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Sommaire discours de la réduction de Paris (1594)

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Par   •  15 Février 2025  •  Commentaire de texte  •  3 208 Mots (13 Pages)  •  15 Vues

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Sommaire discours de la réduction de Paris (1594)

La mémoire des  troubles derniers, émus en ce royaume sous le nom de La Ligue, est encore si fraîche et récente, que tous ceux qui en ont pu réchapper peuvent témoigner avec vérité que le principal dessein des chefs de cette émotion était d'empiéter le sceptre et la couronne, et en priver, sous un spécieux et néanmoins faux prétexte de religion, les princes de la maison de Bourbon, auxquels pur droit héréditaire le royaume appartenait après le décès du roi Henri III, qui était resté seul mâle de la  royale lignée de Valois. Mais Dieu, qui pénètre au-dedans  des   pensées  et  intentions  des  hommes, et dissipa leurs mauvais conseils, n'a pas permis que ce dessein réussit, ainsi qu'il avait été projeté, ayant confondu ceux qui en étaient Ies principaux auteurs et promoteurs, et conservé ce précieux héritage aux légitimes successeurs du roi très chrétien S. Louis, fils aîné de l’Eglise ; car, après  le détestable  parricide commis en la personne du défunt roi de très heureuse mémoire, le très valeureux et invincible Henri IIII, lors seulement roi de Navarre, comme représentant l’aîné de la branche de Bourbon descendue en droite ligne de S. Louis, recueillit et entra en possession de ce royaume désolé, que son prédécesseur lui avait laissé, suivant la loi salique fondamentale de cet état, dès le 2 août 15S9. En la conduite et gouvernement duquel il été continuellement assisté de la faveur et grâce spéciale de Dieu, de sorte qu'il a obtenu et gagné contre les ennemis et sujets révoltés plusieurs signalées victoires et batailles   mémorables, et nonobstant leurs pernicieux efforts et malheureux  attentats il a miraculeusement reconquis toutes ses villes rebelles, et enfin, après avoir courageusement surmonté infinies traverses et difficultés et résisté prudemment aux tirages et bourrasques contraires, il est, au neuvième an de son règne et quarante cinquième de son âge, demeuré paisible en son royaume, où il est reconnu, chéri et aimé de ses sujets, comme  pire très débonnaire  et restaurateur de la liberté française, et s'est rendu redoutable aux étrangers comme un foudre de pierre, et hissé sa mémoire à jamais recommandable à la postérité par sa clémence non pareille et par ses prouesses et autres vertus héroïques, ce qui mérite un discours de plus forte haleine et de plus grande étendue que celui-ci.

Pour venir au particulier de cette histoire, il convient entendre qu’après la conversion du roi, tant désirée par ses bons sujets, et profession publique, par lui faite à St-Denis, le 25 juillet 1593, de la religion catholique, apostolique et romaine, et qu'il eût été oint et sacré en la ville de Chartres, le 27 février 1594, par Messire Nicolas de Thou, évêque du lieu, l'obstacle et empêchement mis en avant par les séditieux et rebelles fût ôté et le prétexte levé, de sorte que les Français qui étaient demeurés es villes liguées, et qui s'étaient laissé emporter à cette opinion qu'il ne fallait reconnaître pour roi celui qui était dévoyé de la religion ancienne de nos aïeux, commencèrent à déciller les yeux et voir clair aux affaires, et à souhaiter un gouvernement monarchique et royal, au lieu qu'ils avaient vécu ou plutôt langui l'espace de cinq ans, en une oligarchie ou, pour mieux dire, anarchie et confusion tyrannique. Et de lui, les villes de Meaux, Lyon, Orléans, Bourges, Aix-en-Provence et Pontoise, ayant volontairement quitté et secoué le joug espagnol, et goûté la douceur de la domination de notre roi légitime, frayèrent le chemin aux habitants de cette grand'ville capitale du royaume et siège principal des rois très chrétiens, pour faire de même.

Cette entreprise ne pouvait être exécutée à force ouverte, sans une horrible effusion de sang, ni sans jeter la ville en hasard d'une totale ruine et désolation, parce que les garnisons qui y étaient, tant de soldats français qu'étrangers, la tenaient, en misérable servitude. On eut donc recours à une surprise. Le duc de Mayenne, avec sa femme et son fils aîné, s'était retiré à Soissons des le 6 de mars, l'absence duquel rendit l'exécution plus facile de ce qui avait été entrepris. L'ordre qu'on devait tenir en la réduction fut arrêté et porté au roi, qui était à Senlis, et fut résolu par Sa Majesté que l'exécution s'en  ferait la mardi 22 du même mois, dès le point du jour, et, pour faciliter la tour, on fit courir un bruit de paix accordée entre le roi et le duc de Mayenne, et, le 21 mars au soir, furent envoyés des billets signés Lhuillier et Langlois en forme de mandements aux principaux des quartiers, qu'on savait être affectionnés à la paix, et qui chérissaient encore en leurs âmes la blancheur des fleurs de lis, par lesquelles ils étaient avertis de l'accord, et priés de s'armer avec leurs amis pour tenir main forte à l'introduction des députés de part et d'autre qui se présenteraient le lendemain au matin pour la publication de la paix et résister aux  Espagnols  et aux mutins et factieux qui s’y voudraient opposer. Et ainsi qu'il avait été mandé, ainsi fut fait.

Le mardi 22 de mars, le roi, vraiment martial, accompagné de ses troupes, qui étaient composées d’environ quatre mille hommes,   tant de  cheval   que de pieds, vint de S.Denis aux Tuileries. Et, aux environs de Paris, il lui fut rapporte que les portes Neuve, S. Honoré et S. Denis étaient ouvertes ; que à la première, était le Sr comte de Brissac gouverneur de la ville ; à la seconde, était l’échevin Néret, avec ses enfants, et à la troisième, le Sr Langlois ; et furent ces trois portes en même temps livrées aux troupes de Sa Majesté, qui entra glorieusement en sa ville par la même porte par laquelle, six ans auparavant, savoir le lendemain des Barricades, 13 mai 1588, on avait vu tristement sortir son prédécesseur. Et le roi, étant entré, donna son écharpe blanche au Sr de Brissac, qu'il honora en l'accolant du titre de maréchal de France, et reçut les clefs des portes, qui lui furent présentées par le Sr Lhuillier, prévôt des marchands, et s’assura de toutes les places fortes en moins de deux heures, et cette réduction fut faite sans aucun désordre, sans pillage et sans meurtre ni effusion de sang, ni perte d'hommes.

Extrait d'un recueil de documents sur la Ligue, constitué par Pierre de L'Estoile, bourgeois de Paris.

Introduction :

L’auteur, Pierre de L’Estoile, est un « Politique » notoire favorable à la reconnaissance du roi Henri IV. Homme de loi, audiencier du Parlement de Paris, il est l’auteur d’un journal des règnes de Henri III et de Henri IV qui rendent compte des vicissitudes de la capitale dans les années les plus sombres.

Le témoignage de Pierre de L’Estoile intervient en 1594 après le sacre du roi Henri IV. Cet événement, qui intervient quelques mois après l’abjuration du roi, achève de ruiner les options politiques des Ligueurs les plus radicaux puisque la France a désormais un roi catholique. Ce tournant s’inscrit également dans un contexte socio-économique désastreux qui favorise le développement d’un camp de la paix de plus en plus nombreux.

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