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Analyse linéaire de l'âme du vin

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Par   •  16 Décembre 2023  •  Commentaire de texte  •  1 277 Mots (6 Pages)  •  222 Vues

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Texte n°12 : L’âme du vin

Introduction : Baudelaire fait paraitre en 1857 Les fleurs du mal, recueil de poèmes au titre programmatique puisqu’il repose sur une antithèse. Ce recueil qui vaut à Baudelaire un procès à l’issue duquel quelques poèmes sont condamnés et retirés, lance ce qu’on peut appeler la modernité en poésie. C’est Baudelaire lui-même qui invente l’idée du poète moderne, capable de percevoir l’éternel dans le transitoire et dans la mode. Dans la 3e section de cet ouvrage, Baudelaire explore l’un des moyens d’échapper au Spleen et à l’Ennui : Le Vin. Ce thème, lié à celui du haschisch, Baudelaire le traite aussi dans les Paradis Artificiels paru en 1860, où il l’analyse de façon de façon objective et philosophique. Au contraire, dans les Fleurs du Mal, les 5 poèmes consacrés au vin s’attachent à 5 aspects du vin qui permettent de transformer dans une alchimie poétique la réalité de la douleur humaine en Paradis Artificiels. Dans le 1e de ces 5 poèmes, l’Ame du Vin, il propose une vision du vin comme un élixir d’une médecine de l’âme qui redonne force et vitalité à l’Homme « usé par des travaux ». Le poème est composé de 6 strophes en alexandrins aux rimes croisées dans lesquelles l’âme du vin a la parole. Nous verrons comment se passe l’alchimie qui donne naissance à la poésie. Les 3 premières strophes évoquent la tombée du vin dans la poitrine de l’Homme et les 3 suivantes la transformation de l’Homme jusqu’au jaillissement de la poésie.

I – La tombée du vin dans la poitrine de l’Homme

  1.  Le chant
  • 1e strophe ouvre un récit propice à quelque chose de beau qui va se passer : « un soir, l’âme du vin chantait dans les bouteilles » avec le CCT un soir, l’imparfait du récit et la bouteille qui lance l’action
  • « L’âme du vin chantait dans les bouteilles » : rythme régulier, impression de musique. Musique et chant sont liés au lyrisme, qui se manifeste également grâce à l’interjection « Ô chers » « je » « ! »
  • Le décor est concret, précis et presque mythique : concret car mention du temps, bouteille, verre et cires vermeilles et légendaire car c’est un chant dans les bouteilles
  • L’Homme ouvre et ferme le vers 2 « homme » « déshérité » : déshérité signifie qu’il a besoin de quelque chose pour le rendre riche
  • Proximité entre l’Homme et le Vin : v.2 « vers toi » et « fraternité » v.4
  • Chant évoqué est clair : mise en valeur des sonorités, assonances en è v. 3 « ver » « vermeilles ». Les sonorités se répondent, formant un écho
  1. Le Vin a conscience d’être crée par l’Homme
  • L’Homme est clairement le créateur : 2 verbes « engendrer » « donner ». Il est presque divinisé
  • Le vin est le fruit du travail de l’Homme : rythme ternaire « De peine, de sueur et de soleil cuisant ». L’allitération en s insiste sur la difficulté du travail
  • L’évocation du feu renforce cette difficulté : « cuisant » « en flamme »
  • Le vin montre de la reconnaissance et de la bienveillance envers l’Homme, l’échange presque moral justifie la transportation
  1. La chute du vin
  • Plus dans la raison mais dans les sentiments : « car j’éprouve » qui ouvre la 3e strophe
  • La joie est exprimée par l’allitération en j : « Car j’éprouve une joie immense quand je tombe » et l’inversion de l’adjectif et du nom « joie immense »
  • La structure de cette 3e strophe en chiasme insiste la tombée « j’éprouve, gosier, poitrine, caveaux »
  • On note l’insistance sur les caveaux et la chute avec « je tombe » « la tombe » « caveaux »
  • Chiasme et enjambement renforcent l’idée de la mort « je tombe / dans »
  • La poitrine est douce et chaude : adjectifs mélioratifs

II – L’alchimie et la transformation

  1. Communion très forte entre l’Homme et le Vin
  • Cette communion très forte laisse place à une espèce d’ambiguïté, puisque dans « entends-tu » le « tu » désigne l’Homme mais « mon sein » désigne le Vin : ambiguïté dans les pronoms. Le sein est un attribut humain : le physique de l’un peut donc être attribué à l’autre
  • L’Homme glorifie le vin et non Dieu malgré le fait que cette action se déroule un dimanche, jour de repos et jour de messe. Plusieurs allusions à la messe sont présentes « les refrains » « glorifieras » « entends-tu retentir » : allitération en t et assonance en en rappelle les cloches
  • Le poète remplace Dieu par un paradis artificiel qui promet le bonheur
  • Le vin est prophétique « tu me glorifieras » : futur de prédiction
  1. Le vin guérit
  • Le vin guérit les fatigues de la vie avec des verbes d’action : « allumerai » « rendrai ». Le préfixe re « rendrai » « raffermai » prouve qu’il retourne à un état antérieur
  • Le Vin transforme la réalité, la réalité quotidienne prend une autre dimension : une dimension qui enferme, marquée par un chiasme : « J’allumerai les yeux de ta femme ravie ; A ton fils je rendrai sa force et ses couleurs ».
  • La réalité est pauvre et banale : le fils est frêle, faible, il a perdu ses couleurs il est qualifié avec un oxymore « frêle athlète » et la femme est fatiguée et a les yeux éteints. Or justement, la réalité est transformée avec le vin. On assiste à une transfiguration de la réalité
  • Le pouvoir du vin est magnifié et comparable à celui de l’huile des gladiateurs antiques
  • On passe de « ton fils » et « ta femme » à « de lutteurs » : on sort du cadre intime pour passer à un cadre presque mythique. Le vin a alors la proportion d’un mythe
  1. Acmé du poème
  • La strophe 6 est l’acmé du poème, soit le point de perfection absolue car le vin ne transforme plus uniquement la réalité extérieure mais également celle intérieure, on entre dans l’intimité avec le passage de « je tombe dans le gosier » à « je tomberai en toi »
  • L’intimité entre l’Homme et le Vin est si forte qu’elle est explicitée « notre vin »
  • La dimension spirituelle est de nouveau présente avec les qualifications du vin qui sont « végétale ambroisie » « nectar des dieux »
  • Un cycle s’est fait puisque le chiasme met en valeur les adjectifs précieux avec les diérèses
  • Le cycle de chute avec « jeté » évoque la mort nécessaire pour vivre une 2e partie des phénomènes « jaillira »
  • La mort qui fait renaitre les choses produit « une rare fleur » ce qui rappelle le titre du recueil Les fleurs du mal

Conclusion : Pour conclure, Baudelaire bien qu'il fasse l'éloge du vin, n'en abusait pas, c'était un amoureux du vin. Pour lui, le vin fait partie des exhausteurs de vie pour s'échapper, chasser le « spleen », s'enivrer de la vie en somme. Cependant, il ne s’agit pas forcément de s'enivrer de vin, mais de tout ce qui permet de se sentir en vie, sans être entravé par le temps, la vie, les fardeaux : cela peut être le vin, la poésie ou la vertu. La vie se remplit de petites joies simples. Il le voit comme une bénédiction pour ses contemporains sans avoir paradoxalement expérimenté l'ivresse et tout en condamnant l'abus d'alcool dans son poème « le vin de l'assassin » qui tue sa femme pour boire sans reproche.

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