Commentaire d’arrêt : CE, 8 février 2007, « Société Arcelor Atlantique Lorraine et autres ».
Commentaire d'arrêt : Commentaire d’arrêt : CE, 8 février 2007, « Société Arcelor Atlantique Lorraine et autres ».. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar luna1212 • 19 Octobre 2019 • Commentaire d'arrêt • 2 209 Mots (9 Pages) • 2 941 Vues
Commentaire d’arrêt : CE, 8 février 2007, « Société Arcelor Atlantique Lorraine et autres ».
Si le Conseil d’Etat, dans un arrêt « Sarran et Levacher » du 30 octobre 1998, consacre la suprématie de la Constitution dans la hiérarchie des normes française, des difficultés inhérentes à la participation de la République à la construction européenne, et notamment quant à la conformité d’actes règlementaires transposant les dispositions d’une directive européenne, demeurent, comme le souligne l’arrêt d’espèce rendu par le Conseil d’Etat le 8 février 2007, « Société Arcelor Atlantique Lorraine et autres ».
En l’espèce, une directive communautaire du 13 octobre 2003 est venu établir un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre au sein de la communauté européenne afin d’en favoriser la réduction. Par voie de conséquence, cette directive a fait l’objet d’une transposition en droit interne français par une ordonnance du 15 avril 2004 et un décret du 19 aout 2004.
Après avoir été confronté à des décisions implicites de rejet de ses recours par le Président de la République, le Premier Ministre, le Ministre de de l’écologie et du développement ainsi que du Ministre chargé de l’industrie (les autorités compétentes), la société Arcelor entend contester ces rejets devant le juge administratif et demander l’abrogation dudit décret de transposition. De facto, les sociétés requérantes (Arcelor et autres) soulèvent l’invalidité dudit décret en ce qu’il serait contraire aux principes à valeur constitutionnelle de liberté d’entreprendre, du droit de propriété mais surtout du principe d’égalité. L’article du décret de transposition reprend en effet les dispositions de la directive européenne 2003/87/CE, soumettant au système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre les industries sidérurgiques mais pas les industries du plastique et de l’aluminium.
Il s’agissait alors pour les juges du Palais Royal, eu égard la dualité des ordres juridiques internes et européens, de savoir quelles sont les modalités du contrôle de constitutionnalité par le juge administratif d’un acte réglementaire de transposition d’une directive européenne.
Le Conseil d’Etat, par cet arrêt du 8 février 2007, a ainsi élaboré une solution originale de par son mécanisme. Il va en effet dans la mesure du possible, concilier le droit interne et le droit communautaire européen afin de respecter au mieux la volonté du constituant et la hiérarchie des normes.
Dès lors, si le Conseil d’Etat a accepté de procéder à un contrôle de constitutionnalité de l’acte réglementaire transposant la directive européenne (I), il l’a soumis à des modalités particulières aboutissant à l’intervention du juge communautaire dessinant ainsi une coopération entre les deux juridictions (II).
I – L’exercice du contrôle de la transposition d’une directive communautaire par le juge administratif français
Le contrôle de constitutionnalité de l’acte réglementaire transposant une directive communautaire par le juge administratif française tire son fondement de jurisprudence antérieures (A), mais il reste soumis à certaines modalités particulières fixées en l’espèce par le Conseil d’Etat (B).
- Les raisons d’un contrôle de l’acte de transposition
- C’est sur la base de l’article 55 de la Constitution que le juge administratif français a pour compétence d’annuler des actes administratifs non conforme à une norme hiérarchiquement supérieure. Ainsi, un acte réglementaire doit être conforme à la Loi, à la Constitution mais aussi aux traités ayant une valeur supra-législative.
- En matière de droit communautaire, les directives issues du droit dérivé nécessitent d’être transposées par un acte en droit interne pour être applicables aux états membres. C’est ainsi que le Conseil Constitutionnel à déduit de l’article 88-1 de la Constitution l’exigence constitutionnelle de transposition des directives européennes, acceptant par la suite de déclarer inconstitutionnelle une disposition législative manifestement incompatible avec la directive qu’elle a pour objet de transposer (DC, 27 juillet 2006).
