Le rôle du conseil d'Etat dans l'ordre juridictionnel administratif
Dissertation : Le rôle du conseil d'Etat dans l'ordre juridictionnel administratif. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Mirabelle114 • 21 Novembre 2023 • Dissertation • 2 196 Mots (9 Pages) • 141 Vues
TD de droit administratif : L’ordre juridictionnel administratif
Dissertation : Le rôle du Conseil d’Etat dans la juridiction administrative
Le système juridique français a cela d’original qu’il est composé de deux ordres juridictionnels, à savoir une juridiction judiciaire, consacrée aux litiges entre personnes privées, et une juridiction administrative, se rapportant aux litiges soulevés par l’activité administrative. Cette organisation binaire est le fruit de considérations historiques et politiques datant de la Révolution française, caractérisées notamment par une méfiance accrue des juges, qui connaissent alors des contentieux administratifs et judiciaires de manière indifférenciée, ce qui, selon les révolutionnaires, portait atteinte à la séparation des pouvoirs. On notera malgré tout que cette dualité n’est pas universelle et que le système anglo-saxon, par exemple, ne distingue pas les litiges soulevés par l’activité administrative des litiges entre personnes privées qui sont soumis à la même juridiction. La doctrine parle de « Séparation française des pouvoirs. »
Le Conseil d’Etat est une institution publique qui exerce un rôle particulier dans cette juridiction administrative. S’il a d’abord un rôle consultatif, marqué par un devoir de conseil sur les projets de loi du gouvernement, d’où son nom, il a aussi une fonction juridictionnelle. Il est en l’occurrence la plus haute juridiction de l’ordre administratif, pouvant, selon les cas, statuer en premier et dernier ressort. Dans ce devoir, on ne s’intéressera pas à son rôle consultatif qui est exclu des termes du sujet, mais seulement à son rôle juridictionnel.
Il est intéressant d’ajouter que le Conseil d’Etat n’est pas la seule juridiction de l’ordre juridictionnel administratif puisqu’il en existe plus d’une vingtaine, tandis que le Conseil d’Etat exerce plusieurs fonctions, dont certaines qu’il partage plus ou moins avec d’autres, ce qui peut porter un trouble quant à la question de compétence juridictionnelle.
On peut alors se demander si le Conseil d’Etat, en tant que juridiction, n’exerce pas un rôle général de ‘touche à tout’ dans l’ordre juridictionnel administratif, et si oui, on peut s’interroger sur les éventuels problèmes qu’une telle multitude d’attributions peut engendrer, notamment du point de vue de la clarté du droit. Et par ‘touche à tout’, on veut signifier que par opposition à la Cour de cassation qui est la plus haute juridiction de l’ordre juridictionnel administratif, le Conseil d’Etat statue en fait, en droit, en appel, en cassation, et en arbitrage des tribunaux administratifs aussi, or il existe d’autres juridictions administratives qui se spécialisent aussi en appel, en cassation, en première instance, créant un doute sur le réel rôle du Conseil d’Etat.
Dès lors, dans quelle mesure, la multitude de fonctions du Conseil d’Etat entraîne un flou juridique du point de vue de la compétence des juridictions à saisir ?
Après avoir étudié la dualité des juridictions administratives et judiciaires en s’intéressant tour à tour au principe de séparation théorique des deux judiciaires et à l’immixtion occasionnelle dans certains cas spécifiques (I), il sera constaté qu’au sein-même de l’ordre administratif, il existe un grand nombre de tribunaux et de juridictions spécialisées qui portent atteinte à la clarté du droit. (II)
I – Une juridiction née de la conception de Séparation des pouvoirs
Il était intéressant de revenir sur les fondements même de la juridiction administrative pour bien comprendre la raison pour laquelle ses contours paraissent plus flous que dans l’ordre juridictionnel judiciaire, puisque les deux se conçoivent de prime abord comme un miroir formant le système juridique français. (Alors que ce n’est pas tout à fait vrai, il existe des juridictions qui ne relèvent ni de l’ordre judiciaire, ni de l’ordre administratif, comme le Conseil constitutionnel par exemple.)
Dès lors, on va étudier cette « conception française » de la séparation des pouvoirs qui par les circonstances a formé une juridiction administrative qui s’est bâtie elle-même au fur et à mesure (A) ainsi que l’immixtion occasionnelle des deux juridictions dans certains cas où il est difficile de trancher sur la compétence juridictionnelle adéquate. (B)
A) Deux ordres juridictionnels résultant du principe de séparation des pouvoirs initié par les révolutionnaires
Comme mentionné précédemment, sous l’Ancien Régime, les tribunaux connaissent des litiges relatifs l’activité de l’administration et des litiges judiciaires de manière indifférenciée. Le problème, c’est qu’à cette époque, on craint l’arbitraire des juges, qui émettent souvent des arrêts de règlement au cas par cas, ce qui porte atteinte à un principe d’égalité et de sécurité juridique, parce que pour deux litiges similaires, les solutions dégagées par les Cours peuvent être très différentes, d’où la fameuse maxime : « Dieu nous garde de l’équité des Parlements. » Les philosophes des Lumières mettent en avant le fait que le Roi et les juges ont trop de pouvoirs concentrés dans leur main : le roi a à la fois le pouvoir législatif, exécutif et judiciaire, ce qui fait qu’il est porté à abuser de son pouvoir, tandis que le juge judiciaire n’a pas de limite, et ne se cantonne pas à juste dire le droit, quand bien même c’est son rôle, puisqu’il en crée. « Le juge n’est que la bouche de la loi. » Dès lors, les révolutionnaires ont constaté que l’administration, englobant entre autres les taxes et les impôts, n’avait pas à être connue des juges, car touchant trop au pouvoir exécutif. La loi des 16 et 24 mai 1790 vient affirmer la prohibition pour les juges de connaître des litiges relatifs à l’administration, loi qui sera alors confirmée avec le décret du 16 fructidor an II qui annule toutes les décisions administratives émises par les tribunaux judiciaires.
Dès lors, et ce jusqu’en 1889, le Conseil d’Etat n’avait que son rôle consultatif auprès de l’exécutif, même s’il pouvait statuer occasionnellement en appel à la place du chef de l’Etat qui était alors compétent pour connaître des litiges en appel (recours plutôt rare de surcroît) par dérogation, mais la compétence de principe revenait aux ministres eux-mêmes, qui connaissaient des litiges relatifs à leur ministère, posant un problème d’impartialité. C’était la théorie du ministre-juge qui a été abandonnée par l’arrêt Cadot de 1889.
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