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La loi-écran est-elle toujours d'actualité ?

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Par   •  7 Novembre 2023  •  Dissertation  •  2 687 Mots (11 Pages)  •  278 Vues

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Dissertation : La « Loi-écran » est-elle toujours d’actualité ?

« Le juge est la bouche de la Loi ». Cette citation de Montesquieu dévoile significativement la tradition légicentriste française. En effet, sous les IIIème et IVème république, la Loi était considérée comme l’expression de la souveraineté nationale. Les dispositions prises par le Parlement avaient donc une valeur très importante, et devaient ainsi être respectées par l’administration elle-même. Les juges administratifs du Conseil d’État, créé dans ce contexte de légicentrisme, sont donc depuis sa création les juges du contentieux de la légalité des actes pris par l’administration. Leur rôle est de s’assurer que ces actes sont établis en conformité avec les dispositions législatives.

Mais la question se pose sous la Vème République avec la modification apportée à la hiérarchie des normes. En effet, selon la pyramide de Kelsen, philosophe et juriste autrichien, les normes juridiques sont classées de manière hiérarchique afin d’assurer une certaine cohérence et rigueur au système juridique. C’est donc la Constitution qui se place comme la norme suprême, imposant ainsi aux normes inférieures d’être en conformité avec celle-ci. Mais la problématique se pose au juge administratif quant à son contrôle des actes administratifs. Celui-ci doit-il contrôler le pouvoir réglementaire au regard de la Loi ou de la Constitution ? La théorie de la Loi-écran instaurée par le juge est venu répondre à cette question. On dit que la loi fait écran lorsque celle-ci fait obstacle au contrôle d’un acte administratif par rapport à sa norme supérieure. Ainsi, le juge étant le garant de la légalité, l’acte administratif ne pourra être contrôlé vis-à-vis d’une norme constitutionnelle ou d’une norme internationale, seulement si celles-ci ne sont pas en contradiction avec la loi dont l’acte découle. Autrement dit, l’acte n’est annulé pour inconstitutionnalité que s’il viole directement et par lui-même la Constitution, puisque le juge administratif ne peut pas juger une loi inconstitutionnelle. Si un acte pris en application d’une loi est conforme à celle-ci, alors le juge ne peut pas faire l’annuler. Cette théorie est née de la jurisprudence du Conseil d’État, notamment avec l’arrêt Arrighi du 6 novembre 1936. La loi-écran concerne également les normes internationales. Si celles-ci ont une valeur juridique supérieure à celle des lois, le juge ne peut, en principe, effectué un contrôle de conventionnalité des actes, si ceux-ci sont pris en conformité d’une loi.

La théorie de la Loi-écran est un principe fondamental du droit administratif. Elle a longtemps été utilisée par le Conseil d’État qui s’affirmait comme le protecteur de la légalité uniquement. Mais avec les modifications apportées à l’organisation du système juridique, notamment avec la consécration de la supériorité de la Constitution permise par l’avènement du Conseil constitutionnel, ou encore avec la multiplication du droit international qui vient remettre en cause la hiérarchie des normes internes, la théorie de la loi-écran s’en voit menacée. Le Conseil d’État, en adéquation avec ces évolutions juridiques de la Vème République, a procédé à certaines corrections au fil de sa jurisprudence en s’attribuant de nouvelles compétences. On en vient donc à se demander si la théorie de la Loi écran est toujours effective aujourd’hui ?

Si la théorie de la Loi-écran est un principe fondateur du droit administratif, celui-ci est néanmoins tombé dans une certaine désuétude en matière constitutionnelle (I). De plus, l’évolution de la jurisprudence en matière de contrôle de conventionnalité est également venue remettre en cause ce principe (II).

I/ La théorie de la Loi de l’écran : un principe fondateur du droit administratif tombé en désuétude en matière constitutionnelle

Lors de ses nombreux arrêts rendus, le juge administratif a lui-même posé la théorie de la Loi-écran. Si celle-ci est un principe fondamental du droit administratif (A), elle est néanmoins devenue désuète au fil des années, notamment depuis l’évolution de la jurisprudence ainsi que le fonctionnement effectif du Conseil constitutionnel (B).

A. Le principe fondateur de la Loi écran pour le juge administratif

On trouve de nombreuses sources de la légalité, qui correspondent aux normes et règles qui s’imposent à l’acte administratif unilatéral. Ces sources sont alors utilisées par le juge pour imposer aux autorités administratives le respect de la Loi. En effet, selon la hiérarchie des normes, les actes réglementaires sont infra-législatifs et donc infra-constitutionnels. Un requérant peut alors demander l’annulation d’un acte au motif du non-respect de ses normes supérieures. L’ensemble des normes constitutionnelles se sont ajoutées progressivement au fil de la jurisprudence, pouvant dès lors être invocables devant le juge. Le CE n’hésite alors pas à annuler des décisions administratives qui se voient contraires à ces textes. Par exemple, dans les arrêts Condamine, du 7 juin 1967 et amicale des annamites de paris, du 11 juillet 1956, le Conseil d’État va pour la première fois accepter de statuer sur la méconnaissance des dispositions de la DDHC et des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, mentionnés dans le principe de 1946. Le bloc de constitutionnalité peut donc être invoqué afin que le juge procède à un contrôle de conformité des actes administratifs. Néanmoins ceci est limité par la théorie de la Loi-écran instaurée par le juge administratif lui-même. Lors de l’arrêt Arrighi du 6 novembre 1938, le Conseil d’État s’est déclaré incompétent pour contrôler la conformité d’un règlement à la Constitution lorsque celui-ci a été pris conformément à une loi. S’il n’a pas utilisé le terme de Loi-écran, il a clairement affirmé que « le moyen tiré de l’inconstitutionnalité d’une loi n’est pas susceptible d’être discuté devant lui statuant au contentieux, lorsque le requérant l’invoque à l’encontre d’un acte administratif pris sur le fondement de cette loi ». Le juge administratif a en effet estimé que de contrôler la constitutionnalité d’un tel règlement, reviendrait à juger de la constitutionnalité de la loi qui lui sert de fondement. Il faut rappeler que cet arrêt s’inscrit dans un contexte de légicentrisme puissant, où l’administration ne pouvait aller à l’encontre de la volonté générale traduite par les lois. De plus, selon le principe de séparation des pouvoirs, les lois

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