Les actes de gouvernement
Dissertation : Les actes de gouvernement. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Louvrette • 14 Mars 2023 • Dissertation • 2 173 Mots (9 Pages) • 500 Vues
TD 4 droit administratif : Les actes de gouvernement
Récemment, la Haute assemblée du Conseil d’Etat a confirmé que nommer quelqu’un au gouvernement était un acte de gouvernement et qu’elle n’était pas compétente pour contrôler la légalité de cet acte (Conseil d’Etat :3 août 2021, n°443899). Éric Dupond-Moretti a donc été nommé garde des sceaux. Cependant, il est actuellement concerné par une affaire judiciaire. Il devient donc légitime de se demander s’il était judicieux de considérer cet acte comme un acte de gouvernement. A noter qu’il s’agit ici seulement d’un exemple d’acte de gouvernement sans prise de parti. La limite entre ce qu’est et ce que n’est pas un acte de gouvernement peut donc s’avérer très subtile.
On parle d’actes du gouvernement pour des mesures qui sont prises par le Gouvernement, mais qui échappent au principe de légalité et bénéficient d'une totale immunité de juridiction. Aucuns types de recours contentieux ne peuvent aller à l’encontre d’un acte de gouvernement que ce soit par voie d’action ou d’exception. La difficulté d’appréhension de cette notion provient principalement du fait que le gouvernement peut exécuter des actes administratifs autant que des actes politiques. Edouard Laferrière a alors considéré que la fonction de gouverner était l’objet même du gouvernement dans sa définition de la notion de gouverner : « Gouverner, c’est d’abord veiller à l’observation de la constitution, au fonctionnement des grands pouvoirs publics (Parlement et Gouvernement) et assurer les rapports du Gouvernement avec les chambres et ceux de l’État avec les puissances étrangères ». On retrouve alors dans cette définition les deux domaines d’application des actes de gouvernement : la relation entre les pouvoirs publics et la relation de l’Etat avec les puissances étrangères.
La plupart des juristes situent l'origine de l'acte de gouvernement au début de la Restauration. Dans l’arrêt « Laffite » de 1822, le Conseil d’Etat ne veut pas contrôler les actes présents car il les considère comme politique. C’est ainsi qu’au XIXe siècle, un mobile politique suffisait pour qualifier un acte comme acte de gouvernement. Un autre exemple est l’arrêt « Duc d’Aumale » de 1867 dans lequel le mobile politique est aussi employé. Cependant les choses ont évolué par la suite. Ce critère du mobile politique a été abandonné dans un arrêt fondamental du 19 février 1875, l’arrêt « Prince Napoléon ». Dans cette affaire, le Gouvernement supprime le nom du prince Napoléon Joseph Bonaparte de l’annuaire militaire qui conteste cette décision. Le Gouvernement estime alors que ce recours est irrecevable, car il s’agit d’un acte de gouvernement pris dans un but politique. Toutefois, le Conseil d’État accepte de contrôler la légalité de la décision. Il se déclare, par la suite, compétent pour connaître la légalité de cet acte et estime que désormais, pour qu’un acte soit un acte de gouvernement, il ne suffit pas qu’il soit dicté dans un intérêt politique.
Ce sujet permet donc d’analyser la notion complexe et encore aujourd’hui très floue d’acte de gouvernement et de comprendre les enjeux actuels qui tournent autour de cette notion. C’est donc au vu de ces mêmes enjeux que vient se poser la question suivante : Faut-il mettre un terme à la théorie des actes de gouvernement ?
Annonce de plan : Il s’agit dans un premier temps de caractériser la manière dont l’existence des actes de gouvernement a conduit à la limitation du principe de légalité (I), pour se tourner ensuite vers l’appréciation actuelle de cette théorie (II).
- La théorie des actes de gouvernements : une limite au principe de légalité
Si l’existence de la théorie des actes de gouvernement est justifiée par plusieurs raisons tant historiques que pratique (A), elle reste une entorse au principe même de légalité (B).
- La justification de l’existence des actes de gouvernement
L’existence des actes de gouvernement bien que paraissant controversé de prime abord, est en réalité justifiée par différente raisons.
Tout d’abord, la première d’entre elle est bien sûr historique. La théorie des actes de gouvernement trouve son fondement dans la jurisprudence du Conseil d’Etat, elle ne repose sur aucun texte. Il s’agirait selon la doctrine de ce qu’il reste de la raison d’Etat. Une définition de la raison d’Etat est qu’il s’agit « du principe au nom duquel un État s'autorise à violer le droit et la loi au nom d'un critère d'intérêt supérieur. ». André Gros ( juriste, professeur et juge à la cour internationale de justice) considère que l'intérêt national permet parfois de justifier les atteintes portées au droit et à la légalité. Suivant cette idée, les actes de gouvernement priment sur la légalité, afin de défendre l’intérêt général.
Ensuite, en vertu de la séparation des pouvoirs, le juge est incité à limiter son pouvoir afin de ne pas jouer un rôle trop prépondérant. Les actes de gouvernement permettent donc de limiter un éventuel déséquilibre entre les trois ordres. Cette conception des actes de gouvernement se retrouve dans l’arrêt du Conseil d’État de 1999, « Mme Ba », où le juge administratif affirme ne pas pouvoir contrôler la qualité des personnes nommées comme membres du Conseil constitutionnel.
Par ailleurs, les actes du gouvernement sont justifiés par le mobile politique. Bien que ce mobile n’ait pas un caractère décisif, un grand nombre de ces actes sont en réalité très politisé. Cela nuit à la limite qui existe entre la légalité et la politique qui devient alors très mince.
Enfin, il peut être ajouté une dernière justification aux actes de gouvernement. Ces actes bénéficient d’une immunité juridictionnelle parce qu’ils mettent en œuvre la fonction gouvernementale de certaines autorités. La fonction administrative s’exprime par des actes administratifs unilatéraux tandis que la fonction gouvernementale s’exprime par des actes de gouvernement.
Malgré la justification apportée à l’existence des actes de gouvernement, le fait est que l’in- susceptibilité de tout contrôle juridictionnel constitue une forte limite au principe de légalité.
- Une théorie controversée : L’incompétence du juge pour contrôler la légalité de ces actes
Il existe dans le domaine des actes de gouvernement une jurisprudence abondante, qui a permis d’élaborer progressivement les domaines bénéficiant d’une immunité juridictionnelle quasi-absolue. Cette incompétence du juge administratif à contrôler la légalité des actes de gouvernement s’étends principalement à deux domaines.
Tout d’abord, le juge administratif est incompétent vis-à-vis d’actes relatifs aux relations entre les pouvoirs publics. Ce principe a été posé par l’arrêt « Rouche » 18 juillet 1930, dans lequel le Conseil d’État va refuser de connaitre des actes entre le Gouvernement et le Parlement. Il est possible de citer de nombreux exemple tel que l’arrêt Rubin de Servens (2 mars 1962) ou plus récemment encore la nomination de Dupond-Moretti comme garde des sceaux (Conseil d’Etat :3 août 2021, n°443899).
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