- Le juge européen est seul compétent pour apprécier la légalité d'un acte de droit dérivé. Ce faisant, toute appréciation de la légalité d'un acte réglementaire transposant une directive européenne relève, en cas de grief d'invalidité pertinent, du ressort du juge communautaire (CJUE, 1987, « Foto Frost). Ainsi, les juges nationaux ne pourront pas annuler un acte de transposition fidèle aux dispositions d’une directive puisque cela reviendrait à apprécier indirectement la validité de cette dernière.
- C'est sur ce dernier point qu'il y a une contradiction, en effet, par définition, les objectifs fixés par les directives européennes seront repris par dispositions en droit interne, appliquées par des actes administratifs, dont le contrôle dépend du juge administratif.
- En l’espèce, le décret de transposition contesté reprenait fidèlement le contenu de la directive, en nommant les activités soumises au système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre. Le Conseil d’Etat ne se refuse pas à contrôler la constitutionnalité d’un acte règlementaire de transposition, mais déduit de l’interprétation faite par le Conseil Constitutionnel de l’article 88-1 de la Constitution, la nécessité d’établir des modalités particulières pour opérer ce contrôle.
Ayant tiré les conséquences de ses jurisprudences antérieures, le Conseil d’Etat entend donc établir les modalité d’un contrôle par le juge administratif d’un acte réglementaire de transposition.
- Les modalités particulières du contrôle par le juge administratif
- En l’espèce le Conseil d’Etat procède à un raisonnement en plusieurs étapes afin de permettre au juge administratif de contrôler ou non la constitutionnalité de l’acte réglementaire de transposition de la directive communautaire.
- De prime abord, le Conseil d’Etat en l’espèce énonce que les modalités particulières de contrôle s’exercent « dans le cas où sont transposées des dispositions précises et inconditionnelles ». Dès lors qu’il constate l’existence d’une marge dans la transposition, le juge administratif pourra la sanctionner sur le fondement du non respect d’une disposition constitutionnelle, en référence à l’article 88-1 de la Constitution.
- Dans le cas contraire d’une transposition identique, le Conseil d’Etat poursuit son raisonnement et examine si les principes constitutionnels invoqués à l’encontre de l’acte ont un équivalent au sein du droit communautaire. Ainsi, si le juge ne relève pas l’existence d’un principe communautaire équivalent au principe constitutionnel invoqué, il peut contrôler la légalité de l’acte de transposition directement par rapport à la norme constitutionnelle interne.
- Toutefois, s’il constate d’un équivalent au principe constitutionnel invoqué dans l’ordre communautaire, il ne pourra juger directement de l’illégalité de l’acte. Il pourra toujours rejeter la requête en se fondant sur l’absence de difficulté sérieuse comme en l’espèce pour les moyens fondés sur les principes de liberté d’entreprendre et du droit de propriété, mais il devra directement faire intervenir le juge communautaire pour annuler l’acte. Pour ce faire, en l’absence d’interprétation antérieure de la directive par le juge communautaire, il devra surseoir à statuer et saisir ce dernier juge d’une question préjudicielle, qui est a été le cas en l’espèce, s’agissant du moyen tiré de l’entorse au principe d’égalité.
- En l'espèce, cet aspect de la théorie du Conseil d’État se retrouve dans les moyens tirés par les requérants de ce que l'article 1er du décret contesté aurait méconnaissance du droit de propriété et de la liberté d'entreprendre, qui sont des principes à valeur constitutionnelle. Le juge administratif va constater que ces deux principes font partie des principes généraux du droit communautaire, donc il revient au Conseil d’État « de rechercher si la directive du 13 octobre 2003, en tant qu'elle inclut dans son champ d'application les entreprises du secteur sidérurgique, ne contrevient pas elle-même à ces principes généraux du droit communautaire ». Le Conseil d’État va déduire qu'il n'y a pas atteinte au droit de la propriété ni à la liberté d'entreprendre du seul fait du niveau de réduction des émissions de gaz à effet de serre assigné au secteur des sociétés requérantes.
Le juge communautaire a donc un rôle direct dans le cadre du contrôle des actes réglementaires de transposition ; s’inspirant fortement du Conseil Constitutionnel, le Conseil d’Etat va alors tenter de concilier les deux ordres normatifs.
II – La dualité du contrôle avec le juge communautaire
L’exercice du contrôle de la directive européenne opéré par le juge communautaire (A) tend alors vers une coopération entre la dualité de juridiction interne et communautaire (B).
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