De l'espace européen aux territoires de l'Union européenne

GEOGRAPHIE

De l'espace européen aux territoires de l'Union européenne

L'un des objectifs essentiels de l'Union européenne est de réduire les écarts et les inégalités socio-spatiales entre les territoires européens. Pour cela, l'Union européenne s'est dotée d'institutions spécifiques et consacre à ce projet au moins 80 % de son budget.
Mais cette politique européenne qui tente de répondre à des enjeux politiques et sociétaux importants, est source de débats au sein de la principale organisation d'un continent aux limites floues, fondamentalement partagé entre unité et diversité.

1. Europe, « Europes »: un continent entre unité et diversité

Une unité qui repose sur l'identité européenne

• L'Europe n'est pas vraiment un continent au sens géographique du terme, mais plutôt un isthme dans le prolongement de l'énorme continent asiatique : elle n'est pas clairement limitée par des mers et des océans (certains considèrent d'ailleurs que c'est l'Eurasie qui est un continent). Sa définition pose donc problème car elle n'a pas de limites physiques probantes.
Il faut donc chercher dans la tradition les frontières de l'Europe que l'on fixe depuis le xviii e siècle au niveau de l'Oural. À l'époque, le tsar Pierre le Grand voulait rattacher la Russie occidentale à une Europe dynamique et moderne. Mais ce choix a posé un nouveau problème. La Russie est-elle européenne ? Asiatique ? Ou bien les deux à la fois ? Les limites sud et nord du continent posent aussi problème : l'Islande, les Açores, les Canaries, les enclaves espagnoles au Maroc sont-elles européennes ? Toutes ces questions font d'autant plus débat qu'il est impossible d'intégrer l'Union européenne sans avoir au moins une partie de son territoire en Europe.

• Il est cependant intéressant de constater que si la définition géographique du continent européen n'est pas simple, le mot « Europe » est en revanche facilement utilisé pour désigner à la fois le continent, mais aussi l'Union européenne, la civilisation, ou encore le projet politique européens, etc.
Il paraît donc que l'existence d'une identité européenne aille de soi à la fois dans l'esprit des Européens mais aussi dans celui des autres peuples. Cette identité européenne est très largement le produit d'une longue histoire qui a permis l'émergence d'une véritable conscience européenne fondée sur des valeurs communes. Ces valeurs sont le produit de plusieurs périodes historiques et d'idées qui ont marqué l'Europe : l'Antiquité gréco-romaine, l'Humanisme, les idées des Lumières, les idées de la Révolution française et leur expansion sous l'Empire, la période de l'industrialisation sans oublier l'impérialisme européen qui a répandu les valeurs de la démocratie, des droits de l'homme et des libertés individuelles dans le monde. Pourtant, derrière cette apparente unité culturelle se cache une réalité beaucoup plus complexe.

Mais une réelle diversité : une mosaïque d'États et de cultures

• L'Europe est en effet constituée d'une mosaïque de peuples et de cultures : plus de 200 langues (dont 23 sont officielles à Bruxelles), trois alphabets (latin, grec, cyrillique), et plusieurs religions.
De ce point de vue, même si le christianisme est majoritaire, il n'est cependant pas forcement facteur d'unité entre les catholiques à l'Ouest et au Sud de l'Europe, les protestants au Nord et les orthodoxes à l'Est. Ces trois religions chrétiennes se sont d'ailleurs violement opposées par le passé (schismes, guerres de religion, etc.) et même si leurs relations se sont pacifiées aujourd'hui, elles ont participé à l'émergence de sociétés aux cultures différentes.
Le christianisme n'est pas la seule religion européenne : les deux autres monothéismes, l'islam et le judaïsme sont également présents depuis des siècles sur le continent, de même que d'autres religions. L'islam est ainsi implanté de longue date dans le Caucase et les Balkans ; c'est une religion qui est de plus en plus représentée en Europe de l'ouest du fait des apports migratoires des dernières décennies.

• Au-delà de la multiplicité des religions, il y a en fait de nombreux groupes ethniques en Europe, qui est loin de présenter un visage homogène. Cette mosaïque ethnique est ancienne et n'est pas uniquement le produit des apports migratoires récents.
Cette diversité européenne explique les débats et les levées de boucliers provoqués par la volonté de certains États membres d'inscrire le christianisme comme l'un des fondements de l'Europe. L'Europe n'existe certes que par une identité culturelle et des valeurs communes dans lesquelles se reconnaissent les Européens. Mais ces derniers se reconnaissent plus ou moins dans cette identité selon la conception qu'ils en ont.

2. L'Union européenne : frontières et limites, une union d'États à géométrie variable

Un morcellement récent des frontières intérieures

• L'Europe n'est pas seulement le produit de plusieurs millénaires d'histoire, elle est aussi le produit de plusieurs milliers de conflits et de guerres qui ont successivement opposés des ethnies, des empires, des royaumes puis, à partir du xixe siècle, des États-nations (État avec des frontières limitant le territoire d'une population se considérant comme une nation : ce concept est une invention européenne). Les deux derniers siècles ont vu une explosion des nationalismes en Europe : de nombreux peuples se considérant comme des nations ont réclamé leur propre État souverain.

• Cette situation a été à l'origine de nombreux conflits récents qui ont abouti à la création de nouveaux États (par exemple la guerre en ex-Yougoslavie). La modification des frontières européennes a aussi été provoquée par l'éclatement du bloc de l'Est (URSS, Tchécoslovaquie) à partir de 1989.
Ces événements ont donné naissance à 15 nouveaux États (plus trois dans le Caucase) et à une importante recomposition territoriale (réorganisation géopolitique d'une région par la création de nouveaux États, la modification de frontières, les mouvements de population). 27% des frontières européennes ont été créées depuis 1991.
Aujourd'hui l'Europe, le plus petit continent du monde, est l'un des espaces les plus fragmentés politiquement : 22 États en 1914 contre 49 aujourd'hui (20,7 % des États du monde, pour environ 3 % de la superficie des terres émergées) ! 

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