Etude de document - Projet de prison panoptique Bentham
Commentaire de texte : Etude de document - Projet de prison panoptique Bentham. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Agathe Olivier • 27 Avril 2020 • Commentaire de texte • 3 038 Mots (13 Pages) • 873 Vues
Le projet de prison panoptique de Jeremy Bentham en 1780
« La morale réformée, la santé préservée, l’industrie revigorée, l’instruction diffusée, les charges publiques allégées, l’économie fortifiée — le nœud gordien des lois sur les pauvres non pas tranché, mais dénoué — tout cela par une simple idée architecturale », tel est le projet énoncé par Jeremy Bentham dans Le Panoptique. Notre corpus se compose de deux documents, un extrait d’une lettre écrite en 1787 qui contient un plan dessiné d’un bâtiment, et un extrait d’un ouvrage : Panoptique. Mémoire sur un nouveau principe pour construire des maisons d’inspection, et nommément des maisons de force, écrit en 1791. Les deux documents sont écrits par Jeremy Bentham, philosophe et réformateur anglais qui a vécu entre 1748 et 1832, il est à l’origine de l’utilitarisme et travaille beaucoup sur la philosophie du droit et notamment le milieu carcéral. Bentham voyage beaucoup, ce qui lui permet de découvrir une multitude de modes de vie et façons de penser. En 1786, alors qu’il a rejoint son frère en Russie, il écrit une série de lettre destinées à un ami resté en Angleterre, dans lesquelles il expose un nouveau modèle d’institutions, qui deviendra un modèle de prison. Ce modèle, Bentham le propose à l’Assemblée Nationale française en 1791, avec un texte dont nous étudieront un extrait aujourd’hui. Son projet n’aboutit pas en France, il tente donc de le proposer à son Parlement anglais, et passera plus de vingt ans à se battre pour essayer de le mettre en place, sans succès. Si notre exposé se contente d’étudier le projet carcéral de Bentham, son oeuvre est beaucoup plus globale et tend à être utilisée pour une société toute entière. Il anticipe un nouveau type de pouvoir en réfléchissant aux législations, aux institutions, aux architectures nécessaires pour faire fonctionner efficacement nos sociétés, c’est-à-dire en maximisant les effets bénéfiques recherchés et en minimisant les coûts, à une époque où l’Europe bascule dans un nouveau régime économique : le capitalisme industriel, et connaît des luttes intenses pour la démocratie. La réflexion de Bentham et son nouveau modèle carcéral s’inscrit dans un XVIIIe siècle où la question des prisons est en vogue en Europe. De plus en plus de penseurs dénoncent l’insalubrité, la corruption et le vice qui y régnait. L’idée principale du mouvement était de faire de la prison un instrument de réforme des Hommes et de leur moralité, mais aussi de considérer le criminel comme un homme fautif, auquel il faut donner la chance d’une reconversion. L’un des premiers à théoriser cette pensée fut Beccaria lorsqu’il rédigea en 1764 son Traité des délits et des peines. En 1776, la réforme de la prison est passée de discussion philosophique à réalité nécessaire pour l’Angleterre, puisque la révolte des colonies d’Amérique accrue de manière exponentielle le nombre de condamnés dans les cellules du territoire, qui ne pouvaient plus être envoyés comme main-d’oeuvre dans les plantations de coton du Nouveau Monde.
Pour résoudre toutes ces difficultés, Bentham offre une proposition originale, qui continuera d’agiter le milieu intellectuel pendant de nombreuses décennies : Le Panoptique, dont notre texte en présente les principaux aspects.
Le texte est divisé en trois parties : de la ligne 1 à la ligne 20, l’auteur fait un état des lieux des prisons en 1780 et de leurs inconvénients, puis de la ligne 21 à la ligne 43, auxquelles on peut rajouter le document iconographique, Bentham décrit son projet architectural, et enfin de la ligne 44 jusqu’a la fin du texte, l’auteur développe les avantages que représente son projet.
