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Le terme Berbère

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Par   •  21 Mars 2014  •  Commentaire de texte  •  3 030 Mots (13 Pages)  •  634 Vues

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[Encyclopédie berbère IV, 1987, p 562-568.]

AMAZI½, "(le/un) Berbère"

par Salem CHAKER

Orthographe française : Amazigh

plur. : Imaziàen, "les Berbères"

fem. : tamaziàt, "(la/une) Berbère" et "(la) langue berbère"

Le second /a/ est, dans tous les dialectes, phonétiquement long : [ama:zià]

LES DONNEES ACTUELLES

Ce terme est employé par un certain nombre de groupes berbérophones pour se désigner eux-mêmes. L'aire d'extension de cette dénomination couvre actuellement :

1° L'ensemble du Maroc

Elle est exclusive chez les berbérophones du Maroc Central qui se dénomment eux-mêmes Imaziàen (Braber en arabe) et appellent leur dialecte tamaziàt (ou tamazixt, avec assourdissement de la vélaire /à/ au contact de la dentale sourde /t/).

Elle est connue chez les Chleuhs où elle est un archaïsme littéraire. Elle y désigne aussi spécifiquement le "Berbère blanc", le "vrai Berbère", par opposition aux "négroïdes", bien représentés dans le Sud Marocain et réputés allogènes.

Les Rifains l'emploient également à côté des dénominations courantes arifi/tarifit.

Dans ces deux groupes, elle s'applique surtout à la langue berbère : chez les Rifains, tamaziàt est même plus courant que tarifit (qui semble être un néologisme d'origine arabe). Les Chleuhs eux-mêmes dénomment leur langue poétique awal amazià, "la langue berbère" (Galand-Pernet 1969, 1972). L'expression est déjà donnée avec cette signification par Jean-Léon l'Africain au XVIe siècle (1956 : 15).

Au Maroc, Amazià/tamaziàt renvoient donc assez nettement à une identification linguistique, connotée de manière très valorisante et impliquant la conscience d'une communauté dépassant le cadre régional-dialectal.

2° Le monde touareg

Elle y prend, en accord avec l'évolution phonétique générale du touareg, les formes suivantes :

- Amaheà/Imuhaà et tamahaq, en Ahaggar et en Ajjer, parlers dans lesquels /z/ du berbère nord est normalement traité en /h/,

- Ama−zeà/Ima−zeàen et tama−zeq, dans les parlers méridionaux [Niger-Mali : Aïr, Iwllemmeden, Kel-Geres...] où /z/ du berbère nord est traité en /−z/,

- Amašeà/Imušaà et tamašeq en Adrar des Ifoghas (Mali) où /š/ correspond régulièrement à /z/ du berbère nord.

Chez les Touareg du nord (Ahaggar/Ajjer), Amaheà s'applique à tout membre de la société (quelle qu'en soit la classe sociale), alors que chez les Touaregs méridionaux (Niger-Mali), Ama−zeà désigne spécifiquement l'aristocrate nomade. L'ensemble des Touaregs y étant dénommé : Kel-tema−zeq, "les gens [de langue] tamajeq".

Chez les Touaregs, comme chez les Imaziàen du Maroc Central, c'est la seule auto-désignation qui soit utilisée.

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3° Autres attestations actuelles

Enfin, comme chez les Chleuhs et les Rifains, Amazià/tamaziàt est connu et employé, concurremment à d'autres termes locaux, chez les berbérophones :

- de Tunisie : Sened [Provotelle 1911],

- de Libye : Djebel Nefoussa [Beguinot 1931] et Ghadames [Lanfry 1972 : 224, n° 1060]

- du Sud Oranais : oasis berbérophones algériennes et marocaines entre Aïn Sefra et Bechar [Figuig, Bousemghoun...].

Le terme est également connu dans les oasis du Touat-Tidikelt-Gourara [le Tawat des Touaregs et des auteurs arabes anciens], à Ghat et Djanet [Foucauld, II : 673] avec le sens de "maître", "suzerain", "seigneur" et même "Dieu" en zénète du Gourara (Mammeri 1984 : 214, par ex.). Signifi-cations qui renvoient aux anciennes conditions socio-politiques de ces populations d'agriculteurs sédentaires, plus ou moins asservies par une aristocratie locale ou extérieure, détentrice des droits de propriété sur la terre (ou l’eau) et elle-même berbérophone.

En définitive, Amazià est donc attesté, avec des acceptions synchroniques variables, dans une très vaste zone en forme d'écharpe qui part de la Tunisie méridionale, englobe les parlers berbères de l'Ouest libyen, l'ensemble du domaine touareg, le Touat-Tidikelt-Gourara, le Sud Oranais et la totalité du Maroc.

En-dehors de ces régions, i.e. dans toute l'Algérie du nord et le nord du Sahara, le terme Amazià est inconnu dans la culture traditonnelle des berbérophones. C'est en particulier le cas en Kabylie, au Mzab et dans les Aurès. C'est apparemment à tort que R. Basset évoquait les Chaouïas dans sa notice "Amazià" de l'Encyclopédie de l'Islam (1908). Cette affirmation, que l'on retrouve aussi chez Bates (1914 : 42) semble provenir de l'étude de Masqueray sur le Djebel Chechar (1878 ; notam-ment p. 27, note 1 : 259-261 et 281.), travail des plus sujets à caution sur les plans linguistiques et socio-linguistique.

La répartition actuelle n'est pas sans analogie avec les données anciennes, médiévales et antiques.

L'ANTIQUITE

Amazià est en effet un ethnonyme bien attesté depuis l'Antiquité. Les auteurs grecs et latins en donnent des formes multiples, en tant que nom de tribus indigènes de l'Afrique du Nord. La forme va-rie quelque peu selon les sources et les époques mais elle est presque toujours suffisamment proche de l'étymon berbère [(a)mazià] pour que l'identification ne fasse guère de doute. On rencontre ainsi :

Maxyes chez Hérodote

Mazyes chez Hécatée

Mazaces, Mazices, Mazikes, Mazax, Mazazaces... chez les auteurs de langue latine.

Le thème de base que l'on doit poser pour l'Antiquité (Mazik-) est parfaitement compatible avec la forme (A)mazià actuelle. L'initiale /a/ est une marque nominale, autrefois facultative (Cf. chap. 4) et l'occlusive finale palato-velaire /k/ peut correspondre, soit à la restitution latine de la vélaire vibrante berbère [à]

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