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Couronnement de l'empereur byzantin, Traité des offices du Pseudo-Kodinos

Commentaire de texte : Couronnement de l'empereur byzantin, Traité des offices du Pseudo-Kodinos. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  27 Mai 2018  •  Commentaire de texte  •  3 155 Mots (13 Pages)  •  1 267 Vues

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Selon Feissel, « l’accession à l’Empire est en principe élective : l’empereur légitime est l’élu de l’armée, du Sénat et du peuple » (2004 : 83). Mais progressivement, c’est « l’idéal d’un empereur voulu par Dieu » qui s’impose et forme les « traits spécifiques de la monarchie byzantine […] : un pouvoir absolu et sans partage, de droit divin, exercé par un empereur orthodoxe, régnant sur une communauté héritière des romains » (Morrisson, 2011 : 145). Cet idéal monarchique se retrouve dans ce texte descriptif de la cérémonie de couronnement de l’empereur byzantin. Il est issu du Traité des offices du Pseudo-Kodinos, « le principal ouvrage relatif à la hiérarchie et au cérémonial aulique de Byzance pour l’époque des Paléologues (1261-1453) » (Guilland, 1967 : 701). Puisque selon Dagron, « il n’y a pas un modèle de couronnement, mais une adaptation aux circonstances, selon qu’on honore un homme nouveau ou un héritier » (Cheynet, 2006 : 72), ce texte qui propose une description précise du déroulement normé d’une cérémonie de couronnement, ne constitue pas un schème immuable. Au contraire, les empereurs sont libres de retenir « les éléments qui leur semblaient pertinents pour [la cérémonie] qu’ils projetaient » (Cheyney, 2006 : 78).

Dans un premier temps le texte décrit rapidement ce que fait l’empereur la veille et le matin de la cérémonie : d’abord entouré des archontes et de ses familiers au grand Palais, il est dès le lendemain rejoint par l’armée et la foule de Constantinople pour se rendre à Sainte-Sophie, la basilique de Constantinople. Est ensuite longuement décrite la profession de foi que l’empereur doit rédiger et remettre au patriarche œcuménique, l’évêque de la capitale. Vient après la description du lancer des épikombia, cadeau offert à la foule avant que l’empereur ne soit placé sur un bouclier et levé en l’air, symbole lui permettant de dominer la foule présente. Après avoir été acclamé, il est conduit à Sainte Sophie où il sera couronné par le patriarche et oint, afin de reconnaître son caractère sacré.  

Ainsi, puisque la description de la cérémonie du couronnement réalisée dans ce texte ne consiste pas en un « simple modèle ritualisé » (Feissel, 2004 : 83), l’on peut se demander ce qui au fond constitue l’essence même de cette cérémonie de couronnement et si cette dernière ne possède pas une dimension plus importante et profonde que la simple reconnaissance du pouvoir politique de l’empereur.  

Dans un premier temps, nous verrons que la cérémonie du couronnement se situe entre traditions et mise en scène du pouvoir au travers notamment du modèle ritualisé qui est proposé, de la mise en scène de la cérémonie dans ce lieu qu’est le grand Palais ou encore de la monstration des attributs du pouvoir. Puis, nous verrons à quel point la cérémonie est marquée par la religion, grâce d’une part à la profession de foi rédigée par l’empereur et par la cérémonie de l’onction par le patriarche, tout ceci concourant à conférer à l’empereur un véritable caractère sacré. Enfin, nous verrons l’importance de la cérémonie du couronnement dans l’affirmation du pouvoir de l’empereur dont la légitimité est reconnue par tous et qui dispose de prérogatives particulières sur l’Eglise.

Cette cérémonie du couronnement qui nous est ici donnée à voir s’ancre réellement dans une forme de tradition au travers de l’emploi du présent de vérité général. Cette description qui est de manière paradoxale à la fois précise et générale  - aucun nom d’empereur n’est cité, on se contente de signer « N. » (l.6 et 24) là où devrait apparaître le nom de l’empereur sur le document officiel qu’est la profession de foi -, a semble-t-il valeur de vérité générale. Ceci est renforcé par des formules du type : « l’usage est » (l.5), « il est d’usage » (l.32 à 33)…  Cette cérémonie hypothétique suit un enchainement d’actions qui semblent réglées de manière très précise tant temporellement « le soir qui précède » (l.1), « lorsque le jour se lève » (l.2), « vers la deuxième heure de cette journée » (l. 4) que structurellement : « après cela » (l.27, 34 et 58), « pendant que cela a lieu » (l.44), etc. Les lieux sont également très précisément décrits.

La cérémonie se déroule à Constantinople, puisque « les empereurs, à l’exception de Constant II, firent […] de Constantinople leur capitale exclusive » (Cheynet, 2006 : 77). L’empereur se trouve d’abord au grand Palais (l.1), l’un des plus grands ensembles architectural de Constantinople, avant de se rendre à la basilique Sainte Sophie (l.5) où aura lieu l’acte de couronnement. Ce grand Palais permet la mise en scène du pouvoir impérial. Lieu de multiples cérémonies, il est le témoin du pouvoir et de la soumission à l’empereur, ne serait-ce que par le « silence » que l’empereur peut y faire appliquer et le fait que son interlocuteur ne s’adresse jamais directement à lui lorsqu’il est assis sur son trône (Cheynet, 2006 :78). Ce grand Palais « abrite de multiples institutions du gouvernement impérial » et est donc un lieu important du pouvoir politique (Kaplan, 2006 : 259). Le triklinos (l.27) où monte l’empereur lors de la cérémonie sert également « aux banquets d’apparat » et est « précédé d’une cour entourée de luxueux portiques », luxe qui témoigne encore une fois de la grandeur de l’empereur (ibid.). C’est à Sainte-Sophie que l’empereur sera finalement couronné, dans « un petit édifice en bois préparé d’avance à cette fin » (l.41 à 42) avant de monter à « l’ambon » (l.54), la tribune placée à l’entrée du chœur de l’église.

Cette description de la cérémonie est également marquée par les attributs du pouvoir de l’empereur. Y sont mentionnés par exemple les « soieries rouges » (l.46), le rouge étant « la couleur impériale » par excellence (Failler, 1982 : 176), « les trônes dorés » (l.46), la « couronne » (l.44 et 52), etc. Cette supériorité de l’empereur se retrouve également dans la symbolique du bouclier. Des lignes 34 à 39, il est indiqué que l’empereur est « placé sur un bouclier [et] élevé en l’air ». Ceci lui permet d’apparaître comme « dominant la foule debout ». Ainsi, ce geste de porter l’empereur met en avant de manière symbolique sa toute puissance et sa supériorité face aux autres dignitaires qui le portent mais surtout face au peuple. Morrisson déclare à ce sujet que ce « vieux rite militaire de l’élévation sur le pavois [était] tombé en désuétude depuis Héraclius [mais] fut remis à l’honneur à partir de Théodore II » (2011 : 147). Ce rite du bouclier pourrait peut-être refléter de manière métaphorique le caractère « invincible » et « victorieux » de l’empereur (Feissel, 2004 : 83). Quoi qu’il en soit, il est le témoin de l’affirmation de la toute puissance de l’empereur. Mais cette toute puissance s’explique également par le caractère sacré que revêt son couronnement.

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