Les mémoires officielles de la Seconde Guerre Mondiale
Cours : Les mémoires officielles de la Seconde Guerre Mondiale. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Michot Lucas • 3 Mars 2017 • Cours • 2 197 Mots (9 Pages) • 880 Vues
Thème 1 : Les mémoires : lecture historique
- On désigne par mémoire l’ensemble des souvenirs qui résultent de l’expérience vécue par des individus, des familles ou des communautés. Le pluriel (mémoireS) montre qu’il y a plusieurs mémoires d’une même période ou d’un événement ; elles sont complexes car multiples et relèvent de la subjectivité. Par exemple, pour la 2e GM, il existe la mémoire des gaullistes, celle des communistes, des déportés… Les mémoires de la guerre d’Algérie sont particulièrement polémiques car multiples (celle des appelés, des militaires de carrière, des militants FLN, des populations musulmanes, des Harkis, des pieds-noirs…)
- La démarche de l’historien, quant à elle, relève d’une démarche scientifique et exclu toute passion. Les Mémoires, leur construction, sont en soi un objet d’étude pour l’historien. (pas de devoir de mémoire pour l’historien mais « juste » un devoir d’histoire, d’intelligence)
L’HISTORIEN ET LES MEMOIRES DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE
Leçon 1 : Des mémoires officielles prédominent (1945 – 1969)
p.50
Une période où les mémoires l’emportent sur l’Histoire, celle-ci se focalisant principalement sur les aspects polémologiques.
Comment se construisent les mémoires de la Seconde guerre mondiale jusqu’aux années 1970 en France ? Entre refoulementet réactivation
- la mémoire patriotique au service de l’unité nationale : la mise en avant d’une France résistante
- Video De Gaulle HdV : A la Libération, la France est à la fois meurtrie et divisée : choc de la défaite de 1940, traumatisme de l’Occupation ; division politique entre anciens Collaborateurs et Résistants. La priorité du Général de Gaulle (qui dirige alors le GPRF 44-46) : reconstruire l’unité nationale autour de la République ; pour lui, Vichy est une parenthèse qu’il faut refermer, la République n’ayant jamais cessé d’exister, par l’intermédiaire de la France Libre. Discours du 25 août 1944 : pour De Gaulle, la défaite de 1940 est effacée par la victoire des « armées de la France » et par un peuple entré en résistance derrière lui.
- Si les premières semaines suivant la Libération sont marquées par l’Epuration, une volonté de réconciliation lui succède : des lois d’amnistie sont votées entre 1947 et 1953. Chiffres p.55 Pour finir, l’Epuration est très limitée par rapport aux autres pays qui ont connu une occupation pendant la guerre. Il s’agit d’aller de l’avant et de reconstruire l’unité nationale
- Cérémonie du 11 novembre 1945 : grandiose ; elle tend à figer cette mémoire officielle. 15 dépouilles mortelles de Français sont réunies autour de la flamme du soldat inconnu : deux résistants [un homme et une femme], deux déportés [idem ; des combattants, pas des juifs…], un prisonnier abattu lors d’une évasion, un FFI, 9 militaires [de différentes armes et lieux de bataille] ➔ ce sont en quelque sorte les victimes « officielles » que reconnaissent alors les autorités françaises.
- Il y a donc mise en avant d’une France très largement résistante (presque unanimement ?) : c’est ce que l’historien Henry Rousso appelle « Le mythe résistancialiste » dans son livre, Le syndrome de Vichy, 1987, sur la mémoire du régime de Vichy dirigé par le Maréchal Pétain).
- Les deux principales forces politiques de l’après-guerre, les Gaullistes et les communistes, entretiennent le mythe, avec des mémoires différentes. Affiche 1 p.56 Par exemple, le PC se présente comme le « parti des 75000 fusillés », pour mettre en avant son rôle dans la Résistance (chiffre très exagéré : le nombre de Français fusillés par les Allemands est de 30000, et il n’y a pas que des résistants…).
- De nombreux lieux de mémoire sont élevés en France pour honorer les héros (ex : le Mont Valérien, mais aussi nombreuses stations de métro [Jacques Bonsergent, Gabriel Péri, Guy Môquet, Honoré Estienne d’Orves])
- En 1961 est créé pour les élèves du Secondaire le Concours National de la résistance et de la déportation.
- Vidéo Apogée en quelque sorte de cette glorification de la Résistance : 1964 transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon ; discours (éloge funèbre) d’André Malraux. Ceci correspond à la période où De Gaulle est revenu au pouvoir (1958-69) : on peut parler de triomphe de la mémoire gaulliste pendant cette décennie. Cf Etude critique de doc p70 corrigée en AP)
- Les témoignages des anciens résistants et le cinéma d’après guerre glorifient avant tout l’action de la Résistance (voir exemples sur fiche ; extraits)
II.Des mémoires marginalisées
Les discours officiels négligent les soldats vaincus de 1940, les requis du STO et la communauté juive.
- Plusieurs millions de soldats qui ne sont pas glorifiés comme l’avaient été les « Poilus » après la Première Guerre. Près de 200 000 morts, mais une image de vaincus qui contribue à en faire des anti-héros. Même chose pour les prisonniers de guerre (1 800 000) qui restent des soldats battus, incarnant la plus grande défaite de l’Histoire de l’armée française.
