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Conseil d’État, 3 février 2023, n°451052, Mme B.A.

Commentaire d'arrêt : Conseil d’État, 3 février 2023, n°451052, Mme B.A.. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  14 Février 2024  •  Commentaire d'arrêt  •  3 328 Mots (14 Pages)  •  205 Vues

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Conseil d’État, 3 février 2023, n°451052, Mme B.A.

« Le droit souple envahit le contentieux de l'excès de pouvoir avec, pour le juge, le double défi de définir les critères de recevabilité des recours contre ces actes non décisoires et de déterminer la nature du contrôle appliqué »¹.

Un acte de droit souple est un acte ayant pour objet de modifier ou d’orienter le comportement juridique des destinataires sans créer de nouvelle règle de droit². Si le juge administratif estimait initialement que ces actes n'avaient pas d'incidence sur la situation des individus et donc ne pouvaient pas être contestés, il est néanmoins revenu sur cette position dans certains cas³.

En l’espèce, dans le cadre de la mise en œuvre pratique du fonds de solidarité institué durant l’épidémie de Covid-19 en faveur des entreprises, le ministère de l’économie, des finances et de la relance, a publié le 23 mars 2021 sur son site internet une foire aux questions. Plus précisément, au sein de la section intitulée « Puis-je bénéficier de ce dispositif ? », et au point 12 de cette foire aux questions, s'est posée la question de l'éligibilité des loueurs en meublés non professionnels au fonds de solidarité. À cette interrogation, le ministère a formulé une réponse négative à l'égard de cette catégorie de loueurs, affirmant ainsi leur non-éligibilité au fonds de solidarité.

Dans ce contexte, la requérante a exprimé son désaccord avec la réponse du ministère et a saisi le Conseil d'État le 25 mars 2021 d'une demande en annulation pour excès de pouvoir de la foire aux questions relative au fonds de solidarité en faveur des entreprises, en ce qu'elle exclut, par principe, les loueurs en meublés non professionnels du bénéfice du fonds précité et d'annuler toute circulaire qui procéderait à la même exclusion.

Il incombait au Conseil d'État de déterminer si cette foire aux questions pouvait être soumise au contrôle du juge administratif en raison des conséquences potentielles qu'elle pourrait entraîner. En d'autres termes, le Conseil d'État devait déterminer si une requête contestataire dirigée contre une réponse ministérielle publiée dans une foire aux questions était recevable.

Dans sa décision rendue le 3 février 2023, sans surprise, le Conseil d'État écarte les prétentions générales et imprécises dirigées contre « toute circulaire » excluant les loueurs en meublés des aides apportées par le fonds de solidarité. Il retient en revanche l'argument tiré de la violation de la loi pour annuler le point 12 de la partie « Puis-je en bénéficier ? » de la version mise à jour de la FAQ.

Ainsi, le Conseil d'État traite donc d'abord la question de la recevabilité de la requête et de l'ouverture du recours pour excès de pouvoir ( I ), puis il se prononce en premier et en dernier ressort sur le fond de la demande de la requérante ( II ).

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1 : Stéphanie Renard, Maître de conférences HDR en droit public - Université Bretagne Sud

2 : Rapport du Conseil d’État du 1er octobre 2013 - «  Le Droit souple »

3 : Conseil d’État, 12 juin 2020, n°418142, GISTI.

  1. La confirmation de l’ouverture du recours pour excès de pouvoir à l’encontre des réponses issues des foires aux questions

Le Conseil d’État a qualifié les réponses issues des foires aux questions ( FAQ ) , interprétant le droit positif, en tant qu'actes de droit souple ( A ). Cette décision s’inscrit dans la lignée de sa jurisprudence constante sur la question et illustre sa volonté de favoriser l'accessibilité à la justice des administrés avec la possibilité de contester ces actes ( B ).

  1. La qualification des FAQ en actes de droit souple et l’illustration de leur particularisme  

Par son arrêt en date du 3 février 2023, le Conseil d'État confirme son courant jurisprudentiel en matière d'acte de droit souple, ce qui garantit une réelle justiciabilité de ces actes. En effet, en qualifiant les réponses interprétant le droit positif en tant qu'acte de droit souple, la Haute juridiction confirme sa volonté d'ouvrir son prétoire et de garantir les droits des administrés. Cette qualification découle des critères énoncés dans un rapport du Conseil d’État qui définit l’acte de droit souple comme celui qui ne crée pas de droits ou d'obligations, visant à orienter les comportements en suscitant l'adhésion, et présentant une formalisation similaire aux règles de droit. Dans sa jurisprudence récente, le Conseil d’État a jugé que le droit souple devait s'entendre comme tous les « documents de portée générale émanant d'autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentation ou interprétations du droit positif [...] lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant de les mettre en œuvre ».

Le Conseil d’État va également se fonder sur les effets notables pour admettre la justiciabilité du document et non uniquement sur l'incidence directe sur des tiers ou sur l'administration, même s’il rappelle la double incidence de cette réponse sur les bénéficiaires du fonds, les services chargés d'instruire les demandes d'aides et les services chargés de procéder au versement de ces aides. Cette observation vient étayer les conclusions du rapporteur public Guillaume Odinet dans l’affaire GISTI où il avait affirmé que « nombre de documents de portée générale sont à la fois des documents de référence interne à l'administration (...) et des documents adressés aux tiers, au public au sens large », ce qui devrait permettre de qualifier de tels actes de « biface », « tel une page-internet de questions- réponses servant d'information aux administrés et de référence à l'administration ». En effet, par cette question - réponse postée sur le site internet du gouvernement, les services du ministre de l'économie, des finances et de la relance ont fait part de leur interprétation de l'ordonnance du 25 mars 2020 ainsi que du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020, dans sa rédaction issue du décret n° 2021-129 du 8 février 2021, pris pour son application. Cette interprétation du cadre juridique, émise par les services responsables de l'examen des demandes d'aide du fonds de solidarité et de leur éventuel versement, peut avoir un impact significatif sur la situation des individus qui cherchent à en bénéficier.

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