L’administration de la province de Bretagne par Agricola

Travaux dirigés – Initiation à l’histoire romaine – L1HI0112

Séance 5 – L’administration de la province de Bretagne par Agricola

Introduction

Quand Agricola mourut le 23. 08. 93 ap. J.-C., son gendre, Tacite (56-c.120), était absent de Rome et ne put prononcer son éloge funèbre. L’empereur Domitien (r.81-96) jalousait la gloire militaire de cet homme, qu’il avait rappelé de Bretagne pour le laisser dans le discrédit, et qu’il avait voulu peut-être empoisonner1.

Né peut-être en Italie du nord ou plus probablement en Gaule Narbonnaise, Publius (ou Caius)

Cornelius Tacitus demeure connu pour un des historiens d’expression latine les plus renommés dans la postérité, à la fois pour la valeur de son œuvre, d’histoire mais aussi de rhétorique, pour la finesse de son style et la profondeur de ses jugements. Rien n’est connu de sa famille d’origine et il n’y a donc aucune preuve qu’il soit issu de l’aristocratie. Après ses études de rhétorique, le jeune Tacite se prépara pour une carrière d’avocat et d’administrateur, et entama son cursus honorum par un vigitinvirat et un tribunat de légion. Ayant épousé la fille de Gnaeus Julius Agricola en 77, il devint questeur en 81, préteur en 88, puis accéda au collège des prêtres gardiens des Livres Sibyllins. Après un probable gouvernement en province, Tacite put constater à son retour à Rome les méfaits du règne de Domitien envers l’aristocratie sénatoriale. C’est en 97, sous le règne de Nerva, que Tacite put accéder au consulat et se consacrer à ses travaux d’écriture. Tacite put donc après la mort de Domitien rendre hommage à son beau-père ; sa Vie d’Agricola date d’entre la fin octobre 97 et le 27 janvier 98, quand Nerva était empereur avec Trajan comme associé. L’Agricola étant paru avant la Germanie, il s’agit probablement là de la première œuvre dans l’ordre chronologique que nous ayons conservée de Tacite.

La Vie d’Agricola est connue pour la description de la Bretagne. Une digression pittoresque et savante sur une terre située aux confins du monde connu. Agricola y fit campagne et fit la circumnavigation de la Calédonie par sa flotte. Tacite précise quelle est la forme de l’ensemble britannique, la variété des types ethniques, les productions de la terre et des mines, la pêche des perles sur le littoral. Cependant, l’Agricola est surtout une laudatio envers un grand homme de l’ordre sénatorial, originaire de Fréjus. Rattachement théorique à la laudatio funebris, discours que les patriciens prononçaient lors des funérailles de leurs proches parents sur le Forum.

La laudatio est un des genres cultivés par la littérature de société et traités dans les lectures publiques.

Auguste prononça ainsi le panégyrique de Marcellus et de Drusus, Tibère celui d’Auguste, Néron celui de Claude,

Domitien celui de Titus. Pline le Jeune rédigea quelques pages en souvenir de Vestricius Cottius et en fit une lecture publique avant de les publier, et cite d’autre exemples de laudationes2. Tacite, sous son consulat, fut chargé par un sénatus-consulte de prononcer celui de L. Verginius Rufus3. Tacite prit ce cadre fictif pour sa Vie d’Agricola. Il s’agit donc ici d’une biographie centrée sur l’œuvre militaire et administrative d’Agricola en

Bretagne. Tacite en profite aussi pour flétrir le règne tyrannique de Domitien.

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1. Tacite, Vie d’Agricola, XLV, 6 ; XL-XLIII. Dion Cassius, Histoire romaine, LXVI, 20.

1. Pline le Jeune, Correspondance, III, 10, 2-3 ; IV, 7, 2 ; VIII, 12.

1. Pline le Jeune, Correspondance, II, 1, 6.

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M. J. COUSIN4 a confronté l’Agricola avec règles de la laudatio données dans l’Institution oratoire de Quintilien5. Un éloge doit commencer par des considérations sur le temps qui a précédé la naissance du personnage ; Tacite donne des indications sur la patrie et sur la famille d’Agricola. D’après Quintilien, le développement sur les maiores peut être traité de deux manières, car le personnage s’est soit montré digne d’eux, soit a illustré personnellement une humble origine ; or Tacite montre que la mère d’Agricola l’empêcha de s’attacher à la philosophie avec trop d’ardeur, et d’oublier, loin de son action, son origine sénatoriale. La deuxième partie de la laudatio doit être consacrée aux qualités de l’esprit, suivant l’ordre chronologique : dons naturels, puis études, enfin actes et paroles ; cet ordre a été respecté par Tacite qui a suivi son héros de l’enfance aux charges officielles, montré son ascension dans le cursus honorum, narré les sept campagnes en Bretagne. Les qualités physiques ne doivent pas être oubliées pour Quintilien. Or, Tacite donne des précisions sur la taille d’Agricola bien proportionnée, sur son regard, sa physionomie empreinte de douceur. Agricola l’emporta en tout ce qui concerne la Bretagne par rapport à ses devanciers. Enfin, une laudatio doit se terminer sur le temps qui suit la mort du personnage ; Tacite parle des circonstances qui ont entouré la disparition d’Agricola et suivi sa mort ; il montre quel exemple il laisse derrière lui.

Cneus Iulius Agricola est un général romain connu pour être le beau-père de Tacite ; ce lien de parenté justifia le fait que ce dernier composât en l’honneur du général un éloge funèbre connu sous le nom de Vie d’Agricola. Présent en Bretagne de 77/78 à 84, Agricola offre l’aspect d’un gouverneur de province, figurant parmi les mieux connus de l’histoire de l’Empire romain. Alliant campagnes militaires et efforts d’organisation intérieure, l’œuvre de gouvernement provincial d’Agricola est à la fois représentative de la politique romaine à l’égard des périphéries ainsi que du point de vue des élites sénatoriales sur l’idéal du bon gouvernement.

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