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Commentaire de l’arrêt CE, 9 novembre 2016, Fédération départementale des libres penseurs de Seine-et-Marne, n°395122

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Par   •  20 Avril 2023  •  Commentaire d'arrêt  •  3 123 Mots (13 Pages)  •  312 Vues

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Commentaire de l’arrêt CE, 9 novembre 2016, Fédération départementale des libres penseurs de Seine-et-Marne, n°395122

Le Conseil d’Etat a rendu un arrêt en date du 9 novembre 2016, qui est publié au Recueil Lebon, et qui nous précise les conditions de légalité pour que des personnes publiques puissent, conformément au principe de neutralité du service public, installer temporairement des crèches de Noël, dans des lieux publics.

En l’espèce, le maire de la commune de Melun a décidé d’installer temporairement une crèche de Noël dans l’enceinte de l’Hôtel de ville durant le mois de décembre 2012. Par courrier du 18 octobre 2012, la Fédération départementale des libres penseurs de Seine-et-Marne demande au maire de Melun de s’abstenir d’installer cette crèche de Noël. Suite à un refus implicite du maire, puisqu’une crèche a été installée dans la cour intérieure de l’Hôtel de ville, la Fédération départementale des libres penseurs de Seine-et-Marne a formé un recours devant le Tribunal administratif de Melun tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de la décision du maire de Melun de procéder à cette installation.

Par un jugement du 22 décembre 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande, et conclut donc à la légalité de la décision du maire. La Fédération départementale des libres penseurs de Seine-et-Marne a relevé appel du jugement devant la Cour administrative d’appel de Paris. Par un arrêt rendu en date du 8 octobre 2015, la Cour administrative d’appel de Paris a fait droit à son appel, annule le jugement du Tribunal administratif de Melun et annule pour excès de pouvoir la décision du maire de Melun. Mécontente de cette décision, la commune de Melun s’est pourvu en cassation devant le Conseil d’Etat, et demande l’annulation de l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris ainsi que la condamnation de la Fédération départementale des libres penseurs de Seine-et-Marne à lui verser la somme de 6 000€.

Une personne publique, qui doit respecter le principe de neutralité du service public, peut-elle installer une crèche de Noël temporairement au sein d’un bâtiment public ?

Le Conseil d’Etat répond par la positive à cette question, et annule l’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Paris, le jugement du Tribunal administratif de Melun, ainsi que la décision du maire de Melun d’installer une crèche de Noël dans l’enceinte de l’hôtel de ville de cette commune durant le mois de décembre 2012, et condamne la commune de Melun à verser la somme de 3 000€ à la Fédération départementale des libres penseurs de Seine-et-Marne. Il estime que l’installation d’une crèche de Noël est légale seulement si la crèche « présente un caractère culturel, artistique ou festif, sans exprimer la reconnaissance d’un culte ou marquer une préférence religieuse ». Cependant, le Conseil d’Etat a jugé qu’en l’espèce, il n’y avait aucune circonstances particulières qui permettait de reconnaitre à l’installation de cette crèche de Noël un caractère culturel, artistique ou festif. Donc, le maire de la commune de Melun ne pouvait pas installer une crèche de Noël temporairement dans l’enceinte de l’hôtel de ville, et que ce faisant, il a « méconnu l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 et les exigences attachées au principe de neutralité des personnes publiques ».

Nous verrons dans un premier temps le principe de neutralité du service public et l’ambigüité de la signification de la crèche de Noël (I), puis l’application concrète de ce principe par le juge dans le cas d’une installation d’une crèche de Noël par une personne publique (II).

  1. Le principe de neutralité du service public et l’ambigüité de la signification de la crèche de Noël

Nous parlerons dans un premier temps du principe de neutralité du service public et de ses implications (A), puis nous verrons les différentes significations que revête la crèche de Noël (B).

  1. Le principe de neutralité du service public et ses implications

Tout d’abord, le service public est une activité d’intérêt général qui est géré par une personne publique ou qui est géré sous le contrôle d’une personne publique. En droit français, la notion d’intérêt générale est une notion indéterminée, c’est-à-dire que c’est une notion qui est variable dans le temps et dans l’espace. On définit donc l’intérêt général comme un intérêt qui est définit comme tel par les autorités compétentes. Une personne publique peut être  l’Etat, une collectivité territoriale ou encore un établissement public. Le service public est soumis à plusieurs principes fondamentaux. En général, on distingue trois principes : le principe de mutabilité, le principe de continuité et le principe d’égalité. C’est le dernier principe qui nous intéresse.

        En effet, le principe d’égalité signifie que tous les usagers, y compris les agents du service public, doivent être traité de la même manière, c’est-à-dire sans tenir compte de leurs convictions philosophiques, politiques et religieuses. Ce principe d’égalité découle de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, puisqu’aux articles 1er et 6 de cette Déclaration sont explicitement mentionnés les principes d’égalité en droit, d’égalité devant la loi et l’égalité d’accès aux emplois publics. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen étant inscrit dans le préambule de la Constitution, ce texte a une valeur constitutionnelle. Par la suite, la Conseil d’Etat a élevé ce principe en un principe général du droit, lors de son arrêt Société des concerts du conservatoire, rendu en 1951. Cela signifie que le principe d’égalité est une règle non-écrite de portée générale qui s’impose à l’administration, et dont sa violation est considérée comme une violation d’une règle de droit. De ce principe d’égalité découlent plusieurs autres principes, dont le principe de neutralité.

        L’exigence de neutralité des services publics oblige les personnes publiques de s’abstenir d’exprimer toute préférence pour une opinion philosophique, politique ou encore religieuse. Autrement dit, les agents du service public ainsi que les autorités administratives sont obligés de ne faire apparaitre aucun signe d’appartenance philosophique, politique ou religieuse. Il faut tout de même préciser que cela ne les empêche pas d’avoir des convictions, notamment religieuses, mais ils doivent juste ne pas les exprimer dans le cadre de leurs fonctions. C’est ce qu’on appelle la liberté de conscience. Ce principe de neutralité des agents du service public est d’origine jurisprudentiel. En effet, dans un avis du Conseil d’Etat du 3 mai 2000 (arrêt Mlle Marteaux), il était question d’une surveillante de collège qui manifestait ses croyances religieuses en portant une coiffe à connotation religieuse. Le Conseil d’Etat a estimé que même si les agents du service public possèdent la liberté de conscience, le principe de laïcité les empêche de manifester leurs croyances religieuses dans le cadre du service public. Donc ils doivent respecter le principe de neutralité. Par la suite, le législateur a consacré l’obligation de neutralité des agents publics à travers la loi du 20 avril 2016, relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, et modifiant l’article 25 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983. Le nouvel article 25 dispose que « dans l’exercice de ses fonctions, il [le fonctionnaire] est tenu à l’obligation de neutralité ».

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