Etre soldat à l'époque moderne

Introduction

L’époque moderne constitue une période d’évolution permanente du domaine militaire en Europe.

Si il est clair que la « révolution militaire », qui se réalise du XVIème au XIXsiècle touche les institutions des armées, les technologies, les doctrines, il n’en demeure pas moins que l’Homme de troupe, le soldat lui même, en est tout autant impacté. Ces éléments constitutifs du domaine de la guerre sont en réalité indissociables et évoluent en symbiose absolue, s’impulsant l’un l’autre au gré des innovations et des remaniements. Mais après tout, qu’est ce que le soldat ? Dérivé de l’italien «  Soldare », le soldat est celui qui reçoit une solde. C’est à dire celui est rétribué en l’échange d’un service militaire accordé à un entrepreneur de guerre, à souverain ou à un état. Il n’est par ailleurs pas anodin de constater que l’entité pour laquelle se battent les hommes est un autre élément constitutif de l’évolution militaire de la période. En effet, c’est avant tout la lente affirmation du pouvoir des souverains puis des états, qui vont impulser la métamorphose de l’armée et des soldats. Là où la guerre du XVème siècle se base quasi-exclusivement sur le mercenariat, et demeure relativement limitée de part le nombre des combattants, les siècles suivants verront naître la massification des armées permanentes, au service des souverains puis des états. De quelques milliers d’hommes à la fin du XVème, à quelques dizaines de milliers à la fin du XVIème. La centaine de millier était atteinte et dépassée à la fin du XVIIeme.1 Le développement du feu sur les champs de bataille, la massification ainsi que la professionnalisation font évoluer non seulement la guerre, mais aussi les soldats et leur emploi. C’est dans un contexte de guerre omniprésente que ces changements vont progressivement se produire. Des guerres de religions à la guerre de 30 ans, en passant par la guerre de 7ans, les conflits armés constituent un élément fondamental de la période. Les débuts de l’époque moderne voient la fin de «  la guerre noble » caractéristique du Moyen-Age. La chevalerie de la haute noblesse, formation de choc constituées de nobles qui était l’élément déterminant des batailles du moyen-age va disparaître au profit d’une infanterie dense, constituée des plus petites gens de la société en majorité. La témérité et les actions isolés sont progressivement remplacés par la discipline et l’esprit de corps, ce qui se traduit par une professionnalisation croissante de l’homme de troupe. Nous le voyons, la guerre, ou plutôt le rôle déterminant dans les combats, que vient s’approprier l’infanterie, concerne donc de plus en plus les basses sphères de la société, ce qui implique des méthodes de recrutements nouvelles. C’est effectivement dans cette abondante réserve militaire que puiseront de plus en plus les administrations étatiques. De même, du fait de la massification des armées, la mortalité au cours des campagnes militaires ne cessera d’augmenter. Si il est inutile de rappeler la rudesse de la vie d’un simple homme de troupe, il est cependant important de souligner que celle-ci ne s’améliorera guère au cours de la période moderne. Elle s’empirera même largement avec la multiplication des conflits, et les explosions de violence caractéristiques des guerres de l’époque moderne. Par ailleurs, les retours d’expérience militaire de la troupe demeure très rare. Le soldat du bas de l’échelle hiérarchique est illettré et ne laisse pas de témoignage écrit. L’écrasante masse de récits militaires provient des officiers, qui eux, demeurent très souvent nobles ou issues des familles aristocratiques. Il est important de rappeler que si le modèle même du soldat change effectivement, nous abordons ici un processus s’étalant sur trois siècles au sein des différents pays d’Europe. Par conséquent, les changements sont progressifs, parfois localisés, parfois réalisés avec plus ou moins de succès.

Ainsi, nous nous demanderont qu’est ce qui caractérise la vie du soldat européen au cours de l’époque moderne.

Pour se faire, nous détaillerons dans une première partie que la révolution militaire de l’époque moderne implique une perpétuelle évolution de la figure même du soldat. Puis, dans une seconde partie, nous observerons la vie que mènent les soldat pendant la guerre.

I) La révolution militaire de l’époque moderne : le modèle du soldat en perpétuelle évolution

a) Le recrutement : des armées mercenaires aux armées permanentes, qui est le soldat ?

Si bon nombre de soldats ont terminés leur vie attachés à une armée, la plupart n’y était aucunement prédestinée. En effet la perspective de carrière militaire, n’est quasi exclusivement présente que parmi les familles nobles. De la même manière que l’on prédestine son fils à des fonctions ecclésiastiques, on peut orienter sa descendance vers le métier des armes. Si cet aspect est très représentatif au sein des officiers des armées, il n’en est rien pour l’immense majorité des hommes de troupe. En effet, on ne devient que rarement soldat par choix, mais souvent par nécessité ou contrainte, souvent très jeune. Si dans un premier temps, les armées féodales laissent place à un système de mercenariat, le recrutement d’armées professionnelles et permanentes va rapidement devenir le but recherché. C’est ainsi, que jusqu’à la seconde moitié du XVIIème siècle, les champs de batailles ont été occupés par les diverses compagnies mercenaires d’Europe. Ces véritables entreprises de guerre seront les plus grands réservoirs de soldats, jusqu’à leur remplacement progressif par les armées permanentes. Toutes recrutent dans les mêmes pays, pauvres en biens et riches en hommes, tel que l’Italie, l’Allemagne, la Suisse ou l’écosse.2 C’est ainsi que les compagnies mercenaires suisses seront considérées de 1474 à 1522 au moins comme les meilleures fantassins d’Europe. Ces véritables spécialisations régionales dans le recrutement s’explique par la grande difficulté à lever des troupes localement, à les équiper, les entraîner et les encadrer. Les compagnies mercenaires représentaient un moyen facile et rapide de lever des troupes déjà prêtes au combat, en payant par avance une grande somme d’argent au condottiere, le gérant de la compagnie. Cependant, les mercenaires sont de fait peu fiables et s’intéressent bien plus aux opportunités de pillage qu'au triomphe militaire du payeur. Les hommes de troupes

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