science, comment ici ne pas critiquer, rejeter et démentir ? Il est inadmissible de prétendre que la science nest que lune des branches de lactivité psychique humaine et que la religion et la philosophie en sont dautres, au moins aussi importantes, où la science na rien à voir. Cest là une opinion jugée extrêmement élégante, tolérante, large et dénuée de préjugés mesquins ; malheureusement, elle savère insoutenable (...) En effet, la vérité ne peut pas être tolérante, elle ne doit admettre ni compromis ni restrictions. La science considère comme siens tous les domaines où peut sexercer lactivité humaine et devient inexorablement critique dès quune puissance tente den aliéner une partie » (Nouvelles Conférences sur la psychanalyse).

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