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Le juge administratif et les directives communautaires

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Par   •  22 Novembre 2023  •  Dissertation  •  3 057 Mots (13 Pages)  •  145 Vues

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Le juge administratif et les directives communautaires

« En 1998, plus de 80% des textes nationaux seront communautaires ». Voici ce que Jacques Delors, alors Président de la Commission Européenne, prévoyait lors de la signature du Traité de Maastricht en 1992. Bien que la France n'ait pas encore atteint ce seuil à ce jour, le droit communautaire est désormais intégré dans le système juridique français et occupe une place de plus en plus prépondérante.

Le droit communautaire désigne la réglementation applicable à l'ensemble des États membres de l'Union européenne. L’ensemble des normes composées de directives, de règlements européens et de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne.

Une directive représente une mesure juridique européenne adoptée conjointement par le Conseil de l'Union européenne et le Parlement européen, ou de manière indépendante dans certaines situations. Une directive impose aux États destinataires un objectif commun ainsi qu'un délai pour sa réalisation. En effet, selon l'article 189 du Traité de Rome, une directive lie chaque État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant à chaque État la liberté de choisir la forme et les moyens pour y parvenir. Pour les atteindre, les États membres fixent des actes de transpositions qui peuvent prendre la forme d’un décret ou d’une loi. Contrairement aux règlements communautaires, qui eux, sont contraignants dans tous leurs éléments et directement applicables. Ainsi, au départ, on pouvait penser que les directives n'avaient aucune force obligatoire et ne pouvaient pas être invoquées directement dans un recours. Cependant, un important revirement jurisprudentiel a eu lieu et aujourd’hui on reconnait aux directives communautaires un effet direct en droit national.  

Au cours des cinquante dernières années, le développement des sources du droit administratif et l'influence croissante des dispositions européennes sur l'ordonnance administrative française ont accentué le rôle crucial du juge administratif dans la mise en œuvre des directives communautaires. Le juge administratif exerce un contrôle déterminant, contribuant ainsi à assurer la conformité du droit français aux normes européennes.

Le Conseil d'État a établi que les directives européennes prévalent sur les lois françaises, mettant en lumière l'importance de ces directives et le rôle crucial du juge administratif.

Cependant, quels sont précisément les rôles et les compétences du juge administratif dans le contentieux des directives communautaires ?

Pour répondre à cette question, nous examinerons tout d'abord son rôle dans l'impératif de transposition des directives communautaires par l'État (I). Ensuite, nous analyserons l'extension et l'importance de ses compétences découlant de ces directives (II).

  1.  Le rôle du juge administratif dans l'impératif de transposition des directives communautaires

Les directives communautaires reposent sur une obligation de transposition qui pèse sur un État membre. En d'autres termes, les États sont tenus de prendre des mesures internes pour atteindre les objectifs fixés par l'Union Européenne.

Pour assurer le respect de cette obligation, le juge administratif français est habilité à exercer un contrôle sur ces processus de transposition (A). En outre, en tant que contrôleur qui vise à garantir la conformité du droit français aux normes européennes, le Conseil d'État instaure des conséquences en cas de non-transposition de ses directives dans l’ordonnance interne (B).

 

  1. Le contrôle du juge administratif sur les mesures de transpositions

L’article 88-1 de la Constitution française, résultant de la loi constitutionnelle du 4 février 2008, dispose que la République participe à l’Union Européenne. Ainsi, à priori, cet article ne semble pas imposer d'obligations de transposition des directives communautaires pour la France. Cependant, l'interprétation donnée par le Conseil d'État et le Conseil Constitutionnel établit que la transposition constitue une exigence constitutionnelle.

Ainsi, l'obligation de transposer des directives n'est plus uniquement fondée sur l'article 288 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne, mais revêt également une dimension constitutionnelle.

Lorsqu'un État membre de l'Union européenne doit transposer une directive communautaire, il a une latitude quant aux moyens utilisés pour atteindre les objectifs fixés par cette directive. La transposition peut prendre la forme d'une loi ou d'un décret, laissant aux États membres la possibilité de choisir la mesure la mieux adaptée à leur système juridique et administratif.

Cependant, lorsque l'obligation de transposition a une valeur constitutionnelle, cela implique que le Conseil Constitutionnel est habilité à contrôler les lois de transposition. Parallèlement, le juge administratif est chargé de contrôler les décrets de transposition des directives. La décision du Conseil d'État réuni en assemblée, de 2007, "Société Arcelor", illustre le principe selon lequel le juge administratif peut exercer un contrôle de constitutionnalité des actes administratifs pour opérer un contrôle des transpositions.

Cela met en lumière le fait que depuis l'arrêt du Conseil d'État de 1989, "Nicolo", le juge administratif est reconnu comme compétent pour le contrôle de la conventionnalité.

  1. Les conséquences de l’irrespect du principe de transposition

Bien que le juge administratif ait la compétence de contrôler les mesures de transposition, son rôle ne se limite pas à cette sphère. En effet, il occupe également une position prépondérante dans la mise en œuvre de sanctions en cas de non-respect de cette obligation. Il convient de souligner que l'Union européenne accorde un délai, généralement compris entre six mois et deux ans, aux États pour mettre en place les mesures de transposition des directives, en fonction de leur complexité. Au terme de ce délai, en l'absence de transposition nationale, le Conseil d'État peut prendre deux mesures importantes : l'annulation d'un règlement en contradiction avec la directive ou l'engagement de la responsabilité de l'État.

En effet, lorsqu'il examine un décret de transposition, le juge administratif peut prononcer son annulation s'il constate qu'il est en contradiction avec la directive communautaire. La décision du Conseil d'État de 1989, intitulée "Compagnie Alitalia", établit le principe selon lequel le non-respect de l'obligation de transposition expose l'État au risque d'illégalité des actes réglementaires. Lorsque cette incertitude juridique se manifeste, une obligation d'abrogation s'impose.

Par ailleurs, en cas de non-respect du principe, la responsabilité de l'État peut désormais être invoquée. Pendant une période considérable, le Conseil d'État s'était montré réticent à cette idée. Cependant, depuis une décision marquante de la Cour de Justice de l'Union Européenne en 1995, connue sous le nom de "Brasserie du Pêcheur", un État a été contraint, pour la première fois, de verser des dommages et intérêts en raison de l'absence de transposition nationale d'une directive de l'Union européenne ayant entraîné des préjudices.

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