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Nourriture au 17ème siècle

Fiche : Nourriture au 17ème siècle. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  11 Mars 2016  •  Fiche  •  1 588 Mots (7 Pages)  •  1 460 Vues

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Il va sans dire que le Français du grand siècle n'entretenait pas avec la nourriture ce rapport désabusé et blasé qui est souvent le nôtre. En ces temps la subsistance demeurait un combat quotidien pour beaucoup, plus pour l'humble manouvrier de Saintonge que pour le riche bourgeois de Paris, c'est certain. Mais même un certain Louis Dieudonné, tout roi de France et de Navarre qu'il était, ne pouvait ignorer la détresse de populations en proie aux malheurs de la guerre (blocus, montée des prix etc.); aux assauts de la sécheresse et du gel, destructeurs de récoltes encore sur pied. Comme on le verra plus bas, il lui arriva d'agir en personne. De plus le "petit âge glaciaire" (trois siècles de refroidissement notable du climat) se manifestait bien souvent, lui qui gela son vin dans les carafes de Versailles, au cours des bien froides années 1694 et 1709.

Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es. Cette célèbre phrase du XVIIe siècle, si elle peut encore s'appliquer en 2012, prend tout son sens durant l'époque qui nous intéresse ici. En effet, à cette question, plus de 3/4 des Français n'auraient pas répondu autre chose que: "du pain, de la soupe". N'en déplaise au grand Rubens, à Brueghel et aux célèbres frères Le Nain; les intérieurs paysans débordant de charcuterie, de gibier, de coupes remplies de vins aux couleurs chatoyantes... sont plus une vision idéalisée et extrêmement minoritaire de la condition paysanne qu'autre chose

Car l'écrasante majorité des paysans (qui forment le gros de la France, donc) se nourrissent avant tout du tandem pain/soupe, le premier étant souvent trempé dans la seconde. En plus d'être un symbole religieux évident, le pain est tout simplement la calorie la moins coûteuse du temps. Il suffit de constater la floraison des "émotions populaires" (terme de l'époque), dès qu'il se raréfie et que son prix monte, pour prendre la mesure de son importance (encore en 1789). Or, cet aliment pouvait absorber jusqu'à la moitié des dépenses annuelles d'une famille! Plus volontiers fait de seigle, froment ou sarrasin que de blé, il ressemble également bien peu à notre léger pain blanc, apanage de ceux qui ont de l'argent. D'ailleurs celui-ci n'est d'aucun intérêt, car il ne tient pas assez au corps. Or c'est bien là le but : un adulte en avale donc trois livres et plus par jour de manière à supporter sa journée de travail. Les plus aisés peuvent le produire chez eux, tandis que la plupart le cuisent au four communal ou seigneurial (bien sûr payant). Mais si la bouillie de maïs le complète avantageusement dès 1620-1650 (la plante d'Amérique touche la France en ces années-là, dans le sud-ouest), ce n'est pas le cas de la pomme de terre qui fait l'objet de résistances stériles. L'Église ne l'appelle-t-elle pas "la plante du diable", rapport au fait qu'elle pousse sous terre? Résultat; alors que les pêcheurs allemands de la Moselle se servaient de frites (oui, vous avez bien lu) pour pêcher l'hiver... Il faut attendre Louis XVI et un certain Parmentier pour que le tubercule soit adopté sereinement en France, donc très tard.

Elle aurait pu rendre d'éminents services bien avant! Dans un même ordre d'idée il faut patienter jusqu'au règne de Louis XV (1715-1774) pour qu'une province puisse enfin vendre du blé à une autre province, pour juguler l'effet des mauvaises récoltes par exemple. Jusque-là ce marché était dominé par des spéculateurs (qui ne disparaissent évidemment pas) dont la spécialité était d'acheter les céréales aux paysans, les stocker, puis les revendre à prix d'or en période de disette. Nicolas de Vandières (le père de Colbert) s'était même lancé dans la chose (mais à Paris): voyant la guerre de Trente ans arriver en France (le pays s'y engage en 1635), il avait accumulé du blé dans un sien grenier, espérant l'écouler à son avantage en période de manque. Trop rempli, ledit édifice s'était écroulé, causant la banqueroute de son propriétaire! On l'a dit, le pain est couplé avec de la soupe, plus claire que grasse, plus faite de racines et de pois que de carottes et navets, que l'on vend. Ceux qui le peuvent y font tremper un morceau de lard (essentiellement en milieu forestier, où prospèrent mieux les porcs). Les gens des régions méridionales y ajoutent les dernières gouttes non vendues de la production d'huile de l'année. Quant à elles, les populations maritimes tempèrent l'effarante monotonie des repas par l'adjonction de crustacés, coquillages et autres poissons. La proximité de la mer aide aussi en cela qu'elle fournit à vil prix le sel, seule manière de conserver les aliments et source d'iode comme de sodium. Ailleurs il est plus ou moins taxé (la fameuse gabelle). Ainsi rare en milieux montagnard; il a fait dire à Montesquieu (au siècle suivant) que les habitants de l'arc alpin étaient des "crétins des Alpes". Non par méchanceté, mais car leur manque de sel induisait des carences en sels minéraux pourtant indispensables. Les contrebandiers (dits "faux-sauniers") sont donc nombreux à tenter de contourner le monopole des greniers à sel royaux. Inutile de dire qu'ils sont impitoyablement pourchassés. Une fois de plus la petite histoire éclaire la grande; en effet acheter une charge de grenetier du grenier à sel constituait souvent un tremplin pour les générations futures: le chancelier d'Aligre (théoriquement le deuxième personnage de l'état sous l'Ancien régime) qui officiait sous Louis XIV descendait de tels ancêtres, et non pas de nobles ayant participé aux croisades! En dessert on peut consommer quelques mauvais fruits (les bons étant vendus), le reste de fromage (même commentaire), voire un rayon de miel. Ce qui est frappant, c'est l'absence quasi chronique de viande, surtout rouge, souvent cantonnée à quelques fêtes importantes. La recherche d'une plus grande abondance d'alimentation carnée fit l'objet d'un long combat qui ne prit réellement fin qu'avec Napoléon III. En effet, à l'instar des produits précédemment cités et auxquels il faut rajouter œufs, légumes, fruits (aux variétés bien plus étoffées que de nos jours) et lait, les bêtes sont pour l'essentiel vendues. Pourquoi? Tout simplement car l'impôt du roi s'acquitte en numéraire, il faut donc des espèces sonnantes et trébuchantes gagnées par la vente au marché pour l'honorer. De plus, cette contribution est en augmentation sensible depuis 1635 (la guerre, toujours la guerre: de 1635 à 1659, de 1667 à 1668, de 1672 à 1678, de 1689 à 1698, de 1702 à 1713 pour les principales du siècle...). On a beau croire dans les campagnes que "mort le roi, mort l'impôt", rien n'y fait. De plus la chasse est réservée aux nobles (et à quelques ecclésiastiques par l'intermédiaire de leurs domestiques), même constat pour la pêche en eau douce. Évidemment il ne faut pas se leurrer: le braconnage était pratiqué à l'envi (officiellement un paysan ne peut tuer le rongeur qui dévore ses cultures, c'est au noble de le faire...).

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