- Les déportés « raciaux » comme les appelaient les autorités collaboratrices, n’ont pas le même traitement que ceux qui l’ont été pour des actes de résistance : il y a un amalgame entre déportés et résistants, la spécificité de la déportation et de l’extermination des Juifs n’est pas soulignée dans ces années d’après-guerre. Il n’y a pas de distinction établie entre camp de concentration et camp d’extermination, alors. Video : extraits des Survivants de P.Rotman Des survivants des camps essaient de témoigner mais l’opinion n’est pas prête à les écouter… Il faut attendre le procès Eichmann (1961) pour que l’on commence à mettre en évidence la spécificité du génocide des juifs.
- La mémoire vichyste : entre 1944 et 1947, la droite française, qui a collaboré pendant la guerre, est déconsidérée. A partir de 1947, dans le contexte de Guerre Froide et de la poussée de l’anticommunisme, elle s’exprime à nouveau. Elle développe la thèse que Pétain aurait résisté tant qu’il pouvait aux pressions des nazis. Texte 2 p.64 + légende de la photographie 1 p.64 En 1954, dans Histoire de Vichy, Robert Aron défend l’idée que de Gaulle aurait été « l’épée » de la France alors que Pétain en aurait été le « bouclier » lui permettant de résister en attendant la fin de la guerre entre l’Angleterre et l’Allemagne.
Leçon 2 : Le renouvellement des mémoires (depuis le début des années 1970)
p.52
I. Un autre regard sur l’Occupation
- Un nouveau contexte qui favorise un réexamen critique de l’histoire de l’Occupation : esprit contestataire de mai 68 ; déclin du gaullisme (mort de C.de Gaulle en 1970) et du PCF
- Vidéo / 2 p.53 Le documentaire Le chagrin et la pitié de Marcel Ophuls est un tournant dans le regard sur la période. Montre la vie quotidienne à Clermont-Ferrand sous l’Occupation ; témoignages des résistants, mais aussi de collaborateurs et d’un volontaire de la Waffen SS. Refusé par l’ORTF en 1969, sort en salle en 1971 (télévisé en 1981). Fin du mythe d’une France unanimement résistante.
- livre La France de Vichy, de Robert Paxton photo p.17 (1973) : à partir d’archives américaines et allemandes, prouve que la collaboration est une proposition française et non une exigence allemande. Les archives françaises sont progressivement ouvertes : Vichy devient l’objet de nombreux travaux.
- Dossier p.60/61 Dans les années 1990 la responsabilité de Vichy est reconnue officiellement. Dans un premier temps, en 1993, F.Mitterrand institue une journée nationale (16 juillet, date anniversaire de la rafle du Vel’d’Hiv’, à la mémoire des victimes des persécutions racistes et antisémites commises sous l’autorité de l’Etat français [nom du gouvernement de Vichy]). Deux ans plus tard, J.Chirac va plus loin : il parle de la responsabilité de la France, et non plus simplement de Vichy comme l’avait fait son prédécesseur.
- 4 p.53 L’image du Résistant évolue également : polémiques sur le passé de certains résistants; passé vichyste de F.Mitterrand, entré ensuite dans la Résistance). 1 p.53 Un nouveau résistant est célébré : le « Juste », qui a sauvé des Juifs pendant la guerre (incarne la capacité de résistance de la société française, sans passer sous silence les persécutions antisémites de Vichy) [hommage national en 2007 : entrée au Panthéon de « Justes »].
De hauts fonctionnaires de Vichy , longtemps épargnés sont mis en accusation. Ex Bousquet manuel p 63, Papon inculpé de « crime contre l’humanité » en 1991 à l’âge de 82 ans, il avait organisé la déportation des juifs à partir de Bordeaux. Condamné en 1998 il est libéré pour raison de santé…
II. La mémoire de la Shoah devient centrale
- Rappel : procès Eichmann (1961) : organisateur de la « solution finale », jugé à Jérusalem. Nombreux témoignages de survivants : la mémoire juive est portée sur le devant de la scène.
- Naissance d’une mémoire juive militante qui réagit aux écrits des négationnistes : ceux-ci réfutent l’existence des chambres à gaz (Rassinier, vidéo Faurisson qui déclare en 1980 que « le prétendu gazage et le prétendu génocide juif ne sont qu’un seul et même mensonge historique ») => créations d’associations (exemple : la FFDJF = fils et filles des déportés juifs de France, 1979, autour de Serge et Beate Klarsfeld) et intense activité mémorielle (plaques, monuments, livres, films) pour faire comprendre aux Français le sort particulier réservé aux juifs, pour combattre le regain d’antisémitisme et les théories négationnistes ; volonté de faire reconnaître par l’Etat la responsabilité de Vichy dans la déportation des juifs de France
- Vidéo La diffusion du téléfilm américain Holocaust (1979) sensibilise le grand public au sort des Juifs pendant la guerre
- Vidéo / 2 p.62 Sortie du film Shoah de Claude Lanzmann 9h30 de témoignage de victimes mais aussi de bourreaux (1985) cf Extrait du témoignage de Mordechaï Podchlebnik
- Condamnations de Faurisson et le Pen pour diffamation publique ; loi Gayssot de 1990 réprime toute « négation des crimes contre l’humanité »
- Des musées-mémorials de plus en plus nombreux
Le travail de mémoire s’impose avec la multiplication des mémorials après des années d’occultation.
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