L'idée républicaine En France De 1789 à 1914, Par Claude Nicolet
Mémoires Gratuits : L'idée républicaine En France De 1789 à 1914, Par Claude Nicolet. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Chatounet972 • 6 Février 2015 • 4 612 Mots (19 Pages) • 1 307 Vues
Claude Nicolet, L’idée républicaine en France (1789-1924).
« ….la République est pour les Français, l’expression même de la temporalité historique. C’est en fonction d’elle que le temps peut s’orienter. Elle est à la fois le produit d’un passé, […] et l’abolition de ce passé, qui n’est pourtant jamais tout à fait mort. »
Pour peu que l’on porte son attention sur la vie politique française d’aujourd’hui, les débats qui mobilisent l’opinion, on est aussitôt frappé de la récurrence fréquente, dans le vocabulaire usité, du terme « république ». Quelles que soient les positions politiques défendues, les convictions des uns ou des autres, nombreux sont ceux qui évoquent, voire invoquent, « La République » comme un argument d’autorité sensé faire consensus et dont la légitimité serait évidente à tous. L’interrogation sur la phraséologie qui entoure celle-ci, l’analyse du langage qui sert à défendre la République donne rapidement à observer une véritable sacralisation non tant de la notion, mais bel et bien de ce à quoi elle est prétend faire référence d’une manière particulière.
Car derrière la République on en appelle à quelque chose de plus ou moins précis : la France, tout au moins une certaine idée de la France. En effet, tout se passe comme si la République se confondait à la fois avec l’identité politique et nationale de la France. La France c’est la République, la République c’est la France. L’une et l’autre ne sauraient être dissociées. S’attaquer à la République c’est ipso facto s’attaquer à la France elle-même ; c’est-à-dire à ses institutions juridiques et politiques, mais plus encore à une transformation majeure du cours de son histoire. C’est plus précisément s’en prendre à ce qui pour ce pays a fait l’objet d’une conquête âpre, douloureuse, et longue depuis la révolution de 1789 : la rupture avec l’ordre ancien, l’Ancien Régime ; en l’occurrence avec l’abolition des privilèges et la suppression des droits féodaux.
Les usages du langage soulignent donc l’attachement, explicite ou non, des uns et des autres - tout au moins du plus grand nombre- à une communauté d’individus libres, de droits et de devoirs égaux réunis, à travers l’expression de la souveraineté collective incarnée dans l’unité de la citoyenneté, autour du bien commun. La République coïncide donc pour l’imaginaire populaire (celui que partagent aussi bien la société civile que les dirigeants politiques ayant la charge des affaires publiques) avec « la France Nouvelle », enfant de la Révolution. Derrière les discours c’est ainsi une certaine représentation qui se montre, une idéalisation de cette France Nouvelle. Plus qu’une représentation hypostasiée du régime politique de la France et de son fonctionnement institutionnel c’est une véritable personnification du pays, voire mythification de son histoire politique « récente » ou moderne, qui s’anime à travers la République. Ce que portent les discours, ce que véhicule le langage, tout comme ce qui se trouve convoqué par l’imaginaire, déplacent dès lors notre interrogation vers le contenu de la République elle-même. De quoi parle-t-on véritablement quand on en appelle à la République ? Quelle est l’identité véritable de cette République française ?
La formulation de la question en dit long sur la particularité de la réponse possible. Elle renvoie au langage et aux représentations, à la sphère de la référentialité et de l’intentionnalité. Elle nous place sur le terrain de l’idéité. En ce sens, ces identifications fortes de la République nous indiquent que la notion renvoie moins à une certaine conception du politique et du fonctionnement de l’appareil d’Etat qu’à une théorie particulière, véritable idéologie, du vivre-ensemble embrassée dans une unité qu’exprime le vocabulaire . En d’autres termes, circonscrire cette unité, et par suite cette identité, revient à comprendre les bases de cette théorie, à saisir les éléments doctrinaux qui lui donnent sa cohérence. Ce à quoi nous invitent les analyses de Claude Nicolet dans son ouvrage L’idée républicaine en France. Envisager par quoi se caractérise, se définit, la nature politique d’une théorie de la gouvernance en France implique de comprendre les arguments qui tissent le discours républicain comme les principes qui président à ses œuvres. Car derrière cette personnalisation de l’identité politique de la France c’est une certaine manière de se figurer l’unité de la communauté des citoyens se prononçant démocratiquement sur le bien commun qui s’actualise. Aussi la lecture du texte de Nicolet nous permet-elle d’interroger plus largement l’idée même de « modèle » républicain français : en quoi peut-on parler d’un modèle républicain français et par quoi se caractérise-t-il ? Enfin, quels sont les enjeux de la définition de ce modèle ?
Il s’agira donc pour nous dans un premier temps d’étudier, avec l’auteur, les origines historiques et intellectuelles de l’idéologie républicaine. D’où vient le sens de l’acception française du terme « république » ? Comment s’est forgée, à l’épreuve de l’histoire, la représentation de la république qui s’exprime dans les discours et à travers les actes ?
Comme nous l’évoquions précédemment, l’attention aux discours sur la République, à ses représentations conceptuelles ou imaginaires, nous porte à en dégager une rationalité spécifique : une idéologie républicaine, voire une philosophie républicaine, qui définit la matrice de nos représentations de la république française et de nos occurrences banales du mot « république » en français, lui fournissant par-là ses arguments, ses ressources, lui conférant aussi sa valeur. Où cette matrice républicaine plonge-t-elle ? Quelles sont les origines et les sources de l’idéologie ?
Comme s’efforce de le montrer toute la première partie de l’ouvrage, cette idéologie est avant tout une construction historique : elle a une histoire et un processus de formation. En tant qu’objet historique, sa naissance est donc située : les origines sont aussi bien théoriques, intellectuelles, que factuelles.
Sur le plan théorique, c’est aussi bien du côté du réformisme protestant (Ferdinand Buisson, Edgar Quinet, etc.) –même dans sa version forte anticléricale (Auguste Dide)- que du côté des penseurs qui ont porté le projet révolutionnaire au nom du rationalisme humaniste des Lumières, qu’il faut chercher. Cette double origine intellectuelle souligne combien la République s’établit d’abord contre le religieux, le dogme spirituel
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