Droit des sociétés, Cass. 1ère civ., 28 février 1973, n° 72-10430
TD : Droit des sociétés, Cass. 1ère civ., 28 février 1973, n° 72-10430. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Lyno21 • 26 Février 2023 • TD • 5 856 Mots (24 Pages) • 329 Vues
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Document n°1 : Cass. 1ère civ., 28 février 1973, n° 72-10430
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Si les apports sont indispensables pour caractériser un contrat de société, il n’est pas cependant nécessaire qu’ils soient de même nature ou d’égale importance. C’est en effet dans ce contexte que s’inscrit la première chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt en date du 28 février 1973.
Il ressort des faits de l’espèce qu’une société de fait a été créée entre Vincent y et son x joseph en vue de la création d’un lotissement.
Devant les premiers juges de fait, Vincent y, demandeur, soutien qu’il existe entre son x Joseph, défendeur, et lui, une société de fait, ce que celui-ci conteste. Après un premier jugement, la partie mécontente a interjeté appel.
La Cour d’Appel de Toulouse saisie du litige le 21 décembre 1971, a débouté Vincent y, appelant, de sa demande tendant à retenir l’existence d’une société de fait entre Joseph x, intimé, et lui. La Cour d'Appel, sans nier l'existence de l'affectio societatis, l’a débouté de sa demande aux motifs que, l'apport en industrie de Vincent y, qui n'était ni nécessaire ni déterminant ne saurait être retenu pour servir de fondement à la reconnaissance d'une société de fait en face de l'apport immobilier essentiel de joseph y, qui apportait en outre une participation en industrie au moins équivalente. Vincent y conteste cette décision de la Cour d’Appel en soutenant que l'affectio societatis ne peut s'apprécier qu'au cours de la période pendant laquelle il est prétendu que la société a existé, que son absence ne saurait se déduire d'une lettre écrite par l'une des parties dans le but manifeste de rompre les relations qui existaient antérieurement entre elles, et qu'ainsi, la cour d'appel aurait dû rechercher si les rapports des frères roques de 1961 à 1964 et, notamment les lettres des mois de juin et juillet 1964 qui avaient été retenues par le tribunal, ne révélaient pas cette affectio societatis. Sur ces moyens, Vincent y s’est pourvu en cassation.
La question à laquelle les hauts magistrats devraient répondre était de savoir si, sans nier l’existence de l’affectio societatis, une Cour d’Appel pouvait refuser l’existence d’un contrat de société en se fondant uniquement sur la disproportion des apports ?
A cette question, la Cour de cassation a répondu par l’infirmatif et a cassé la décision de la Cour d’Appel de Toulouse au visa de l’article 1853 du code civil, dont il résulte que la disproportion des apports n'exclut pas l'existence d'un contrat de société.
Le raisonnement des juges s’est articulé autour de la constatation d’élément constitutif d’une société dont l’affectio societatis non nié par la cour d’appel en l’espèce (I) avant de caractériser l’existence effective d’un contrat de société (II)
- Le rappel du caractère déterminant de l’affectio societatis permettant l’existence d’une société
La présence implicite d’affectio societatis (A) d’où la création d’une société de fait (B) a permis à la cour régulatrice d’admettre l’existence d’une société.
- L’admission implicite de la présence d’affectio societatis
L’article 1832 du code civil énumère les éléments constitutifs d’un contrat de société. Même si cet article ne vise pas l’affectio societatis, ce dernier constitue un élément fondamental permettant de caractériser l’existence d’une société. Il n’est défini par aucun texte, c’est donc la doctrine et la jurisprudence qui permettent de déterminer les contours.
Dans un arrêt du 9 avril 1996, la Cour de cassation a défini l’affectio societatis comme la « volonté non équivoque de tous les associés de collaborer ensemble et sur un pied d’égalité à la poursuite de l’œuvre commune »[1]. Il désigne l'élément intentionnel indispensable à la formation du lien qui unit les personnes qui ont décidé de participer au capital d'une société qu'elle soit civile ou commerciale. Deux éléments principaux ressortent de cette définition à savoir la volonté de collaborer qui implique que les associés doivent œuvrer, de concert, à la réalisation d’un intérêt commun (l’objet social) et une collaboration sur un pieds d’égalité ce qui signifie qu’aucun lien de subordination ne doit exister entre associés bien qu’ils soient susceptibles d’être détenteurs de participations inégales dans le capital de la société[2].
En l’espèce, Vincent y a fait grief à l’arrêt de la Cour d’Appel tendant à rejeter sa demande relative à la reconnaissance de l’existence d’une société. Il fonde sa décision sur le fait que l'affectio societatis ne peut s'apprécier qu'au cours de la période pendant laquelle il est prétendu que la société a existé. Toutefois, la Cour de cassation a rejeté ces prétentions au motif que la Cour d’Appel n’a pas nié l’existence de l’affectio societatis.
Ici, l'affectio societatis se présente de façon particulière dans la mesure où, par hypothèse, les membres d'une société créée de fait n'expriment pas leur volonté de s'associer. Les tribunaux vérifient essentiellement si les prétendus associés ont effectivement participé à une activité commune, si leur comportement personnel s'inspirait de la poursuite d'un objectif économique commun. Ainsi, pour caractériser l'exercice effectif d'une activité commune et démontrer l'existence d'un affectio societatis.
Toutefois, selon la Cour de cassation en l’espèce, cette question de l’existence de l’affectio societatis n’est pas pertinente dès lors que la Cour d’Appel n’a pas nié l’existence de l’affectio societatis. Cela porte donc à croire qu’elle l’a implicitement admis, ce qui permettra de caractériser l’existence d’une société créée de fait en l’espèce.
- L’admission d’une société créée de fait en l’espèce
Une société créée de fait est une société qui n’a pas été formée selon les conditions prévues par la loi notamment son immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Ainsi, elle n’a pas d’existence juridique et elle n’a pas non plus de personnalité morale.
Aux termes de l’article 1832 du code civil « La société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre en commun des biens ou leur industrie, en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter. Les associés s'engagent à contribuer aux pertes ».
Tant pour la jurisprudence judiciaire que pour la jurisprudence administrative, l'existence d'une société créée de fait suppose que soient réunis les éléments constitutifs du contrat de société précisés à l'article 1832 du code civil dont les apports (en nature, en numéraire et en industrie), la participation de chacun aux résultats de l'exploitation et un affectio societatis[3].
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