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Ethique de la discussion

Lettre type : Ethique de la discussion. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  23 Septembre 2024  •  Lettre type  •  3 840 Mots (16 Pages)  •  45 Vues

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Mykérinos Paterne ANATO

ETHIQUE DE LA DISCUSSION

Fiche de lecture : La Mésentente (Jacques Rancière)

  1. Présentation de l’auteur

Né en 1940 à Alger, Jacques Rancière est philosophe, professeur émérite à l’Université de Paris VIII (Saint-Denis). Elève de Louis Althusser, dont il s’est rapidement démarqué, il s’est particulièrement penché sur l’émancipation ouvrière et les utopistes du XIXème siècle, tout en voyageant régulièrement aux Etats-Unis. Animateur, avec d’autres intellectuels comme Jean Borreil, Geneviève Fraisse, Daniel Lindenberg ou Arlette Farge, du collectif et de la revue Révoltes logiques de 1975-1981, il a notamment publié La Nuit de prolétaires. Archives du rêve ouvrier. (Fayard 1981), le philosophe et ses pauvres (Fayard 1983) et le Maître ignorant (Fayard 1987) -ouvrages dans lesquels il élabore une philosophie de l’émancipation reposant sur la critique de la traditionnelle distinction entre savants et ignorants, et plus largement sur le refus de toute assignation identitaire.

Aujourd’hui très reconnu sur la scène internationale, Jacques Rancière a développé une pensée originale du politique, qui postule la possible participation de tous à l’exercice de la pensée, donc au gouvernement de la cité. Dans la Mésentente. Politique et philosophie (Galilée, 1995), puis Aux bords du politique (La Fabrique, 1998), ou encore La Haine de la démocratie (La Fabrique, 2005), il s’élève tout autant contre l’idée du peuple comme masse brutale et ignorante que contre « l’idylle consensuelle » de la « post démocratie-pour privilégier une approche de la communauté politique comme « communauté du litige ». Cinéphile, proche des Cahiers du cinéma, Jacques Rancière a également publié toute une série d’ouvrages sur les rapports entre esthétique et politique, dont le Partage du sensible. Esthétique et politique (La Fabrique, 2000), Le Spectateur émancipé (La Fabrique, 2008), Malaise dans l’esthétique (Galilée, 2004) ou encore Aisthesis, Scènes du régime esthétique de l’art (Galilée, 2012)

  1. Présentation de l’œuvre

Dans cet essai divisé en six (06) chapitres précédés d’un avant-propos, Jacques Rancière part d’une interrogation sur le rapport ambigu entre la vitalité actuelle de la philosophie politique et le relatif « absentement » de la politique dans nos sociétés contemporaines. Alors que se répand « l’opinion désenchantée qu’il y a peu à délibérer et que les décisions s’imposent d’elles-mêmes » (le travail de la politique n’étant plus que « d’adaptation ponctuelle aux exigences du marché mondial »), l’auteur revient aux textes fondateurs d’Aristote et Platon pour rappeler ce qu’est selon lui la politique « l’activité qui a pour principe l’égalité » et, de ce fait même, « un objet scandaleux (…) qui a pour rationalité propre la mésentente ». (P. 11)

Est d’abord précisé ce qu’il entend par mésentente : « un type déterminé de situation de parole : celle où l’un des interlocuteurs à la fois entend et n’entend pas ce que dit l’autre » (p. 12). La mésentente n’est pas le conflit entre celui qui dit blanc et celui qui dit noir » ; « elle n’est pas non plus le malentendu reposant sur l’imprécision des mots ». Elle se distingue de ce que Jean-François Lyotard a conceptualisé sous le nom de différend, parce qu’elle ne porte point sur les seuls mots (que les uns ou les autres ne comprendraient pas), mais bien « sur la situation même de ceux qui parlent » ; un point essentiel que l’auteur va développer tout au long de l’ouvrage.

Notre fiche de lecture s’intéressera au chapitre de l’archi politique à méta politique ‘’démocratie ou consensus ; la politique à l’âge nihiliste.

  1. Analyse de l’œuvre
  1. Démocratie ou consensus

Après un chapitre consacré à éclairer le rapport entre la philosophie et la politique, dans lequel il explique comment l’on est passé de la politique des philosophies antiques à « l’idylle théorique » qui prône « la réalisation du bien commun par le gouvernement éclairé des élites appuyé sur la confiance des masses », Jacques Rancière va montrer les limites de cet état du politique « qui se donne généralement le nom de démocratie consensuelle » - et qu’il propose de nommer « post démocratie. » (P. 135) D’un côté, remarque-t-il, on entend partout « proclamer le triomphe de la démocratie, corrélatif de l’effondrement des systèmes totalitaires » ; d’un autre, on observe, dans le système politique français par exemple, « une dégradation continue de la représentation parlementaire, l’extension des pouvoirs politiques d’instances non responsables (experts, juges commissions), l’accroissement du domaine réservé au président et d’une conception charismatique de la personne présidentielle ». Ce qui est pour le moins paradoxal : la victoire de la démocratie dite « formelle » (opposée à la démocratie « réelle » prétendument mise en œuvre par les systèmes totalitaires) s’accompagne d’une d désaffection à l’égard de ses formes. Par ailleurs, au moment même où la démocratie semble renoncer à se poser comme le pouvoir du peuple, celui-ci fait retour dans nos sociétés, sous une forme imprévue. « A la place des peuples rousseauiste et marxiste congédies, apparaît un peu partout un peuple ethnique fixé comme identité à soi, comme corps un et constitué contre l’autre. »

Pour éclairer ce double paradoxe, Jacques Rancière propose de revenir à la définition même de la démocratie, telle qu’elle a « provoqué » initialement la philosophie politique. La démocratie, affirme-t-il, n’est pas un ensemble d’institutions ou un type de régime parmi d’autres, mais « une manière d’être du politique » (p.142). 3, le mode spécifique d’un être ensemble humain » -celui précisément qu’il a exposé plus haut. Elle n’est pas le régime parlementaire ou l’Etat de droit ; pas plus que le règne de l’individualisme ou celui des masses. « La démocratie est le nom d’une interruption singulière de [l’] ordre de la distribution des corps en communauté » (p.139) _ cet ordre que l’auteur a proposé de conceptualiser sous le terme de police. Il y a démocratie, selon lui s’il y a premièrement » une sphère spécifique d’apparence du peuple » ; deuxièmement « des acteurs spécifiques de la politique qui ne sont ni des agents du dispositif étatique ni des parties de la société », mais « des collectifs qui déplacent les identifications » ; et troisièmement « un litige conduit sur la scène de manifestation du peuple par un sujet non identitaire ». Ces formes de manifestation de la démocratie ne sont nullement indifférentes aux dispositifs institutionnels du politique, à l’existence d’assemblées élues, de garanties des libertés d’exercice de la parole, de dispositifs de contrôle de l’Etat ; elles s’en servent (pour troubler l’ordre de la police), y trouvent des conditions de leur exercice et les modifient en retour. Mais elles ne s’y identifient pas.

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