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La crise de mai 68

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Par   •  24 Novembre 2018  •  Dissertation  •  17 195 Mots (69 Pages)  •  1 117 Vues

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La triple crise de mai-juin 1968

        De la crise de 1968, tout le monde s’accorde à dire qu’elle était « imprévisible » et qu’elle présente des traits de profonde nouveauté. Cette révolution du Verbe –qui le plaça au plus haut, qui pensa que le Verbe pouvait transformer la société-, aboutit –au moins temporairement- à renforcer le pouvoir en place (la droite, et notamment son expression gaulliste ressortit des élections de juin 68, plus forte et plus dure que jamais). Elle ébranla l’Université d’où elle était partie, les appareils idéologiques (partis, syndicats) et en fin de compte toute la société au travers de revendications si évidemment globales, qu’elles ne pouvaient concerner un simple groupe d’  « enragés »[1].

        Les causes de cette crise ne sont pas pour autant faciles à discerner : 68 en effet conjugue à l’évidence plusieurs crises :

  • une crise universitaire : c’est elle qui est en tout cas le détonateur. Même si cette crise universitaire est plus –nous le montrerons- qu’une crise de l’Université.
  • une crise sociale : elle le devient en tout cas après la première manifestation du 13 mai et les premières grèves avec occupation d’usines, qui bientôt concerneront 10 millions (9) de grévistes et contribuent à donner une orientation plus traditionnelle au mouvement.
  • Une crise d’un système politique autoritaire et bureaucratique, du moins vécu comme tel par les contestataires qui, remettant en cause les rapports de pouvoirs entre enseignants et enseignés, gouvernants et gouvernés, tendent à rejeter l’ensemble du système politique, considéré comme suranné. En ce sens, leur démarche est bien une démarche révolutionnaire.

Mais quand on a à ce point signifié la crise, au risque de la schématiser, on en vient à oublier que cette crise n’est que la version française d’une crise plus générale, qui a intéressé l’ensemble des pays « occidentaux », voire même certains pays de l’Est (Pologne, Tchécoslovaquie), sans parler du Japon où l’organisme étudiant Zeu jakureu sert de référence mythique aux groupes révolutionnaires français.

        Il n’en reste pas moins que cette crise a pris en France un aspect qu’elle n’a, à ce degré, revêtu nulle part ailleurs, faisant du mouvement, selon M.Winock « une extraordinaire kermesse aux désirs ». Il remarque d’ailleurs judicieusement : « Aucune crise, depuis les 72 jours de la Commune de Paris (et encore) n’avait eu à ce point la faculté de synchroniser tant de protestations distinctes, de saper les valeurs symboliques de la société entière, d’ébranler la chaîne des institutions les plus éloignées des centres de décision proprement politique. »

        Aucune autre crise, même 1848, n’a posé de tels problèmes d’intelligibilité. Le rapport  avec 1848 n’est pas fortuit. On retrouve – jusqu’à l’adjectif soixante-huitard- la même illusion lyrique, le même empire du discours, le même messianisme révolutionnaire. Jusqu’aux prodromes qui y ressemblent : « la France s’ennuie » (article de Viansson-Ponté dans le Monde). Pourtant 1968 présente un arrière plan profondément différent : la conjoncture économique est « haute », la croissance française est à son niveau le plus élevé depuis l’après-guerre, même si certains phénomènes commencent à se faire jour (montée du chômage, crise du travail). Il est donc peu vraisemblable que les causes économiques aient pu jouer un rôle déterminant dans le développement des évènements.

        Plus intéressant peut-être, l’arrière plan démographique et les effets sur la perception du politique : les années 60 sont celles où commencent à arriver sur les bancs de l’Université ou sur le marché du travail les bataillons serrés du baby boom. Et ceci est vrai dans la plupart des pays occidentaux.

        Différentes lectures de la crise privilégient, l’une, le social (pour D. Borne : le mouvement de mai traduit à la fois la peur du déracinement, l’adieu difficile aux vieilles communautés et le rejet de toutes les valeurs qui étaient consubstantielles à ces enracinements[2]), l’autre, le politique (M.Winock : « s’il faut, aux valeurs affirmées par le mouvement de mai, des barricades, on peut conjecturer que la machine autoritaire et bureaucratique de l’Etat y a été pour beaucoup…De sorte que sous les apparences d’une crise avant tout culturelle, il se pourrait que la structure politique reste, par ses déséquilibres, le centre de l’explication[3]. »), une autre enfin, l’économique mêlée au social (S. Bernstein : « Si cette contestation d’ensemble a un versant politique, celui-ci n’est que la conséquence d’une remise en question plus vaste qui est la réaction de sociétés affrontées au problème nouveau de la croissance économique »)

        La tentative de compréhension de la crise butte encore sur un double écueil :

                -le risque de prendre Paris pour toute la France,

-le risque de prendre l’action de quelques groupes très politisés, comme représentation de toute la population concernée.

        Il n’en reste pas moins que ces derniers ont représenté d’une manière certaine un mouvement qui n’a pas désavoué ses portes paroles d’occasion ; même si tous ne partageaient pas les objectifs et les vues stratégiques des leaders, ils en épousaient assez bien le discours anti-autoritaire. Il n’en reste pas moins que semblablement à 1848, la France regardait Paris et Paris regardait la Sorbonne et Nanterre.

I. UNE CRISE UNIVERSITAIRE :

  1. Les manifestations de la crise universitaire :

2 aspects de la crise universitaire :

  • l’Université est le premier théâtre où se déroule la crise,
  • la Crise met en cause l’Université en tant qu’institution et dans son fonctionnement.

L’Université est donc à la fois :

        -le théâtre d’actes, d’évènements qui sont, quant au fond et à la forme, extérieurs à elle-même (ainsi, de la lutte contre la guerre du Vietnam par exemple).

        -le levier d’une transformation « révolutionnaire » de la société.

        -l’objet d’une critique radicale quant à sa fonction et à son fonctionnement.

  1. La critique de l’Université :

-elle est d’abord ponctuelle : quand elle porte sur les conditions de vie :

                -résidences universitaires

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