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La Nature Urbaine Patrimonialisée : Perception Et Usage, Les Cas De Deux Jardins Marocains

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Par   •  10 Novembre 2012  •  5 870 Mots (24 Pages)  •  1 292 Vues

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La nature urbaine patrimonialisée - Rabat -1

La nature urbaine patrimonialisée : perception et usage,

les cas de deux jardins marocains

Paru dans Gravari-Barbas, Maria, Habiter le patrimoine. Sens, vécu, imaginaire, PUR, 2005

Gaëlle Gillot

Urbama, Université de Tours,

ATER Université de Grenoble 2

Les illustrations ont été retirées de cette version

Partout, les jardins attirent, ils plaisent, quel que soit leur statut. Publics ou privés, ils

constituent des lieux dans laquelle la végétation est mise en scène à l’aide de divers attributs

pour créer une ambiance, un paysage, une aération dans le tissu urbain, un décor-écrin autour

d’un bâtiment, ou un espace de repos, de jeux et de promenade. Ils constituent les hauts lieux

de nature urbaine. Associés par exemple à la pureté, à la salubrité, dans les représentations

sociales (notamment occidentales) depuis au moins deux siècles, ils résistent moins bien que

les bâtiments au passage du temps. Pourtant, depuis environ vingt ans en France notamment,

des historiens et des paysagistes, de même que des amoureux des jardins cherchent à

reconstituer des jardins selon leur tracé originel et, pour les préserver, cherchent à convaincre

les services du patrimoine des administrations centrales de les classer, tout au moins de les

inscrire sur la liste du patrimoine national. Les « jardins historiques » reconstitués se sont ainsi

multipliés. Ce mouvement n’est pas propre à la France, ni même à l’Europe, on l’observe

également au Maroc.

La Wilaya (la préfecture) de Rabat-Salé au Maroc compte 19 monuments, sites ou

zones classés sur la liste du Patrimoine National marocain, dont deux jardins. Ces derniers

sont publics et ont été classés à des périodes très différentes : 1914 pour le jardin des Oudaïas,

et 1992 pour le Jardin d’Essais. Leur histoire n’est donc pas similaire et pourtant investis

physiquement et symboliquement, ils abritent une part de l’identité nationale.

1. Deux « jardins parlants » à Rabat

En 1629 paraît à Londres l’ouvrage Paradisus dans lequel son auteur, John Parkinson,

présente un jardin de raretés botaniques qu’il appelle « the speaking garden », « le jardin

parlant ». Pour lui son jardin « racontait » une histoire. Il contenait une mémoire particulière

puisque celle-ci était composée d’éléments vivants, la végétation qui, loin d’être figée,

continuait l’histoire et parlait à ses visiteurs. Les jardins sont des constructions, ils reflètent

par conséquent un rapport de l’homme à la nature et à la ville à un moment donné. En cela, ils

sont des jardins parlant au même titre que celui de Parkinson.

À Rabat, le jardin de la Casbah des Oudaïas et le Jardin d’Essais racontent l’histoire

des influences croisées de la ville. Entre la tradition arabe et la volonté française de créer des

villes modernes, l’analyse de ces deux lieux permet de lire une partie de l’identité de Rabat.

1.1. Le Jardin « historique » de la Casbah des Oudaïas

La ville de Rabat tient son nom de sa citadelle du XIIe siècle. La forteresse (Riba, qui a

donné Ribât al-Fath, « camp de la victoire ») était un camp militaire et religieux. Elle était

munie d’une vaste enceinte défensive qui contenait à la fois des habitations et des vergers, les

habitations se regroupant dans la casbah.

halshs-00259687, version 1 - 29 Feb 2008

Manuscrit auteur, publié dans "Habiter le patrimoine. Sens, vécu, imaginaire., Gravari-Barbas, Maria (Ed.) (2005) 105-124"

La nature urbaine patrimonialisée - Rabat -2

1.1.1. La cour, le jardin supposé, la place d’armes

La première trace de jardin dans la Casbah remonte au XVIIIe siècle : la cour d’une

belle demeure située près des remparts en aurait abrité un, mais nous n’en avons aucune

preuve archéologique. La seule certitude est que, si ce jardin a jamais existé, il a été

rapidement transformé en place d’armes en raison de sa situation défensive. Les Français y

auraient campé entre 1912 et 1914. Cette cour aménagée pourrait être l’ancêtre du jardin

andalou que l’on connaît aujourd’hui.

Ce n’est qu’au milieu du XIXe siècle que Rabat a été dotée de quelques jardins

d’agrément privés. On n’en connaît que deux exemples : le jardin du palais du sultan et celui

du palais d’un riche négociant (le palais de Kebîbât dont il ne reste rien aujourd’hui). Des

cours intérieures de maisons avaient été plantées de quelques arbres, mais Rabat n’a jamais

été une référence en matière de jardins au Maroc.

1.1.2. L’arrivée des Français au Maroc bouleverse l’histoire urbaine de Rabat

L’arrivée des Français au Maroc en 1911 et l’établissement du protectorat en 1912

bouleversent

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