Les Juifs en Méditerranée de 1798 à 1956
Dissertation : Les Juifs en Méditerranée de 1798 à 1956. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Johanna Felter • 26 Février 2018 • Dissertation • 8 045 Mots (33 Pages) • 613 Vues
DISSERTATION D’HISTOIRE
Sujet : Les Juifs en Méditerranée de 1798 à 1956
Depuis la destruction du Second Temple au Ie siècle après JC, la communauté juive se caractérise par la dispersion. À la fin du XVIIIe siècle, on la divise en deux grands ensembles : les Ashkénazes situés plutôt en Allemagne et dans l’Europe de l’Est (Autriche-Hongrie et Russie) et les Séfarades installés dans la péninsule ibérique et dans les pays du Maghreb et du Mashrek sous domination ottomane. Délimiter l’étude à l’espace de la Méditerranée revient donc à s’intéresser au sort des Juifs des pays qui bordent la Méditerranée mais surtout aux flux de population, qui seront constants tout au long de la période étudiée, entre l’Europe et le Levant (la Palestine en particulier).
Voilà pourquoi c’est la notion de mouvement qui pourra caractériser la situation des Juifs de 1798 à 1956 : un mouvement vers l’émancipation politique qui s’incarnera à travers ce mouvement migratoire vers la « Terre Sainte » que représente Eretz Israël. On peut donc dégager trois grandes phases chronologiques qui constituent différentes étapes vers la construction identitaire de ce « peuple paria ». Une première période de 1798 à 1870 peut être associée à l’émancipation politique, suivie d’une période plus sombre où le peuple juif se trouve confronté à un phénomène global d’exclusion, qui débute à la fin des années 1870 avec l’émergence de l’antisémitisme en Allemagne et se prolonge jusqu’à la Première Guerre mondiale. Enfin, une troisième période pourrait être délimitée, qui se consacre à la naissance d’Israël et les phénomènes qui en sont dérivés (sionisme, colonisation de la Palestine), elle commencerait dès 1917 avec la déclaration de Balfour et s’étendrait jusqu’à la fin de la période.
Malheureusement, l’histoire du peuple juif ne peut être décomposée si distinctement et bien que ces trois thèmes décisifs semblent découler l’un de l’autre successivement, ils se chevauchent tout au long de la période. Arnold Toynbee a ainsi insisté sur le fait que seul « une approche civilisationnelle complexe » permet de comprendre la société juive et son évolution.
Par conséquent, nous pouvons nous demander dans quelle mesure la période qui s’étend de 1798 à 1956 est celle d’un construction identitaire de la civilisation juive.
Nous verrons dans un premier temps comment le peuple juif bénéficie d’une vague d’émancipation juridique et d’assimilation aux sociétés européennes dans le sillon de 1789. Ensuite, nous analyserons comment cette avancée a pu être déniée par un phénomène de persécution et de rejet. Enfin, nous étudierons comment le mouvement sioniste et la naissance d’Israël marqueront l’aboutissement de la reconstruction politique de la civilisation juive.
La fin du XVIIIème et le XIXème siècle sont marqués pour le peuple juif par une progression politique considérable : c’est le temps de l’émancipation juridique, produit de l’émancipation globale suite à la Révolution de 1789, et de l’assimilation à la culture européenne. Entre avancées et entraves, la civilisation juive fera preuve d’une affirmation identitaire progressive, encore fortement imprégnée du modèle des sociétés d’adoption.
Les Juifs acquièrent ainsi de nouveaux droits suite à la poussée libérale qui envahit l’Europe au lendemain de la Révolution française. Ainsi, Henri Laurens souligne dans la Question de Palestine que le modèle français d’émancipation des Juifs est lié avec la Révolution. Il constitue ainsi le « passage le plus rapide et le plus brutal de l’ancienne réalité communautaire composée de corps constitués au monde moderne défini par des individus dont l’appartenance religieuse est un fait de vie privée ». Napoléon Bonaparte, se faisant le défenseur de la cause juive en adéquation avec les principes de 1789, joue un rôle crucial pour l’avancée des droits des Juifs. Il aspire ainsi à « faire des Juifs de France des citoyens utiles, concilier leurs croyances avec leur devoir de Français et éloigner les reproches qu'on a pu leur faire ». En 1806, devant une assemblée de notables juifs de France et de tout le territoire de l’Empire qu’il avait convoquée, il tient à faire passer son message libéral : « Je veux que tous les hommes qui vivent en France soient égaux et bénéficient de l'ensemble de nos lois ». C’est dans cet esprit que l’empereur, la même année, crée un Grand Sanhédrin, « assemblée d'individus professant la religion juive et habitant le territoire français » et qu’il entend mettre en place l’année suivante un Consistoire Central des Juifs de l’Empire, organisation qui aura pour objectif de réformer la vie juive selon des principes arrêtés par l’empereur. De manière claire, Napoléon Bonaparte cherche donc à conférer aux Juifs de nouveaux droits au sein même de l’Etat français, mais aussi au sein des autres pays d’Europe, comme l’a montré l’étendue des différentes assemblées qu’il a souhaité mettre à jour. De cette manière, occupé par les armées ou soumis à l’influence de la France, l’Occident adopte des mesures tout aussi émancipatrices comme le montrent le décret de l’Assemblée nationale batave de 1796, l’abolition du ghetto en Italie ainsi que l’accès des Juifs aux municipalités italiennes dès 1797, la décision du Portugal d’accorder une liberté totale aux Juifs de son pays, l’édit de Prusse de 1812, et le décret de Jérôme Bonaparte sur les Juifs de Westphalie en 1808.
Le courant émancipateur se poursuit pendant le XIXème, certains parlent même de « deuxième émancipation ». Il est marqué par des actes décisifs comme l’acte de capitation signé par le général de Bourmont et le Dey d’Alger après la conquête de l’Algérie en 1830 : celui-ci garantit le respect par les Français de toutes les religions, mettant ainsi les Juifs d’Algérie sur le même pied d’égalité que les musulmans. L’année 1870 s’avère cruciale pour la cause juive avec l’unification de l’Italie qui entraîne l’accord de droits complets pour les Juifs, la pleine égalité des droits pour la nouvelle Allemagne unifiée de Bismarck ou encore le décret Crémieux qui concède la citoyenneté française aux Juifs d’Algérie. D’ailleurs, il semblerait que ce soit Adolphe Crémieux, avocat nîmois, qui relaye Napoléon Bonaparte dans la défense de la cause juive. Cet « archétype distingué et parfait de l’israélite français du XXe siècle » (Michel Abitbol) sera ministre de la justice sous le gouvernement provisoire et l’objet d’une haine féroce de la part de Joseph Proudhon qui verra dans l’homme politique juif l’ensemble de ce peuple qu’il exècre.
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