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Commentaire : Culture Antique

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Par   •  14 Novembre 2018  •  Commentaire de texte  •  2 513 Mots (11 Pages)  •  1 488 Vues

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Nolwenn Le Moigne                                                                                                    Cours de Jean-Claude Julhe

Culture Antique : Commentaire Composé

       « Le plus malheureux des hommes est celui qui ne plaît à personne. ». Cette citation de Martial, auteur Latin originaire d’Espagne, peut être mise en perspective avec les grandes idées du texte que nous allons étudier : il s’agit de la préface du livre XII des Epigrammes du même auteur, qui s’adresse à son ami Priscus. En effet, ce texte évoque la difficulté de Martial à écrire face à un public qui ne l’apprécie pas, et le mal-être qui en découle. Mais au-delà de cet aspect, cet écrit constitue également un hommage de Martial, latin d’Espagne, à son public Romain.

      Nous allons donc analyser cet extrait pour voir de quelle façon l’auteur tire profit de la description de ses difficultés d’écriture pour faire l’hommage de son auditoire de Rome.

      Pour cela, nous verrons dans un premier temps que l’éloignement géographique de son public romain et le manque qui en découle constitue un frein à sa production littéraire, idée constituant un hommage implicite. Ensuite, nous verrons que la dévalorisation de la province qu’effectue Martial dans ce texte est une autre façon pour lui de rendre hommage à Rome.

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      Dans un premier temps, nous allons voir en quoi l’éloignement géographique de l’auteur avec son public Romain est un frein à son aspiration, ce qui constitue un hommage implicite à cet auditoire.

      Dans cette préface, Martial nous apprend qu’il n’a pas écrit de textes, du moins pas de textes desquels il soit satisfait, depuis longtemps. En effet, il s’adresse à son ami Priscus, et on comprend à la fin du texte, avec la phrase « je voudrais que tu ne rechignes pas à les évaluer et à les examiner avec attention ; et, suprême difficulté pour toi, que tu portes sur mes bagatelles un jugement sans fard », que Martial a sans doute l’habitude de faire lire ses textes à son ami pour pouvoir les améliorer et juger plus objectivement de leur qualité. Or au début de cette préface, on voit que Martial s’excuse à Priscus de ne pas lui avoir adressé de textes depuis longtemps, puisque qu’il estime devoir lui présenter sa « défense pour ces trois années d’une langueur des plus rebelles », c’est-à-dire qu’il estime devoir s’excuser de ne pas avoir donné de nouvelles de son activité littéraire depuis trois ans. Cette idée d’inactivité littéraire de la part de Martial se confirme plus loin lorsque qu’il dit : « ne t’étonne donc pas que j’aie rejeté avec répugnance ce que j’avais l’habitude de faire avec zèle. ». Dans cette phrase, il parle bien évidemment de l’écriture. Il emploie, pour décrire son implication dans cette activité, deux termes qui viennent s’opposer : « répugnance » et « zèle ». Ce contraste nous éclaire sur l’évolution de son travail d’écrivain, car cela signifie qu’auparavant, il écrivait de façon zélée, donc régulièrement, intensément, et avec plaisir, tandis qu’au moment où il écrit cette préface, cette activité lui répugne, et il la rejette. Cela marque donc une évolution conséquente dans son activité d’écrivain.  

      Pour comprendre les raisons de ce ralentissement, voire de cette cessation du travail d’écrivain de Martial, il convient de se pencher sur son positionnement géographique au moment où il écrit cette préface.  En effet, on comprend qu’il ne se trouve non pas à Rome mais en province, dans son Espagne natale, puisqu’il parle de sa situation actuelle comme de « cette solitude provinciale ». L’analyse des termes de cette expression révèle qu’au-delà d’indiquer que Martial se trouve en province, elle indique aussi, grâce au terme de « solitude », que cette situation est vécue par l’auteur comme quelque chose de négatif, une forme d’isolement et de retraite. A ce sujet, d’autres éléments de ce texte nous permettent de comprendre que c’est cette situation de séparation, d’isolement géographique qui met un frein à l’inspiration et à la création littéraire de Martial, du fait de la nature même de ce dont il est séparé par l’espace. Car il s’agit du public Romain, comme plusieurs éléments nous permettent de le comprendre. Premièrement, le parcours biographique de Martial nous apprend clairement qu’il a partagé sa vie entre Rome et sa ville natale dans la région de Saragosse en Espagne, et on retrouve l’opposition entre ces deux lieux par l’emploi des termes « solitude provinciale » ou encore « petite localité » pour désigner sa ville espagnole, et l’usage de l’expression « la Ville » pour désigner Rome, qu’il décrit, comme nous allons le voir, comme un lieu d’effervescence culturelle, sociale, et intellectuelle, ce qui contraste avec l’ennui et la malveillance sociale semblant caractériser sa vie de province. Et c’est justement le manque de ce mode de vie Romain qui semble compromettre la production littéraire de Martial. En effet, les mots « les oreilles de mes concitoyens, auxquelles je m’étais habitué, je les cherche en vain, et que j’ai l’impression de plaider devant un tribunal étranger », parlant de son public Romain, traduisent l’idée que loin de Rome, Martial est loin de son public favori et habituel, ce qui le perturbe puisqu’il dit les chercher « en vain ». Cette absence de congruence entre l’action (la recherche du public) et son résultat (ne pas réussir à retrouver ce public) accentue l’idée du manque, qui revient d’autant plus clairement dans cette phrase : « ce que nous avons abandonné en faisant le délicat, nous le regrettons comme si nous en étions dépossédé. ». Ici, l’emploi du verbe « regretter » ne laisse plus de doute sur les émotions de Martial face à son éloignement géographique de Rome.  Or de façon générale, on peut dire que ce qui nous manque, ce que l’on regrette, est ce que l’on aime : ainsi, Martial rend implicitement hommage à son public Romain en exprimant ses émotions négatives compte tenue de sa distance avec lui. Cet hommage indirect passe également par la description de la qualité intellectuelle et culturelle de son public Romain : en effet, Martial explique aussi ses difficultés actuelles de production littéraire par la disparition de la stimulation intellectuelle que provoquait chez lui la qualité de son public Romain. Cela est très clair dans cette citation : « si les petits livres qui sont miens ont quelque agrément, c’est l’auditeur qui l’a dicté ». Pour Martial, le public Romain est donc au cœur du processus d’écriture, l’auteur donne l’impression de tout devoir à son public quant à la qualité de son œuvre littéraire, ce qui explique que l’absence de ce dit public mette à mal le rythme de sa production. Cela implique donc que le public Romain est selon Martial un auditoire de grande qualité, ce qui constitue une forme d’hommage. Cette idée se confirme avec la description méliorative que l’auteur fait de la ville et de ses habitants, au sujet desquels il évoque « cette subtilité de jugements, cette richesse de sujets, les bibliothèques, les théâtres, les réunions où, sans qu’ils s’en aperçoivent, les plaisirs s’adonnent à l’étude ». Ainsi, on comprend que si Martial rencontre des difficultés à écrire, c’est parce que la ségrégation spatiale avec Rome que construit sa présence en province l’éloigne du public Romain, alors que c’est lui qui le stimule et l’inspire du fait de ses grandes qualités culturelles et intellectuelles. Ce phénomène, grâce au portrait positif de Rome que sa description fait effectuer à Martial, constitue une forme d’hommage à l’auditoire de Rome.

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