Nous pouvons donc nous demander qu’est ce que ce projet Panoptique, quelles sont les déficiences qu’il entend combler et qu’elle est la signification d’une telle invention dans la réflexion philosophique et politique de l’époque, selon les textes de Jeremy Bentham ? Pour répondre à cette question, nous étudions tout d’abord ce que sont les prisons en 1780, puis nous développeront sur le projet architectural de Bentham et enfin nous examinerons la dimension philosophique et sociale du projet.
Dans cette première partie, nous allons donc étudier l’état des lieux que fait Bentham des prisons de son époque. Tout d’abord, les prisons du XVIIIe siècle sont dépeintes durement par l’auteur : « un séjour infect et horrible, école de tous les crimes » (l.10). En effet, les prisons anglaises dans les années 1780 sont des lieux d’enfermements sans distinction de sexe, de l’âge et du crime commis par les prisonniers, entassés dans des cachots sales, délabrés, où les maladies et la mauvaise hygiène de vie faisaient des ravages considérables. Bien que supplice à elles seules, les prisons et les conditions de vie de ses habitants sont longtemps restées inchangées, la rudesse des moeurs empêchait la pitié pour des condamnés dont les peines, qui suivaient la loi sauvage du talion, ne pouvaient être remises en cause. Les peines, bien souvent arbitraires et au bon vouloir du juge et de ses humeurs, étaient vécues comme des injustices pour les prisonniers, qui, entassés les uns sur les autres, étaient emplis de haine, d’aspirations de vengeance, de fermentations sanguinaires qui les poussaient à commettre des crimes à l’intérieur même des prisons, les rendant très dangereuses pour ses habitants, son personnel et ses visiteurs. C’est ce que l’auteur explique ligne. 11 : « que l’on ne pouvoit visiter qu’en tremblant, parce qu’un acte d’humanité etoit quelquefois puni par la mort ». De plus, Bentham parle de « corruption » due à « l’insouciance des gouvernemens » (l. 15), en effet, loin d’être une priorité pour le Parlement anglais, la ligne de conduite des prisons était laissée entre les mains des geôliers, qui ajoutaient bien des malheurs et tortures aux peines des prisonniers. L’auteur le résume très bien, les prisons anglaises au XVIIIe siècle n’étaient qu’un « entassement de toutes les misères » (l.11), auquel il fallait remédier.
C’est ce qu’a commencé à faire « le généreux Howard » (l.13), autrement dit John Howard, pour s’assurer que les « iniquités » (l.12), c’est à dire les péchés, ne soient plus « consommées dans un profond mystère » (l.13). John Howard est donc l’un des premiers à s’indigner des conditions de vie des prisonniers en Angleterre. En effet, après avoir passé plusieurs mois dans une prison française, il rentre chez lui et commence à inspecter les prisons autour de lui. Horrifié par ce qu’il découvre, il entreprend une inspection d’une grande partie des prisons du pays avant de publier son rapport en 1777 : The State of the Prisons. Grâce à lui, le Parlement publia une série de nouvelles mesures en 1779, notamment pour que les prisonniers aient des cellules individuelles, et des bâtiments différents pour les hommes et pour les femmes. Howard et Bentham s’inscrivent dans un courant de pensée qui renouvelle la façon de voir le droit pénal, l’enferment des individus et l’utilité du système. En effet, Bentham ajoute à l’idée de priver « de leur liberté les individus qui en ont abusé » (l.1) une dimension nouvelle : « réformer les moeurs des personnes détenues ». En effet, pour lui, la prison doit permettre aux condamnés d’apprendre de leurs erreurs et d’en ressortir différent, afin de les empêcher de commettre de nouveaux crimes après leur libération. Il plaint la négligence de cette « réformation » ligne 7. Il est vrai, cette « indifférence barbare » dont parle l’auteur ligne 8 insinue que le modèle traditionnel du châtiment corporel ou de l’exécution publique devrait laisser place à une conception de la peine qui a pour but la réhabilitation du criminel. Pour Bentham et les philosophes qui suivent le même chemin de pensée, la prison ne devrait plus seulement être un lieu où les prisonniers attendent leur exécution, un lieu qui renvoie à « la terreur de l’exemple » (l.3), mais plutôt devenir une peine en soi, un moyen de réformation sociale et morale du criminel.
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